samedi 26 janvier 2013

The Swimmer

Film de Frank Perry (1968), avec Burt Lancaster, Janet Landgard, Janice Rule, Tony Bickley, Marge Champion, etc...




 
















S'il existe un film qui mérite le titre de curiosité, c'est bien celui-ci! Imaginez un peu: The Swimmer raconte l'itinéraire d'un cinquantenaire (Burt Lancaster) qui décide un jour de rentrer chez lui en traversant les piscines de chacun de ses voisins. Déjà, on se demande comment une idée aussi tordue va pouvoir tenir la route et c'est finalement ce challenge qui préoccupe le spectateur dans les premières minutes. Mais une fois la situation posée, et dès qu'on a accepté le postulat de base, le film se révèle être carrément unique en son genre. The Swimmer est en fait une sorte de road movie, d'itinéraire personnel qui ramène un homme à travers son passé

Chacune des piscines qu'il traverse l'amène à revisiter d'anciens amis qui font peu à peu ressurgir des bribes de son passé et aident le spectateur à reconstituer petit à petit l'histoire. De la satire sociale, The Swimmer vire à la comédie de moeurs, puis au drame. Au fur et à mesure, les apparences se fissurent et le personne de Ned devient de plus en plus dérisoire et pathétique. Le film, et c'est là sa force, n'apporte pourtant aucune réponse claire et définitive quant au passé du héros, mais il parvient malgré cela à suggérer très efficacement sa déchéance.





The Swimmer est porté par une mise en images inhabituelle, à la fois poétique et surprenante. Frank Perry, le réalisateur, est un auteur rare, qui n'a réalisé qu'une poignée de films, pour la plupart très inhabituels. Cela se ressent à la vision du film, tant la mise en scène est riche et très personnelle. C'est parfois à la limite du ringard, comme avec ces séquences au ralenti qui fleurent bon les années 70. Voir Burt Lancaster gambader au ralenti dans la luzerne en compagnie d'une charmante donzelle ou faire la course avec un pur-sang, ça prête inévitablement à sourire. Mais en définitive, le film ose et assume pleinement ces petites digressions. Assez paradoxalement, elles lui confèrent un ton très particulier mais hélas, le datent aussi considérablement.


The Swimmer a d'ailleurs désarçonné jusqu'à ses producteurs, puisque Frank Perry n'en finira jamais le tournage et abandonnera le projet pour "divergences artistiques". Plusieurs réalisateurs seront sollicités pour terminer le film, dont Sydney Pollack, qui tournera notamment la scène avec Janice Rule. Burt Lancaster paiera d'ailleurs lui-même de quoi boucler le tournage, et il désignera souvent le film comme un de ses préférés. A raison, car il y est vraiment extraordinaire, à des lieues des personnages virils dont il s'était fait une spécialité.







Totalement déconcertant, The Swimmer appartient définitivement à cette époque de la fin des années 60, où toutes les audaces, tant scénaristiques que visuelles, étaient permises. Malgré sa production tourmentée, le film a su garder un ton étrange et décalé, qui en fait un objet singulier, troublant et bizarre, mais, pour peu qu'on s'y laisse entraîner, parfaitement unique. Plongez !

lundi 21 janvier 2013

Total Recall - Mémoires Programmées

Film de Les Wiseman (2012), avec Colin Farrell, Kate Beckinsale, Jessica Biel, Bryan Cranston, Bill Nighy, etc...
















Purée, encore un remake! Et pas de n'importe quoi, non plus: du film de Paul Verhoeven avec Schwarzy! Donc forcément, dès qu'Hollywood s'avise de toucher à un des classiques du Strapontin, il est clair qu'on l'attend au tournant avec la batte de baseball à portée de main! Logique. Ceci posé, l'idée-même de remake titille inévitablement la curiosité, puisque vous avez d'un côté les ados qui n'ont jamais entendu parler du film original et qui iront le voir parce que ça déchire grave, et de l'autre les vieilles badernes, fièrement représentées par votre blog favori, qui vont quand même y aller, juste histoire de voir l'étendue des dégâts.

