mardi 31 mars 2015

Whiplash

Film de Damien Chazelle (2014),avec Miles Teller, J.K. Simmons, Paul Reiser, Melissa Benoist, Austin Stowell, Nate Lang, etc…

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Rarement un film aura-t-il montré avec autant d'acuité et de force la dose d'investissement personnel que nécessité le fait d'être un musicien de haut niveau. A travers l'itinéraire d’Andrew (Miles Teller), batteur intégrant l'une des plus prestigieuses écoles de musique des États-Unis, c'est toute une méditation sur la recherche de la perfection et les sacrifices qu'elle entraine.

 

vlcsnap-2015-03-31-08h55m00s133Premier film de Damien Chazelle, Whiplash est pour ainsi dire un sans-faute et une sacrée surprise. Laissant délibérément de côté tout aspect folklo à la Fame, il brosse au contraire un portrait extrêmement dur et âpre de la dure réalité de l'apprentissage. Avoir un don pour la musique ne suffit pas, il faut véritablement savoir repousser sans arrêt ses limites pour être le meilleur. En ce sens, Whiplash n'a rien d'un film musical, bien que la musique en soit la pièce maitresse. On penserait plus volontiers à un mix entre entrainement sportif et parcours du combattant, à mi-chemin entre Million Dollar Baby et l'intensité d'un Full Metal Jacket.

 

vlcsnap-2015-03-31-08h58m23s103Tout le film s'articule autour des rapports entre Andrew et son professeur et mentor, Terence Fletcher. Des rapports de force, dans lesquels l’humiliation n’est jamais très loin, et qui poussent sans arrêt le héros à dépasser ses limites, au mépris de toute autre considération. Fletcher est dans son genre aussi putassier et mal embouché que pouvait l’être le sergent instructeur du film de Kubrick, et l’itinéraire d’Andrew prend parfois des allures de chemin de croix. Rien n’est expliqué quant à ses réelles motivations, qui, tout comme celles du professeur lui-même, restent floues. Même sans cet arrière-plan psychologique, Whiplash se tient fabuleusement bien.

 

vlcsnap-2015-03-31-09h04m17s92Que cherchent l’un et l’autre à travers cette confrontation, le spectateur ne le saura jamais, mais dans le fond, il n’est pas réellement nécessaire que cela soit expliqué scolairement ou décortiqué. Tel quel, le film existe avec une formidable vivacité. Même sans être un fan de jazz, on est transporté par la force et l’intensité avec laquelle Chazelle fait vivre la musique au sein du film. L’implication incroyable du héros trouve ainsi une résonnance formidable dans une mise en scène à la fois punchy et élégante.

 

 

vlcsnap-2015-03-31-09h04m27s196Bien évidemment, on ne peut que saluer le boulot incroyable de J.K. Simmons, d’ailleurs récompensé par un Oscar. Cet acteur, qu’on avait remarqué chez les frères Coen ou Sam Raimi, donne ici la pleine mesure de son talent, avec un rôle en or, qu’il endosse avec beaucoup de subtilité. Face à lui, Miles Teller ne démérite pas, dans un registre discret mais tout aussi efficace. Il sait donner corps au formidable challenge que surmonte le héros, tout en restant crédible et touchant.

 

 

Une bien belle réussite donc, que ce Whiplash, qui, en plus d’être un formidable affrontement, fait vivre et vibrer ses personnages au diapason d’une musique dont on mesure à chaque instant tout ce qu’elle a pu demander comme efforts et comme implication à ceux qui la créent. Avec une séquence finale bluffante, un vrai et grand moment d’émotion.

 

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lundi 30 mars 2015

La Prochaine Fois Je Viserai le Cœur

Film de Cédric Anger (2014), avec Guillaume Canet, Ana Girardot, Jean-Yves Berteloot, Patrick Azam, Arnaud Henriet, etc…

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Sans surprendre forcément, Adapté d'un fait divers réel, La Prochaine Fois Je Viserai le Cœur s'avère être une troublante randonnée aux côtés d'un serial killer. Le cas d'Alain Lamarre, gendarme schizophrène et meurtrier (et d'ailleurs déclaré irresponsable) avait défrayé la chronique à la fin des années 70 et le film de Cedric Anger en brosse un portrait froid et glacial. 

