lundi 26 octobre 2015

Adaline

(The Age of Adaline)

Film de Lee Toland Krieger (2015), avec Blake Lively, Michiel Huisman, Harrison Ford, Ellen Burstyn, Kathy Baker, etc…

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C'est une sorte de variation sur l'idée maitresse de Benjamin Button : le vieillissement. Mais là où le film de David Fincher inversait carrément le processus, The Age of Adaline le bloque. C'est donc l'histoire d'une jeune femme condamnée à ne pas vieillir. Un point de départ sacrément curieux, tellement qu'on se dit que la mariée est trop belle, et que le film va forcément passer à côté. C'est pas faux.

vlcsnap-2015-10-25-00h12m54s129Mais en même temps, The Age of Adaline ne néglige pas pour autant nos plus toutes les perspectives offertes par son sujet. L'héroïne est donc une fugitive, obligée de camoufler son identité parce que personne ne peut croire à son âge réel. Et partant de là, elle est dans l'incapacité d'entretenir une relation amoureuse avec qui que ce soit, puisqu'en l'occurrence, "à la vie, à la mort", ça n'est pas vraiment possible. C'est par conséquent un joli portrait de femme solitaire, gracieusement interprétée  par Blake Lively, qu'on avait découverte dans The Town de Ben Affleck.




 

vlcsnap-2015-10-25-00h17m56s94Je ne rentrerai pas trop dans les détails de la seconde partie du film afin de ne pas gâcher le plaisir des futurs spectateurs, mais elle repose sur une belle idée, auquel un Harrison Ford inattendu donne une jolie résonance, pleine de retenue. On regrette juste que les personnages n'aient pas été plus étoffés, ce qui aurait donné une dimension supplémentaire à tout cela.

 

 

 

vlcsnap-2015-10-25-00h20m07s101La mise en scène, qu'on attendait classique et sans éclat particulier, se révèle parfois assez inventive. Lee Toland Krieger marche dans les traces de Fincher, ça se sent plus d'une fois avec quelques jolies idées poétiques. Toutefois, The Age of Adaline reste à la base un mélo, et la réalisation rentre très vite dans les clous. La pirouette finale, qu'on sentait évidemment venir, est représentative d'une approche timide, qui n'ose pas aller jusqu'au bout de son sujet.

 

 

 

The Age of Adaline est par conséquent fidèle à ce qu'on pouvait en attendre. Même si ce n'est pas le chef d'œuvre du siècle et qu'on est loin de Benjamin Button, ce petit film sait faire preuve de  suffisamment d'originalité et de sensibilité pour mériter d'être découvert.



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mardi 20 octobre 2015

A Most Violent Year

Film de J.C. Chandor (2014), avec Oscar Isaac, Jessica Chastain, David Oyelowo, Albert Brooks, Alessandro Nivola, etc…

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Si J.C. Chandor, nouveau venu dans le paysage hollywoodien, possède une qualité, c'est bien l'éclectisme. Difficile en effet de trouver un point commun entre le drame boursier Margin Call et l'aventure en solitaire de All is Lost. Et ce n'est pas ce A Most Violent Year qui va aider à mieux définir la personnalité du réalisateur. Son nouveau film est en effet un polar inhabituel, qui évoque à la fois Scorsese (un peu) et Sidney Lumet (beaucoup).

 

vlcsnap-2015-10-20-20h21m14s155En fait, A Most Violent Year adopte la construction des films de mafia, avec un personnage principal aux abois, criblé de dettes et obligé, pour la survie de son entreprise, de pactiser avec le diable et de passer des accords pour le moins douteux. Mais cela est fait sur un ton beaucoup plus réaliste, on pourrait presque dire familial, brossant au passage un joli portrait de femme forte, incarné avec une vigueur inhabituelle par l'excellente Jessica Chastain. Le casting est d’ailleurs le point fort du film, avec une belle prestation d’Oscar Isaac, qu’on avait découvert dans The Two Faces of January.

 

 

vlcsnap-2015-10-20-19h51m49s154À l'identique de Margin Call, qui faisait admirablement monter la sauce dans sa première moitié, A Most Violent Year gère avec bonheur la tension, avant un second acte plus posé. La violence, quand elle intervient, est sèche et réaliste, sans grands effets ni spectaculaire. Le film monte en puissance, mais dans un registre assez inhabituel. C'est déconcertant car tout cela va plus d'une fois à l’encontre de nos automatismes de spectateur et déjoue l'attente d'un dénouement forcément intense et surfait.