Soyons honnêtes: ce Total Recall remix 2012 est moins pire que ce à quoi on pouvait s'attendre. Certes, Colin Farrell a toujours autant de prestance qu'un plat de moussaka: il y a des choses qui ne changent pas. Par contre, on ne peut pas reprocher aux auteurs de cette nouvelle mouture de ne pas avoir refait la déco de fond en comble. Visuellement, cela n'a carrément plus rien à voir avec l'ancienne version. On a opté pour un look à mi-chemin entre Blade Runner et Minority Report, qui ressemblerait aussi un peu à une version trash du Cinquième Elément, avec un petit peu de I Robot dedans.

Exit également l'escapade sur Mars, tout est recentré sur notre bonne vieille Terre et l'intrigue tourne désormais autour de plans d'invasion. Car figurez-vous que tout ce qui restera d'ici quelques années, ce sera l'Angleterre et l'Australie (si! si!), qui seront reliées entre elles par un tunnel style métro, genre c'est carrément voyage au centre de la terre pour aller au taf! Je ne sais pas ce que les producteurs ont fumé, mais ce devait être de la bonne! C'est certain que ce nouveau Total Recall en jette à force d'en rajouter dans la surcharge. C'est effectivement un futur noir de chez noir et dans lequel il ne fait pas bon vivre.

Mais à force d'évacuer des choses et de les remplacer par d'autres, on a aussi éliminé ce qui faisait le principal intérêt de la première version, à savoir ce jeu avec les faux-semblants, entre illusion et réalité. Verhoeven brouillait les cartes, ne donnait pas de réponse franche et le film pouvait être perçu aussi bien comme un thriller que comme une plongée dans la schizophrénie. Sous ses allures de comic book, il y avait tout de même une sacrée ambiguité. Rien de tel ici, puisqu'on demeure du début à la fin dans le monde réel. Le film se résume alors à une interminable enfilade de séquences d'action sans le moindre intérêt. Ca défouraille un max, mais dans le vide. De plus, on a soigneusement raboté l'aspect violent et sanglant du Verhoeven, puisque le héros passe son temps à dégommer ... des robots! C'est plus politiquement correct!

Donc pas grand chose à sauver de ce Total Recall new look, qui recycle niaisement l'original sans avoir rien compris au concept. Cela donne une sorte de gloubi-boulga qui mange à tous les râteliers et en fait des kilotonnes, pour un résultat finalement aussi décérébré et consensuel que les grosses machines actuelles. Le classique de Paul Verhoeven méritait mieux. Beaucoup mieux.

mardi 15 janvier 2013

Complot de Famille

(Family Plot)
Film d'Alfred Hitchcock (1976), avec Karen Black, Barbara Harris, Bruce Dern, William Devane, Ed Lauter, etc...





















Parmi les derniers films d' Hitchcock, Family Plot n'a pas vraiment la côte. Il n'est de bon ton de dire que le Maître du Suspense n'était pas très inspiré pour ce dernier effort. C'est certain qu'à 80 ans, avec un stimulateur cardiaque, Hitch n'était pas non plus dans une forme olympique et qu'il aurait été vain d'attendre de lui un chef d'œuvre de la trempe de Psychose ou de Vertigo.
 
 
Pourtant, a l'arrivée, ce Family Plot se tient plutôt bien, c'est même une comédie plutôt recommandable, et tout à fait dans l'esprit d'un certain cinéma seventies. L'intrigue peut paraître simplette, mais on se rend vite compte que ce qui a intéréssé  Hitchcock, c'est l'entremêlement de deux histoires distinctes, qui finissent en définitive par fusionner. Le réalisateur passe allègrement sur les aspects un peu convenus du scénario et Family Plot devient, du coup, une véritable démonstration de style narratif.
 
 
Hitchcock, même dans ses films les plus faibles, reste fascinant dans la manière qu'il possède d'envisager les films comme de gigantesques équations: le but est d'obtenir une participation maximale du spectateur, et du coup, le réalisateur ne craint pas de privilégier tout ce qui peut l'encourager, et tant pis si cela peut paraître un peu scolaire à certains. C'est vrai que dans Family Plot, Hitchcock prend son temps pour récapituler tous les tenants et aboutissants du scénario. Du coup, cela donne au film une allure nonchalante et très détendue qui en fait une sorte de récréation.
 