 

vlcsnap-2015-03-19-23h05m43s219Pour se conformer à son parti-pris de réalisme, La Prochaine Fois Je Viserai le Cœur ne cherche jamais à évoquer les motivations du tueur. C'est en celà que le film s'avère particulièrement déstabilisant, et ceci d'autant plus que Guillaume Canet apporte au personnage un mélange de tension intérieure et d'opacité qui en fait toute la richesse. Même malgré ses clichés (les visions du tueur ou la manière dont il se punit) et son rythme posé, le film est un portrait glaçant et désenchanté, auquel les paysages arides du Nord confèrent une ambiance blafarde.

 

 

vlcsnap-2015-03-19-23h07m02s205Pourtant, le film s'illumine d'une histoire d'amour inattendue, et là aussi, pas de grandes orgues, mais une petite musique discrète, qui apporte un éclairage nouveau sur le personnage. Ana Girardot (la fille d’Hippolyte) s’y révèle très touchante et vraie. Clairement une extrapolation du cinéaste, car elle n'a jamais vraiment existé comme cela dans la réalité, cette partie est la plus émouvante et donne un relief supplémentaire à toute l'intrigue.

 

 

 

A la fois familière et surprenante, cette chronique criminelle réalisée sur un mode mineur frappe par son austérité et la puissance de son interprète principal. Déroutant parce qu’il ne délivre aucune explication, mystérieux et tendu, La Prochaine Fois Je Viserai le Cœur est un film atypique, d’un réalisme froid, qui pourra décevoir les amateurs de sensations fortes, tant il va à l’encontre des codes du genre. A elle seule, en tout cas, la formidable prestation de Guillaume Canet vaut le détour.

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mercredi 18 mars 2015

Men, Women and Children

Film de Jason Reitman (2014), avec Adam Sandler, Jennifer Garner, Rosemarie de Witt, Judy Greer, Dean Norris, etc…

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Franchement, y'avait de la matière. Raconter les destinées croisées d'une poignée de personnages à travers leur rapport au numérique, au web et aux réseaux sociaux, c'était vraiment très très très ambitieux. Et attirant, aussi, pour ceux qui, comme nous au Strapontin, avaient apprécié la petite musique d'In The Air ou de Labor Day, les précédents films de Jason Reitman. Il y avait vraiment de quoi faire. Trop, même. A l'arrivée, Men, Women and Children est juste un bon film : là où on attendait un Magnolia de l'ère numérique, on se retrouve avec un spectacle agréable, qui n'évite malheureusement pas les lieux communs. 
 
vlcsnap-2015-03-17-19h36m55s216La faute à des personnages tellement stéréotypés qu'ils en deviennent de véritables caricatures. Entre le père de famille frustré qui mate du porno sur le web et trompe sa femme avec une escort girl, l'ado anorexique et la maniaque du contrôle, c'est bonjour les clichés et bienvenue aux idées reçues. On a vite compris que le web, c'est mal et que les réseaux soi-disant sociaux ne le sont pas vraiment. La vraie vie, c'est celle de ces deux ados choupinous qui vivent leur amour sans portable et dont la seule source de prise de tête vient justement d'Internet.
 
 
 
 
vlcsnap-2015-03-17-19h32m12s109C'est dommage, car il y a quand même un beau film, caché sous ce monceau de stéréotypes, avec quelques belles idées, une méditation qui n’est pas inintéressante. Jason Reitman sait utiliser toutes les ressources de la techniques pour aboutir à une sorte d’interactivité visuelle, qui est très plaisante à l’œil.  On y retrouve les effets utilisés dans Non Stop, avec l'esthétique web qui s'incruste dans les différentes scènes par le biais de petits pop-ups. C'était un petit challenge que de faire passer à l'écran l’interaction entre monde virtuel et réalité, et c'est fait d'une manière dynamique, qui n'encombre jamais le déroulé du film.
 
 
 
vlcsnap-2015-03-17-19h39m05s208Ce qui le pénalise, par contre, ce sont plutôt ces personnages et situations taillés à l'emporte pièces, dont seuls les plus marquants ou les plus outranciers s'imposent réellement. Adam Sandler, à contre-emploi, est plutôt bon en mari frustré, mais son personnage n'est pas réellement creusé. Idem pour Jennifer Garner en mère de famille qui piste sa gamine. Tout au plus le film arrive-t-il à trouver une certaine justesse quand il dépeint avec une touche de désenchantement la misère sexuelle qui nait de ces rapports déshumanisés, mais c'est bien peu par rapport aux perspectives qu'ouvrait le film et qui restent sous-exploitées.
 
