mercredi 29 janvier 2014

Dans La Maison

Film de François Ozon (2013), avec Fabrice Luchini, Kristin Scott-Thomas, Emmanuelle Seigner, Denis Ménochet, Ernst Umhauer, etc... 




















Dans le paysage actuel du cinéma français, François Ozon fait un peu figure d'électron libre. Sans style réellement défini, il a tout de même une prédilection pour les intrigues troubles, dans lesquelles la manipulation joue souvent  un grand rôle. Dans La Maison est dans la lignée de ce courant d'inspiration. Il s'agit d'un jeu sournois entre un professeur (Fabrice Luchini) et son élève, qui lui raconte par rédactions interposées comment il s'introduit dans la famille de son ami et la détruit de l'intérieur.

Le film est un subtil jeu de miroirs sur le pouvoir de la narration. Nous mêmes spectateurs devenons tout autant fascinés et dépendants du déroulé de cette histoire que le personnage de Luchini. Avec de subtiles distanciations, Ozon nous entraine petit à petit dans une manipulation qui devient de plus en plus sournoise et tordue. C'est un peu là que le bât blesse, car le final semble un peu plaqué sur le reste, avec une pirouette à laquelle on a du mal à adhérer et qui parait bien loin de la rigueur de l'ensemble. Cela est d'autant plus frustrant que le film tient un discours très cohérent et critique sur la construction dramatique de sa propre histoire.




Mais à l'exception de cette conclusion, Dans La Maison reste particulièrement subtil, tant dans la mise en place de ces situations que dans l'observation de leur dérèglement. Luchini, comme à son habitude, est excellent, mais on aurait souhaité des seconds rôles un petit peu plus présents. Emmanuelle Seigner, pourtant un personnage crucial, parait éteinte, Scott-Thomas fait du Scott-Thomas et seule Yolande Moreau crée la surprise dans un rôle parfaitement inattendu. Magnifiée par la musique lancinante de Philippe Rombi, c'est globalement une bonne surprise, à laquelle on aurait juste souhaité adhérer dans son ensemble.

 

mardi 28 janvier 2014

Les Rues de Feu

(Streets of Fire)
Film de Walter Hill (1984), avec Diane Lane, Michael Paré, Amy Madigan, Rick Moranis, Willem Dafoe, etc...




















Y'a comme une arnaque sur la marchandise ! Ben oui, c'est un peu bizarre quand même pour un film qui se vend comme "une fable rock'n'roll" de se trimballer avec une bande-son on ne peut plus pop. Le paradoxe des années 80 sans doute... Donc je vous la fais courte si jamais vous avez raté un épisode : en guise de fable, il s'agit d'une chanteuse pop (Diane Lane) qui est kidnappée par une bande de loubards, puis secourue par son ex-boyfriend, une sorte de vagabond qui manie achment bien les armes en tout genre. Plutôt basique, non ? Au Strapontin, on avait découvert et plutôt apprécié le film en salles à sa sortie et disons franchement que la révision a été rude.

En fait, Streets of Fire ne fonctionne pas vraiment. D'abord, l'héroïne est antipathique au possible, même si les scénaristes essaient de lui racheter une conduite sur la fin. Ensuite, le héros est terne et mal joué. Je me demandais pourquoi Michael Paré n'avait pas fait carrière, je comprends mieux pourquoi à présent:  il a un charisme de crustacé, joue faux et on se demande bien ce qui a pu passer par la tête des producteurs pour le bombarder ainsi tout en haut de l'affiche. Le seul trait de génie du casting, c'est la découverte de Willem Dafoe, qui compose un personnage de bad guy on ne peut plus convaincant. Enfin, Rick Moranis, le binoclard de Ghostbusters, n'est pas vraiment crédible en impresario craignos qui veut jouer aux gros durs.

Sinon y'a des bastons et des fusillades avec des motos qui explosent (pourquoi ?). Sur le plan musical, le film ne s'en sort pas trop mal. Les séquences de concert qui ouvrent et referment le film sont bien emballées sans tomber dans un style clipesque et les morceaux Nowhere Fast et Tonight is What it Means to Be Young, plus Bonnie Tyler que du Bonnie Tyler, sonnent plutôt bien. Et puis un film qui utilise le groupe chéri du Strapontin, The Fixx, ne peut pas être complètement mauvais, même si la chanson n'intervient que sur le générique de fin. Mais nous nous égarons, ami lecteur. 