 
Ce qui a pas mal joué contre Family Plot, c'est le fait que Hitchcock ait brillamment réussi Frenzy 2 ou 3 ans auparavant. D'un seul coup, il avait réussi à se réinventer après une série de films plus ou moins réussis, mais que la critique s'était accordée pour trouver bien inférieurs au reste de son œuvre. Donc forcément, se fendre d'une petite comédie gentillette la où on attendait un thriller implacable, ce n'était pas vraiment du goût de pas mal de monde.



 
Pourtant, ce Family Plot, malgré ses défauts, est plus que sympathique et bourré de petites touches Hitchcockiennes. Les deux intrigues parallèles se recoupent avec habileté, chacune menée sur un ton particulier: plus fantasque et déconneur avec le duo Barbara Harris/Bruce Dern, plus tenu et classique avec Karen Black et William Devane. Comme dans les meilleurs films du réalisateur, le scénario repose sur une confusion des identités et sur un personnage qui n'existe pas, Eddie Shoebridge. Ce n'est d'ailleurs pas la seule similitude: la séquence de la voiture sans freins évoque le début de La Mort aux Trousses, et Hitch n'a pas peur d'en faire des caisses dans l'humour un peu lourdingue avec les pitreries de son actrice principale. A d'autres moments, la mise en scène fait preuve d'une grande efficacité, comme durant la séquence du cimetière ou lors du rapt de l'évêque, qui montre que le réalisateur n'a rien perdu de son style inimitable.
 
 
En même temps, Family Plot est fidèle à un certain esprit seventies dans son esthétique et sa facture très classique. Mais Hitchcock ne se prive pas pour autant de quelques allusions douteuses qui, si elles ne sont pas d'une très grande finesse, restent fidèles à son esprit un peu frondeur. Il y a aussi une tirade contre la religion dont le cynisme surprend un peu, tant elle est à l'opposé d'un esprit somme toute assez bon enfant qui imprègne le film. Et puis il y a aussi ces petits détails, comme la perruque dans le frigo, qui sont tellement saugrenus qu'ils en deviennent carrément surréalistes.



 

 

C'est principalement cette ambiance conviviale et légère qu'on retiendra du film. A l'instar de la musique légère de John Williams, Hitchcock nous livre une œuvre malicieuse et espiègle, qui ne se prend pas au sérieux. On y retrouve, l'espace de quelques secondes, tout son talent et son sens de la mise en place. Peu importe alors que le reste soit parfois un peu mollasson et à la limite du téléfilm. Quelque part, Family Plot dégage un charme désuet, traversé de temps à autre par de petits éclairs de génie. Hitchcock nous quitte sur un clin d'oeil, un film mineur qui s'il n'est pas génial, s'avère tout de même fichtrement agréable.


Le Trombi:
Hitchcock avait assez mal digéré le fait d'avoir à payer des cachets astronomiques pour certains de ses films. Pour Family Plot, il choisira donc l'économie. Bruce Dern, qu'il avait déjà employé dans Marnie, sera préféré à Al Pacino, et William Devane à Burt Reynolds. Pour la petite histoire, Roy Thinnes (le David Vincent des Envahisseurs) sera engagé pour tenir le rôle d'Arthur Adamson, et sera débarqué en plein tournage et remplacé par Devane.
Karen Black
Bruce Dern
Barbara Harris
William Devane
Cathleen Nesbitt
Ed Lauter
J. Patrick Mc Namara
Charles Tyner
Warren J. Kemmerling
Katherine Helmond
Nicholas Colasanto

La Mise en Scène:
Family Plot a beau être un Hitchcock mineur, il contient tout de même quelques belles idées de mise en scène. La conception de l'intrigue est très géométrique, puisqu'il est question d'histoires distinctes qui se recoupent. Le premier point d'intersection intervient lorsque le taxi de George croise le chemin de Fran, la femme en noir. Alors que le spectateur était jusqu'alors resté dans la voiture, Hitchcock nous place à l’extérieur et en utilisant un ample mouvement de caméra, nous attache aux pas du nouveau personnage qu'il vient d'introduire. Bien évidemment, le public anticipe d'emblée le fait que la personne recherchée par Blanche a un lien avec tout cela, mais le réalisateur donne un minimum d'informations afin de permettre au spectateur de construire sa propre version de l'histoire.