 
 
Pour finir, Men, Women and Children nous renvoie vers le cosmique et l'infini, juste histoire de montrer qu'en définitive, tout cela n'est que bien peu de chose par rapport à l'immensité de l'univers. En effet, vu l’étroitesse et le manque d’ampleur des différentes micro-intrigues, on peut dire ça. Le vrai challenge, cela aurait été de les rendre si passionnantes et essentielles qu'elles auraient effectivement fourni un contraste parfait avec cette fin démesurée. Parce qu’honnêtement, mettre en parallèle un mari insatisfait qui mate des boulards sur Internet et l’immensité du cosmos, ça le fait vraiment moyen. Une belle occasion ratée par un metteur en scène qu’on commençait à aimer. Dommage.

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Le Générique
Même si l’idée de base ne sert pas vraiment le message du film de manière très efficace, elle est illustrée de manière très poétique dans le générique, qui montre le périple de la sonde Voyager II à travers le système solaire. Réalisée en images de synthèse, la séquence a été conçue par Gareth Smith et sa société, Smith & Lee, qui n’en sont pas à leur coup d’essai, puisqu’ils ont signé les génériques de tous les films de Jason Reitman, en particulier, celui, remarqué, de Juno.

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L’Approche Visuelle
L’aspect le plus réussi du film, c’est l’intégration des graphismes web au sein même des différentes scènes. Le film Non Stop, avec Liam Neeson, avait expérimenté la techique avec bonheur (les mauvaises langues vous diront que c’était tout ce qu’il y avait de bon dans le film !), et Men, Women and Children la pousse un cran plus loin, puisqu’il s’agît de mettre l’accent sur l’omniprésence de cet univers virtuel. Un travail assez monumental, donc, même s’il repose sur de simples incrustations de graphismes web. C’est encore Gareth Smith qui s’y colle, avec Smith & Lee, mais aussi l’assistance de la boîte d’effets spéciaux Framestore.

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Une bonne partie du succès de cette démarche, c’est aussi qu’elle utilise des visuels très familiers, mais qui se devaient de correspondre avec ceux que le public connait bien. D’après Jason Reitman, le réalisateur, tout cet arrière-plan virtuel a été aussi couteux à mettre en scène que les scènes “réelles”. Des licences ont donc été négociées avec Apple et Facebook (entre autres) pour l’utilisation de leurs différentes chartes graphiques. Le résultat est parfaitement crédible, et donc d’autant plus réussi. Si on peut reprocher bien des choses au film, on ne peut en tout cas pas nier l’originalité de son approche.
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lundi 16 mars 2015

Le Labyrinthe

(The Maze Runner)

Film de Wes Ball (2014), avec Dylan O’Brien, Aml Ameen, Ki Hong Lee, Patricia Clarkson, Blake Cooper, etc…

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Franchement, on s'est bien fait avoir sur ce coup-là ! Au départ, en effet, Le Labyrinthe se présente comme un concept plutôt original : une bande de djeunz égarés en pleine nature à côté d'un mystérieux labyrinthe, dont le contenu fait flipper et qui a en plus la bonne idée de changer tout le temps. Un joli pitch de départ, un univers plutôt original, dans lequel on est balancé comme ça, sans ménagement, ça change des grosses machines qui recyclent indéfiniment la même recette. Pour un film dont on n'attendait pas forcément des merveilles, c'est plutôt bienvenu.

 

vlcsnap-2015-03-16-19h54m04s169L'ambiance et le cadre de l'histoire sont soignés, à mi-chemin entre Cube et Sa Majesté des Mouches. Et le film sait faire monter et doser la tension, en n'abattant pas toutes ses cartes dès le début. Mieux, il joue sur la suggestion, l'attente du spectateur pour dévoiler les nombreuses surprises de son intrigue, notamment des monstres au design assez réussi. Pour un film dont on n'attendait pas forcément autant, c'est plutôt une bonne surprise. Wes Ball, dont ce sont les débuts au cinéma, impressionne par la maitrise et la rigueur avec laquelle il mène l'action.

 

 

vlcsnap-2015-03-16-20h06m28s184Tout ça est bien mis en valeur un design original et un Dolby poussés dans ses retranchements. Bref, voilà un film pour ados qui ne prend pas son public pour des crétins. Du moins pendant une bonne partie. Parce que sur la fin, c'est une autre semoule. Si, comme moi, vous ignoriez tout du fait qu'il s'agisse de l'adaptation de non pas d'un, ni de deux mais de trois romans, la conclusion vous calme direct. Je ne vous gâcherai pas le plaisir en dévoilant le pot aux roses, mais j'avoue que j'attendais autre chose qu'une porte de sortie vers une énième saga déclinée sur plusieurs épisodes.