 

 

A Most Violent Year, s'il ne définit pas le style Chandor, reste en tout cas dans la lignée des précédents films du réalisateur. Il s'agit là encore d'un drame plus grand que nature, que le metteur en scène dépouille de tous les repères habituels du genre. Une approche intéressante, qui donne un film tendu et sec, auquel il manque peut-être des personnages un peu mieux dessinés. C'est le point faible du metteur en scène, et c'est aussi ce qui empêche un bon film comme celui-ci d'être une franche et totale réussite.



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lundi 19 octobre 2015

Eyes Wide Shut

Film de Stanley Kubrick (1999), avec Tom Cruise, Nicole Kidman, Sydney Pollack, Marie Richardson, Todd Field, etc…

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On peut dire que l'œuvre de Stanley Kubrick aura décidément dérangé jusqu'au bout ! Non content de surprendre et de diviser le public, Eyes Wide Shut s'offrira en prime une petite polémique à sa sortie. Le contenu explicite du film sera en effet considéré comme un peu trop salé pour la censure américaine, qui ordonnera du même coup que plusieurs séquences soient floutées ou altérées digitalement pour masquer certains détails jugés un peu trop hard. Ce n’était pourtant pas la première fois que le réalisateur jouait la transgression. Le film, distribué après sa mort, fera hélas les frais d’un système trop frileux. Aux USA du moins, car l’Europe pourra heureusement voir le film dans sa version complète.

vlcsnap-2015-10-19-21h04m16s91C'est vrai qu'après avoir signé des œuvres aussi novatrices que 2001 ou Orange Mécanique, Kubrick n'est, une fois de plus, partout sauf là où on l'attendait. Cette radiographie du désir chez un jeune couple donne un film surprenant et provocateur, qui séduit et dérange à la fois. Mettant en scène Tom Cruise et Nicole Kidman, le couple vedette de l'époque, il déjoue les attentes et livre un film à la sensualité glacée, où le sexe se pare d'une dimension clandestine. Là où le public attend de voir des stars de la presse people dans une histoire bien balisée, il fait sauter les repères avec une narration posée et tranquille, qui prend le spectateur par la main et le promène nonchalamment dans un univers à la fois sensuel et glacial. 

 

 

 

 

vlcsnap-2015-10-19-21h15m49s77A la base, un fantasme même pas concrétisé qu’Alice (Nicole Kidman) avoue à son mari Bill (Tom Cruise) et qui provoque chez lui un véritable déclic, à partir duquel il va vouloir se prouver à lui-même qu'il est, lui aussi, désirable. La première partie d'Eyes Wide Shut est ainsi marquée par des tentatives de séduction extérieures auxquelles l'un et l'autre ne donnent pas suite. Puis par le biais d'un ami de longue date, Bill entend ensuite parler d'une soirée privée, à laquelle il finit par se rendre masqué. C'est le début d'un engrenage dans lequel le héros va être pris.

 

 

 


vlcsnap-2015-10-19-21h24m20s25Kubrick nous balade alors dans des cérémonies secrètes aux allures de partouzes mondaines. L'itinéraire de Bill, d'abord une simple défiance vis à vis de son épouse, va bientôt se transformer en véritable descente aux enfers. C'est tout un monde de l'interdit qui prend vie sous nos yeux, mais auquel Kubrick donne toutefois des allures très propres. D'accord, ça fait crac boum dans tous les coins mais pas de plan sado-maso ni de déviances particulières. On pourra arguer sur le fait que le monde du vice vu par le réalisateur donne un peu l'impression de feuilleter un journal de cul, mais bon l'essentiel est ailleurs. 

 

 

 

vlcsnap-2015-10-19-21h21m55s142Comme toujours chez Kubrick, le film ne se construit pas forcément sur une intrigue mais plutôt sur des ambiances. New York, reconstituée en studio, à des allures irréelles et la bande son est, comme toujours chez le réalisateur, pleine de surprises. Outre l'utilisation de la Jazz Suite de Shostakovich, qui a depuis fait les beaux jours de la pub, Kubrick marie les accords de piano glaçants d'un Penderecki à du Chris Isaak, et les séquences d'orgie sont rendues encore plus étranges par la musique obsédante de Jocelyn Pook.

 

 



 

vlcsnap-2015-10-19-21h35m10s114A des lieues de l'image du couple glamour qu'ils donnaient alors à l'écran, Cruise et Kidman jouent la carte du réalisme, ça n'est d'ailleurs pas un hasard si le film a été tourné à un moment où leur mariage battait de l'aile. De fait, Eyes Wide Shut résume les incertitudes qui peuvent exister dans la vie maritale, elle les pousse jusqu'à leurs extrêmes limites pour au final déboucher sur un cul-de-sac. Le film condamne le héros à souffrir des conséquences de ses actes, à payer et même s'il se clôt sur une réconciliation, on peut imaginer que les rapports de confiance qui s'y étaient créés ont été durablement ébranlés.