Aujourd'hui, tu parles d'un coup de vieux, entre les vannes pas drôles, les personnages inintéressants et les péripéties à en bailler d'ennui, il n'y a guère que les séquences musicales qui surnagent. Le reste, c'est du réchauffé, bien bien loin de la "fable rock" promise. Dommage qu'un metteur en scène estimable comme Walter Hill se soit fourvoyé dans ce rata sans relief et impersonnel. Oubliable.


lundi 27 janvier 2014

Le Dernier Pub avant la Fin du Monde

(The World's End)
Film de Edgar Wright (2013), avec Simon Pegg, Nick Frost, Rosamund Pyke, Martin Freeman, Paddy Considine, etc...
















Simon Pegg et Nick Frost se sont peinardement fait leur petit créneau au sein du cinéma comique british, et même du cinéma british tout court. Leurs comédies, toujours plus ou moins axées sur le détournement des codes d'un genre, fonctionnent toujours parfaitement et parviennent à se renouveler en touchant un peu à tous les styles de cinéma. C'est frais, sans prétention ni mauvais gout, bref au Strapontin, on vote pour. 

Comme d'habitude, la bizarrerie la plus totale imprègne leur petit dernier, The World's End. Axé sur les retrouvailles, 20 ans après, de cinq potes de beuverie, le film démarre avec brio, avant de prendre à mi-chemin un virage à angle droit vers le portnawak le plus absolu. Sans déflorer l'histoire, sachez juste que la virée entre potes va carrément prendre des allures apocalyptiques et pleinement justifier le double sens de son titre (The World's End est également le nom d'un pub).

A partir de là, soit on accroche, soit on est définitivement largué par une intrigue totalement barge, qui évoque parfois des classiques comme Invasion of the Body Snatchers ou Le Village des Damnés. Ça part dans tout les sens, et ça assume totalement la dinguerie la plus absolue. C'est plutôt réjouissant, même si personnellement je préfèrerais plus volontiers les délires à la Hot Fuzz. Ici, ça se rapproche plutôt de l'esprit de Shaun of the Dead - pas vraiment ce que je préfère parmi les films du duo - avec des envolées gore sans vraiment l'être et un scénario qui, passé un certain cap, tourne un peu en rond.



Néanmoins, le film est jusqu'au-boutiste et assume fièrement sa dinguerie jusqu'à un épilogue spectaculaire et démesuré. C'est finalement cet esprit bon enfant et décomplexé qui fait la réussite de The World's End. Ses petites réflexions sur le temps qui passe, la responsabilité et le passage à l'âge adulte sont finement amenées et servent un background comique qui ne sombre jamais dans la vulgarité ou le facile. Pour les amateurs de comédie délirante et d'humour déjanté, l'arrêt à ce pub est donc une étape obligatoire. 


mercredi 22 janvier 2014

Capitaine Phillips

(Captain Phillips)
Film de Paul Greengrass (2013), avec Tom Hanks, Catherine Keener, Barkhad Abdi, Barkhad Addirhaman, Faysal Ahmed, etc...

















 
 
 


 
Tom Hanks, c’est l’homme de la rue, un peu comme James Stewart pouvait l’être dans les années 50, Il y a chez cet acteur un talent incroyable pour donner vie à des personnages non pas extraordinaires, mais tout ce qu’il y a de plus humains. C’est ce qui le place en première ligne pour des films dans lesquels le dépassement de soi joue un rôle primordial. Au travers de l’aventure humaine, c’est tout un esprit très américain qui est célébré, en même temps que le triomphe de l’individu et de sa volonté sur les épreuves les plus insurmontables. C’est un peu savoureux, avec le recul, de constater que la vedette de films comiques gentillets comme Big ou Splash est devenu avec les années un véritable héros américain.


On n’est donc pas surpris de le retrouver en vedette de ce Captain Phillips, qui est tiré de faits réels. Il s’agît de l’histoire de la prise d’otages d’un cargo et de la détention de son capitaine par un commando somalien. On n’est pas vraiment surpris de retrouver aux commandes Paul Greengrass, qui avait signé il y a quelques années le très fort United 93, qui racontait le détournement d’un des avions le jour du 11 septembre. Aussi, dans la forme, son nouveau film n’est pas vraiment novateur. C’est toujours ce style très nerveux, en caméra portée, qui donne l’impression d’avoir été capturé sur le vif.
 
 
 
 
Cet aspect reportage est un peu contredit par un accompagnement musical tonitruant, façon zim-boum-boum de super-production. C’est la seule faute de gout d’une réalisation efficace et carrée, même si elle n’est pas exempte de certaines longueurs. L’enlèvement du héros et la fuite du commando dure des heures, et les manœuvres de l’armée américaine deviennent plutôt répétitives sur la durée, avec un côté un brin cocardier qui agace un peu. Quelques petits défauts qui sont rapidement enterrés par les dernières minutes, avec un Tom Hanks magistral qui nous donne alors un stupéfiant et déchirant moment d’intensité. C’est du grand travail d’acteur, qui transfigure l’espace d’un instant un film juste bon pour lui donner sa pleine dimension humaine.
 