 

 

Mais bon, ça c'est davantage une affaire de marketing qu'autre chose, et puis, après tout, vous me direz qu'au Strapontin, on aurait quand même pu se rencarder un peu avant quand même ! Mais en même temps, Le Labyrinthe surprend tellement par sa différence que forcément, ça déçoit un peu de le voir en fin de course s'inscrire dans cette mode. Reste maintenant à espérer que ce concept fort et original ne sera pas étiré et vidé de sa substance par des suites mal fagotées et qu'il saura maintenir jusqu'au bout la singularité de sa vision. C'est tout le bien qu'on lui souhaite, en tout cas.

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samedi 7 mars 2015

Night Call

(Nightcrawler)

Film de Dan Gilroy (2014), avec Jake Gyllenhall, Rene Russo, Bill Paxton, Riz Ahmed, Michael Hyatt, etc…

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En anglais, un nightcrawler, c'est un ver de terre, un asticot, bref un truc qui traine sur la pourriture (et par extension les cadavres) et s'en nourrit. Une description assez juste du personnage principal de cette curiosité, qui offre un regard très troublant sur la violence et son exploitation par les médias. 

 

vlcsnap-2015-03-06-18h50m34s57Ça commence un peu comme une success story lambda, avec Lou (Jake Gyllenhaal) un bon gars qui découvre un peu par hasard qu'il y a pas mal de fric à se faire en se baladant dans L.A. avec une caméra vidéo pour jouer les reporters freelance et ensuite proposer ses images aux chaines de télé. D'abord amateuriste, son activité va prendre son essor et le héros va vite être entrainé dans une course au sensationnel, allant de plus en plus loin pour livrer des images de plus en plus choquantes.

 


 

vlcsnap-2015-03-06-19h01m30s174Cela faisait bien longtemps que le cinéma U.S. ne nous avait pas livré un personnage aussi ouvertement abject, qui bafoue sans la moindre vergogne toutes les règles de la décence pour exploiter le plus crument possible la violence dans tout ce qu'elle a de spectaculaire. Jake Gyllenhaal lui prête son air lunaire façon Donnie Darko, et en fait un sociopathe à la fois familier et inquiétant, dont le discours est quasiment celui d’un chef d’entreprise, toujours prêt à vanter les mérites de l’investissement personnel et du challenge. C’est une performance aussi remarquable qu’elle est subtile, qui place déjà le spectateur sur un terrain peu familier, virant petit à petit vers le glauque.


 

vlcsnap-2015-03-06-18h56m02s45Night Call questionne naturellement notre rapport aux images et à la violence, mais également à la façon dont elles sont mises en scène. Arrivé sur les lieux d’un accident, la première réaction de Lou n’est pas de porter secours aux victimes, mais de déplacer les corps pour obtenir l’image la plus spectaculaire possible. De même, il est frappant de voir comment le reportage est utilisé par la chaine pour manipuler la paranoïa et faire naitre la peur chez le public  Le film ne fait pas que décrire un comportement aberrant, il détaille et encourage la réflexion sur l’utilisation des images, le tout sans virer dans le démonstratif ou le lourdingue.

 

vlcsnap-2015-03-06-19h06m53s126Au fur et à mesure de son déroulement, la charge contre les médias se fait de plus en plus vive, mais c’est par le biais d’une intrigue qui dérape constamment vers le malsain et d’un personnage qui ne semble avoir aucune limite sur le plan moral, encouragé dans son délire par une chaine de télévision prête à tout pour faire de l’audimat. On rit souvent jaune devant des excès qui, quelque part, se semblent pas si éloignés de la réalité, et c’est dans ce sens que le film fait froid dans le dos. Un sacré exploit quand on sait que c’est seulement le premier film de Dan Gilroy, un scénariste pas vraiment connu pour faire dans la finesse (Real Steel ou le dernier Jason Bourne… mouais).

 

 

Il y a tellement de films qui passent à côté de leur sujet que l’on ne peut qu’applaudir ce Night Call inhabituel et dérangeant, qui outre le fait d’offrir à Jake Gyllenhaal un rôle en or massif, sait aussi mettre le doigt sur plusieurs dérives de l’info. A la fois féroce, cynique et prenant, une magistrale réussite sur un sujet casse-gueule et pas gagné d’avance.