L'approche géométrique est encore plus évidente dans la scène du cimetière, où la situation de base est inversée: ici un personnage détenteur d'un secret va chercher par tous les moyens a éviter de croiser George, qui est en quelque sorte le point d'identification du spectateur. Hitchcock avait d'ailleurs baptisé ce plan le "Mondrian shot", en référence aux oeuvres de Piet Mondrian, caractérisées par des formes rectangulaires très marquées.


La Voiture:
La séquence de la voiture sans freins est, comme nous l'avons dit, une citation à peine déguisée de la séquence de La Mort aux Trousses, où un Cary Grant bourré comme un coing tentait d'échapper à des tueurs. Ici, la situation est différente, puisque la voiture a été sabotée au préalable. Le spectateur sait qu'il sait passé quelque chose, mais il ne sait pas quoi. Hitchcock nous indique donc ce qui s'est passé grâce à un plan du dessous de la voiture.


Pendant toute la séquence, la caméra alterne entre des plans des deux personnages et leur point de vue. Le concept du réalisateur joue sur le fait de mettre le spectateur dans la même situation que les protagonistes, en concentrant l'action à l’intérieur de la voiture. Afin d'intensifier la menace, le réalisateur insère un court insert sur les marques du liquide de freinage sur la route.

 

Le Kidnapping:
Le moment le plus représentatif du style Hitchcock est probablement l'enlèvement de l'évêque. Le découpage se focalise sur des petits détails en gros plan (la seringue, le visage de la victime), montés sur un rythme très soutenu. Le fait que la séquence soit quasiment muette renforce l'impact des images.

 

Le Garage:
Un autre exemple de découpage se situe lorsque Blanche se retrouve confrontée à Adamson et Fran dans le garage. Les deux kidnappeurs doivent partir échanger l'évêque contre la rançon, et ce dernier est allongé dans la voiture, drogué. Hitchcock fait naître le suspense à partir d'un bout de son aube qui dépasse de la portière. Ici, le spectateur et un des personnages sont au courant d'un élément que les autres ignorent. Le suspense naîtra ici de la manière dont Fran tentera de camoufler ce détail. Le réalisateur crée la surprise avec un effet inattendu, renforcé par l'utilisation du gros plan: la tête de l'évêque qui bascule par la portière.


La lutte de Blanche contre Adamson est filmée en plans très serrés, caméra à l'épaule, et les mouvements incessants du cadre renforcent l'impression de violence. C'est un procédé qu'Hitchcock avait également employé dans La Mort aux Trousses. La tache de sang sur le chemisier évoque Marnie, même s'il est clair que la citation n'est pas implicitement voulue par le réalisateur.


 

 
La Musique:
Hitchcock a toujours eu une approche très musicale de la mise en scène. Dans ses meilleurs films, la musique de Bernard Herrmann tenait un rôle prépondérant. cependant, dans ses derniers films, le réalisateur avait eu du mal à trouver un compositeur à sa mesure. John Williams, tout frais sorti de l'expérience de Jaws, livre avec Family Plot une partition inattendue, à la fois légère et pleine de suspense. Beaucoup d'éléments, nottament l'utilisation des choeurs, évoquent ce que fera Williams l'année suivante dans Rencontres du Troisième Type, et l'utilisation du clavecin accentue le côté insouciant et souriant de l'intrigue. A l'époque, le compositeur n'avait pas connu le carton de Star Wars, et son style avait su garder une certaine fraîcheur. Assez curieusement, aucun disque ne sera édité au moment de la sortie du film, et il faudra attendre près de 35 ans pour que la partition soit enfin éditée. Bien que s'agissant d'une édition limitée, elle est toujours disponible sur le site de l'éditeur.







L'apparition d'Hitchcock:
C'est connu, le Maître du Suspense faisait toujours une petite apparition clin d'oeil dans chacun de ses films. Celle de Family Plot, la toute dernière, est particulièrement émouvante, puisqu'elle annonce en filigrane la conclusion de l'oeuvre du réalisateur. Il n'apparaît pas en personne, mais en ombre chinoise sur la porte d'un bureau d'état-civil. Une belle manière de tirer sa révérence.