 
 

mardi 21 janvier 2014

La Diligence vers l'Ouest

(Stagecoach)
Film de Gordon Douglas (1966), avec Bing Crosby, Red Buttons, Ann-Margret, Slim Pickens, Alex Cord, etc...

















Il faut une sacrée dose de courage (ou d’inconscience, c’est selon !) pour s’attaquer au remake d’un classique du cinéma. La Fox n’a pourtant pas hésité à refaire le chef d’œuvre de John Ford, La Chevauchée Fantastique, la preuve que finalement, on avait aussi de mauvaises idées dans les années 60 ! Fort logiquement, lorsqu’on s’attaque à une telle entreprise, il faut être sacrément certain de pouvoir apporter quelque chose de neuf à un film, qui, déjà, a laissé une trace dans l’histoire du cinéma pour son côté novateur. Hé ben pourtant non. Il y autant de nouveauté et d’audace dans ce Stagecoach que dans une assiette de raviolis froids. Pas bien !

Déjà, le choix du metteur en scène, comment dire… C’était un peu à côté de la plaque d’aller chercher Gordon Douglas, qui était un peu le yes man de la 20th Century-Fox. Signataire de quelques petits films sympas mais oubliables (si on excepte Le Détective, chroniqué par ici), Douglas c’est pas un foudre du Septième Art, loin de là. Le résultat est à l’avenant. Stagecoach est un western mou et sans saveur, qui empile bien sagement les péripéties, sans le moindre soupçon de génie. Les personnages sont très stéréotypés, mais d’une façon tellement artificielle qu’il est vraiment difficile de s’y identifier, malgré des acteurs qui font ce qu’ils peuvent.


Le fait est qu’Alex Cord, l’acteur choisi pour remplacer John Wayne a pratiquement le charisme d’une endive. Pour le reste, c’est correctement réalisé, il y a deux trois peintures sur verre vintage, une charge d’indiens qui assure le minimum syndical et une musique sympa de Jerry Goldsmith. Ça se termine rapidos, par un duel qui tombe comme un cheveu sur la soupe, et allez hop, emballez, c’est pesé ! Le film a été un échec commercial cuisant, qui enterrera définitivement le western dit classique, avant que Sergio Leone ne le réinvente quelques années plus tard.




lundi 20 janvier 2014

Le Chat


Film de Pierre Granier-Deferre (1971), avec Jean Gabin, Simone Signoret, Annie Cordy, Jacques Rispal, Nicole Dessailly, etc...























Les films d’acteurs, c’est un peu particulier. C’est un genre dans lequel on se glisse un peu comme on enfile une paire de charentaises : on sait d’avance qu’on va avoir droit à du lourd niveau performances. Lorsque Le Chat est sorti, en 1971, le Strapontin, alors dans ses jeunes années, n’y avait pas beaucoup prêté attention. Il faut dire que Pierre Granier-Deferre n’était pas réputé pour être un réalisateur particulièrement innovant, plutôt le genre pépère.


Aussi, à revoir ce film aujourd’hui, on est surpris de voir avec quelle habileté la mise en scène nous implique dans cette histoire. Au fil de séquences presque totalement muettes, nous entrons dans le quotidien sombre – limite glauque – d’un couple en pleine destruction. Ils ne s’aiment plus, ou du moins ils s’aiment encore mais ne savent plus comment se le dire. Un chat va devenir le cristalliseur de cette absence d’amour, de cette insuffisance de dialogue. Ils se déchirent, au beau milieu d’un quartier défiguré par les bulldozers et les pelleteuses, symbole d’un passé qui se désagrège petit à petit et d’un futur dans lequel le couple n’a plus sa place.







Gabin et Signoret, inutile de le dire, sont réellement extraordinaires. On reste bluffé par le moindre sentiment qu’ils arrivent  à véhiculer au détour d’une simple expression, ou par la façon dont ils s’approprient un texte pourtant simple auquel ils donnent une présence incroyable. La mise en scène de Granier-Deferre reste sagement dans ses marques, s’efface derrière ces deux monstres sacrés, au son d’une émouvante musique de Philippe Sarde qui charrie tout la tristesse du monde. Peut-être pas un grand film, donc mais l’impressionnant face-à-face de deux acteurs au sommet de leur art, ce qui n’est déjà pas si mal.