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mercredi 4 mars 2015

Snatch

Film de Guy Ritchie (1999), avec Jason Statham, Brad Pitt, Benicio Del Toro, Vinnie Jones, Dennis Farina, etc…

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On dirait presque du Tarantino british. Ce chassé-croisé de truands autour d'un vraiment gros diamant en possède en tout cas l'impertinence et la verve. Avec, en plus, une réalisation très (trop?) tendance, rythmée juste comme il le faut, un casting top moumoute, des péripéties abracadabrantes. Bref, ce Snatch, malgré ses défauts, s'avère être une bonne surprise dans un genre plutôt balisé. 

 

vlcsnap-2015-03-03-19h13m40s90On pourrait presque dire que Guy Ritchie a créé un sous-genre : celui du polar rigolo et british. Après le carton d'Arnaques, Crimes et Botanique, il était tentant de remettre le couvert. C'est donc ce qu'il a fait avec Snatch, sans vraiment renouveler la formule : simplement, plus de moyens, plus de stars, un scénario encore plus complexe, bref le syndrome du "encore plus" pour grosso modo un peu la même histoire, celle de truands rusés qui tentent de flouer un grand ponte du racket et se retrouvent dans une situation inextricable.

 

 

 

 

vlcsnap-2015-03-03-19h17m40s158Avec sa foule de personnages et son intrigue à tiroirs, le film possède une formidable énergie qui le propulse avec brio pendant deux bons tiers. Après, c'est un petit peu moins bon, et dans sa dernière ligne droite, Snatch perd une partie de son mordant à force de trop vouloir en faire. Mais entendons nous bien, il en garde suffisamment sous le pied pour rester un divertissement éminemment recommandable, ce qui n'est déjà pas si mal.

 

 


 

 

vlcsnap-2015-03-03-19h14m09s141Guy Ritchie, comme pas mal de réalisateurs avant lui, joue sans complexe la carte de la mise en scène clipesque. Cela pourrait être un défaut, mais pas ici, tant la réalisation répond parfaitement aux arabesques d’un scénario virevoltant. C’est flashy, énorme, avec des raccourcis bien trouvés (le vol pour Londres) et quelques idées plutôt bonnes (le parallèle entre la traque de Tyrone et la course de lévriers).  La mise en scène est au diapason d’une bande-son riche et variée, qui va des Specials à Massive Attack, en passant par The Stranglers ou Madonna (en guise de clin d’œil, puisque Ritchie était marié à la star à l’époque).

 

 

 

vlcsnap-2015-03-03-19h09m24s78Mais le plus régalant dans l’histoire, ce sont les acteurs, qui prennent visiblement beaucoup de plaisir à en rajouter. Que ce soit Benicio Del Toro en flambeur ou bien Brad Pitt en manouche au dialecte imbitable, tout le monde en fait des caisses. Qui plus est, le casting aligne quelques trognes, comme Vinnie Jones, Rade Sherbedgia, Dennis Farina, Jason Statham avant son virage vers les films d’action bourrins ou Alan Ford, impayable avec son monologue à propos des porcs (“Un cadavre pour un cochon, c’est comme du coq au vin pour un poivrot”).

 

 

 

Si le scénario est un peu juste, les acteurs font le reste et c’est amplement suffisant pour donner lieu à une poignée de moments cultes. C’est vrai que, tel quel, Snatch ressemble volontiers à une version plus touffue et plus élaborée du précédent film de Guy Ritchie, et il est flagrant que le réalisateur ne fera guère mieux que ces incursions dans la comédie noire, du moins si l’on en juge par la suite peu convaincante de sa filmographie. Mais on aurait tort de bouder son plaisir devant cette farce dont le seul défaut est de ne pas trop savoir quand s’arrêter.

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Le Trombinoscope

Pas de générique à proprement parler, mais Snatch possède une manière bien à lui d’introduire les différents personnages. Ce sont des portraits fixes des acteurs, créés à partir d’images retouchées qui s’enchainent autour d’une action commune (un objet qui passe de main en main). Allez, quand même : le fabuleux casting du film méritait bien de figurer sur le Strapontin !