 

En vidéo:
Considéré par beaucoup comme un Hitchcock mineur, Family Plot a tout de même eu droit à une édition DVD soignée, avec un reportage rétrospectif, Plotting Family Plot, qui sera un vrai régal pour les fans du film. Tous les acteurs principaux (à l'exception de Barbara Harris) y vont de leur petit souvenir d'un tournage apparemment très plaisant, et il y a même une petite section consacrée à la musique. On ne peut malheureusement pas dire que le transfert vidéo ait été réalisé avec autant de soin, puisque c'est vraiment l'un des plus mauvais de la collection parue chez Universal. Le blu-ray n'apporte malheureusement pas davantage d'amélioration, avec une image mal définie et pleine de défauts. Décidément...


lundi 14 janvier 2013

Looper

Film de Rian Johnson (2012), avec Joseph Gordon-Levitt, Bruce Willis, Emily Blunt, Paul Dano, Jeff Daniels, etc...
















Vendu comme l'un des meilleurs films de SF de ces dernières années, Looper a un peu de mal à être à la hauteur de sa réputation. A la base, il y a un mélange assez rusé de polar et de fantastique, puisque le film raconte l'histoire d'un tueur à gages chargé d'éliminer des individus "renvoyés" du futur par la une organisation mafieuse... Jusqu'au jour où il découvre que sa prochaine victime sera... son double quelques années plus tard! C'est sûr que raconté comme ça, ça fait méchamment envie. On imagine une intrigue à la Philip K. Dick, façon Minority Report, bref le gros machin, quoi! Manque de pot, on déchante assez vite.

La condition siné qua non, c'est que le réalisateur soit suffisamment doué pour nous vendre son concept dès les premières minutes. Or, d'emblée, Looper botte en touche dès les premières images, avec une voix off qui nous explique un peu scolairement tous les tenants et les aboutissements. On ne peut pas imaginer une entrée en matière plus anti-cinématographique que celle-là! Donc, forcément, ça énerve un peu et on a du coup beaucoup de mal à rentrer dans le film. Rian Johnson, le réalisateur, ne nous ménage pas avec une construction très complexe, qui nécessitera probablement plusieurs visions pour être appréciée à sa juste valeur.


Looper perd assez vite de vue son véritable sujet, pour embrayer sur une sous-intrigue, elle aussi particulièrement alambiquée, à base de pouvoirs télékinésiques, et dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle est loin d'être convaincante. On est un peu largué, il faut le dire, car là encore, on se ramasse de la tartine explicative dialoguée. C'est bien beau d'avoir bourré son film de concepts sympas, mais encore faut-il que l'intendance suive et que l'aspect visuel ne soit pas à la ramasse. Restent finalement quelques séquences d'action plutôt bien torchées, et un Joseph Gordon-Levitt qui, après ses débuts chez Nolan, se révèle définitivement comme un acteur à suivre. Son jeu sobre et intériorisé est la vraie bonne surprise du film.


samedi 12 janvier 2013

Cinquième Colonne

(Saboteur)

Film d'Alfred Hitchcock (1942), avec Robert Cummings, Priscilla Lane, Norman Lloyd, Otto Kruger, Alan Baxter, etc...








































Saboteur fait partie de ces films "poursuites" d'Hitchcock, dans lesquels lé héros accusé injustement fuit la police afin de réunir les preuves qui vont pouvoir l'innocenter. C'est une formule qu'il avait testé avec bonheur dans Les 39 Marches ou Correspondant 17, et sur laquelle il bâtira son chef d'oeuvre, La Mort aux Trousses. Peu importent les péripéties rocambolesques, le film est un road movie sous forme de chassé-croisé, presque "un prétexte à faire du cinéma", comme l'aurait dit Truffaut.



Même si son style n'était pas aussi affirmé à l'époque, il y a tout de même de très bonnes choses dans ce Saboteur. Hitchcock n'évite pas certaines situations un peu cliché (l'ermite au fond des bois) et le duo romantique est fidèle aux canons du genre, avec la jeune ingénue qui ne peut pas saquer le héros, mais qui finira tout de même dans ses bras à la fin. Il est très intéressant, en revanche, de constater déjà la grande maîtrise que pouvait avoir le réalisateur du langage cinématographique. Elle émerge de situations parfois banales et transforme un film somme toute assez moyen en démonstration de virtuosité.