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mardi 3 mars 2015

Birdman

Film d’Alejandro González Iñárritu (2014), avec Michael Keaton, Edward Norton, Emma Stone, Naomi Watts, Zach Galifianakis, etc…

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Le moins qu'on puisse dire, c'est que Birdman est loin d'être un film facile, loin de là. C’est même un film tellement déconcertant et difficile à appréhender qu’il vous file constamment entre les doigts, vous prend à rebrousse-poil et défie les étiquettes. Une œuvre difficile, donc, et très particulière, qui ne parlera pas à tout le monde, et qui prouve que le réalisateur de 21 Grammes sait se renouveler, au risque de déplaire. 

 

vlcsnap-2015-03-02-21h29m40s232Au Strapontin, Alejandro Iñárritu, on est plutôt client. Il fait partie de ces metteurs en scène qui ont su imposer en quelques films un style très personnel, basé sur un tripatouillage savant de la narration, qui chamboule savamment et avec beaucoup d'adresse l'ordre de plusieurs histoires a priori très simples, mais dont l'interaction va se révéler à la fois évidente et vertigineuse. Pour preuves, Amours Chiennes, Babel ou (on en parlait) l'excellent 21 Grammes. Des films a priori arides, mais qui vont se révéler passionnants par  les méandres de leur narration. 

 

 

 

vlcsnap-2015-03-02-22h11m37s192Pourtant, Iñárritu abandonne complètement cette approche dans son nouveau film. On pourrait même dire qu'il en est l'exact opposé. A des films morcelés à l'extrême, le réalisateur oppose une œuvre conçue comme un long mouvement unique, avec d'interminables plans-séquences qui se perdent dans les dédales d'un décor, celui d'un théâtre new-yorkais. Car Iñárritu n'a pas choisi la facilité en racontant les errances d'un acteur un peu has-been qui tente désespérément de se renouveler en montant une pièce de théâtre. Raccroché au souvenir d’une époque où il triomphait dans le rôle de Birdman, un super-héros, Riggan Thompson (Michael Keaton), perd petit à petit contact avec la réalité.

 

 

vlcsnap-2015-03-02-21h30m16s206Le film est tout à la fois le portrait intérieur d’un schizophrène et une méditation sur la frontière entre illusion et réalité. Les personnages s’y déchirent et nous surprennent à tout bout de champ, en brisant cette barrière entre leur vécu et ce qu’ils mettent en scène. Birdman est ainsi plein à craquer de ces petits moments incroyables où les acteurs nous éblouissent l’espace d’un instant. Une performance rendue encore plus fantastique par une mise en scène qui ne joue pas la facilité : on imagine le degré d’implication phénoménal qu’il a fallu aux acteurs pour donner le meilleur d’eux-mêmes dans un dispositif aussi lourd que le plan-séquence. Tous sont éblouissants, d’Edward Norton à Naomi Watts, en passant par un Zach Galifianakis surprenant et sobre. Sans oublier Michael Keaton, qui trouve ici son meilleur rôle, injustement boudé aux derniers Oscars.

 


vlcsnap-2015-03-02-22h52m46s60C’est justement cette approche que ses détracteurs reprochent au film, ce qui peut laisser un peu songeur. On critique une virtuosité un peu gratuite, or semblerait qu’une démarche guidée par la facilité ne se serait pas encombrée de tels défis techniques si elle n’était pas au service d’un concept bien particulier. Ce mouvement incessant et continu, c’est un peu l’œil du Birdman, le double de Riggan, qui traque les personnages dans un univers clos, le théâtre, qui va finir par devenir étouffant dans ses ramifications.

 

 


 

vlcsnap-2015-03-02-22h16m22s240Birdman nous laisse également dans le flou quant aux pouvoirs du personnage principal. Cela apporte une touche incongrue et grinçante, mettant en parallèle un super-héros capable de sauver le monde et un acteur tellement paumé et démuni face au réel qu’il finit par se retrouver en caleçon sur Times Square. Ces moments sont délibérément excessifs, apportant comme une respiration au film et au spectateur, hors de l’univers confiné dans lequel il a été maintenu. C’est comme un intermède délirant, qui donne vie aux obsessions de Riggan.

 

 

 

Alors bien sûr, tout n’est pas forcément réussi dans Birdman. La musique, à base d’impros free jazz à la batterie, est très crispante, même si elle enracine elle aussi le film dans un certain réalisme. De même, l’absence de véritable structure dramatique, si elle dégage une grande liberté de ton, ne milite pas non plus en faveur de l’identification du spectateur, qui aura plus d’une fois l’impression d’être laissé en rade. Une vraie et authentique bizarrerie, donc, qui a défaut d’être totalement convaincante, ne laissera personne indifférent.


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