Saboteur contient ainsi des moments improbables tellement ils sont énormes, mais que le réalisateur sait malgré tout faire passer avec brio. Il y a déjà, en gestation, cet art de l'idée extravagante poussée jusqu'à l'extrême. Une séquence comme celle de la fusillade dans le cinéma est tellement absurde qu'elle en devient presque casse-gueule. C'est tout l'art d'Hitchcock que d'arriver à traiter ces moments de cinéma sur un ton tellement décontracté et naturel que le spectateur y oublie toute notion de vraisemblance.













Le clou du film, sur la Statue de la Liberté, anticipe brillamment le final sur le Mont Rushmore de La Mort aux Trousses. Malgré ses effets spéciaux datés, la séquence est une formidable réussite, tant sur le plan visuel que sur celui du découpage. Hitchcock y joue assez habilement avec l'identification du spectateur et, comme dans les grands moments de son œuvre,  provoque un suspense formidable à l'aide d'un simple petit détail, qui devient soudainement le pivot de toute une situation dramatique. Un morceau d'anthologie, que l'absence de musique rend plus efficace encore.







Film-charnière entre l'inspiration basique des débuts et les concepts extravagants de ses classiques, Saboteur est un film modeste, mais qui contient déjà les germes de bien des éléments qu'Hitchcock développera par la suite. Il y manque peut-être un peu d'humour, un soupçon de rythme qui l'empêchent de se classer dans le peloton de tête des chefs d’œuvre du réalisateur. Mais en l'état, ce Saboteur est plus qu'estimable et enterre allègrement bien des soi-disant thrillers. "Petit mais costaud", comme dirait la pub!



mercredi 9 janvier 2013

Raiponce (Tangled)

Film de Byron Howard et Nathan Greno (2010), avec les voix de Mandy Moore, Zachary Levi, Donna Murphy, Ron Perlman, Richard Kiel, etc...

 




















Franchement, que seraient devenus les studios Disney sans Pixar? Avec la part toujours plus grandissante de l'animation numérique, la firme aux grandes oreilles a eu un peu de mal à se maintenir à flot au milieu de tous les studios qui se sont montés du jour au lendemain. Pixar avait l'avantage d'aborder l'animation sous un angle différent, avec un esprit bien à lui, dans lequel le clin d'œil et les références savaient trouver leur place. Cela donnait des films qui pouvaient être aussi bien appréciés par les adultes que par les enfants, donc un avantage certain au niveau du box-office.


La première collaboration entre Disney et Pixar, c'était Bolt, qui n'était pas complètement réussi dans ce mélange entre la technicité de l'un et l'esprit de l'autre. Tangled représente un pas en avant dans la bonne direction, puisque tout le film est imprégné d'une finesse et d'une vivacité assez rafraîchissantes chez Disney. Outre la formidable qualité de l'animation (on pourrait compter un par un les cheveux de Raiponce), le design des personnages est agréable et particulièrement soigné. Mention spéciale au cheval, qui apporte un brin de folie cartoonesque particulièrement bienvenu. Le merveilleux est aussi à l'honneur avec quelques beaux effets.



Le film reste fidèle à l'esprit maison, avec des numéros chantés sympathiques mais pas envahissants, marquant d'ailleurs le retour d'Alan Menken, celui-là même qui avait brillament signé les chansons de grands classiques des années 90, comme La Belle et la Bête ou La Petite Sirène. Le design est aussi très agréable à l’œil et réussit l'exploit de transposer le graphisme si caractéristique de Disney dans un environnement 3D. Un vrai régal sur le plan visuel, dont toutes les nuances de volume et de lumière enterrent allègrement la concurrence.







Tangled est donc une très bonne surprise, qui prouve que le studio Disney a su trouver ses marques et ne pas se cantonner à récupérer bêtement la Pixar touch. C'est une bien belle osmose qui laisse finalement augurer le meilleur, et un joli spectacle familial dans lequel chacun pourra trouver son compte.