 

 

 

vlcsnap-2015-10-19-21h07m23s93On est chez Kubrick, donc bien évidemment le film ne se départit jamais d'une certaine froideur vis à vis des personnages. C'est presque à une observation d'entomologiste que nous convie le réalisateur et c'est aussi ce qui donne à Eyes Wide Shut ce ton si particulier. Et c'est assez paradoxal qu'un film qui, au vu de son sujet, devrait être finalement assez charnel et sensuel soit en définitive plutôt froid et clinique. Le sexe, tel que vu par Kubrick, n'est pas vraiment une fête des sens mais plutôt une célébration de l'interdit et de la clandestinité.

 

 

 


Paradoxalement, c'est sur ce film qu'on pourrait juger mineur que le réalisateur nous a quittés et a refermé une œuvre aussi fascinante que diversifiée. Il est vrai que comparé à l'ambition démesurée de ses plus grands films, Eyes Wide Shut pourra sembler plus timide et modeste, et donner l’impression de ne pas avoir véritablement de ligne directrice. Il n'en reste pas moins que le talent de Kubrick est présent à chaque image et imprègne cette longue méditation sur le sexe, cette lente promenade avec l’amour et la mort, d'une ambiance qui en fait un film tout à fait unique.

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samedi 17 octobre 2015

Le Miroir à Deux Faces

Film d’André Cayatte (1958), avec Bourvil, Michèle Morgan, Ivan Desny, Gérard Oury, Sylvie, etc…

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Ça commence très fort, avec Bourvil qui débarque dans un commissariat et avoue "j'ai tué quelqu'un". La suite fait un peu grincer des dents, surtout le générique avec sa musique pompière qui pique les oreilles. Il faut dire qu'André Cayatte, c'est pas non plus un gage de subtilité, puisqu'il était spécialiste, dans les années 60-70, du film réquisitoire, du genre qui prend un sujet de société et qui met les pieds dans le plat sans trop de finesse.

vlcsnap-1356-05-01-17h05m51s054Justement, le sujet de ce Miroir à Deux Faces surprend plutôt, puisque c'est une histoire d'amour improbable entre un Bourvil vieux garçon et une Michèle Morgan enlaidie pour la circonstance. Mais grâce à un artifice de scénario plutôt énorme, la voilà qui va devenir une vraie déesse par l'intermédiaire de la chirurgie esthétique. Le film détaille en fait la dégradation du couple entre un mari qui n'accepte pas la transformation  de son épouse et une femme qui voudrait bien vivre pleinement sa métamorphose physique. 

 

 

 

 

 

vlcsnap-7799-07-10-14h44m32s600C'est, avec Le Cercle Rouge, le seul rôle dramatique de Bourvil, mais on sent tout de même que Cayatte a été moins radical que Melville et que son personnage de benêt un peu con-con n'est pas loin. Au fil de dialogues parfois peu inspirés, on s'attend parfois à l'entendre nous lâcher un "oh ba vous alors!", c'est très très moyen pour la crédibilité du personnage. C'est surtout Michèle Morgan qui surprend, avec un personnage fragile et attachant, tout en nuances et en subtilité. Sa performance sera d'ailleurs récompensée par un prix d'interprétation à Cannes. C'est elle qui donne littéralement vie au film, car on ne peut pas toujours dire que les acteurs y soient au top, comme Julien Carette, qui déçoit un peu avec sa gouaille franchouillarde.

 

 

 

Le Miroir à Deux Faces est donc un film qui ne convainc pas toujours, mais qui mérite d'être redécouvert pour le beau portrait de femme qu'il propose. On regrette juste que Cayatte n'ait pas permis à Bourvil de se lâcher complètement dans le registre dramatique. Tel quel, son numéro d'acteur est trop proche de ce qu'il a déjà fait pour pouvoir servir pleinement le ton grave et émouvant du film.

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vendredi 16 octobre 2015

Brainstorm

Film de Douglas Trumbull (1982), avec Christopher Walken, Natalie Wood, Louise Fletcher, Cliff Robertson, Jordan Christopher, etc…

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Qui trop embrasse mal étreint. Quand le sujet est trop beau, le casting trop idéal, le réalisateur trop bien choisi, la déception est souvent de la partie. Sauf si vous avez une pointure aux manettes, encore que ce ne soit pas toujours une garantie de réussite. Donc, ce Brainstorm s'annonçait comme diablement séduisant, avec son sujet en béton, ses acteurs choisis judicieusement. Avec en plus, cerise sur le gâteau, rien moins que Douglas Trumbull derrière la caméra.

 

imageTrumbull, c'est un véritable génie dans son domaine, celui des effets spéciaux. Révélé par Kubrick pour 2001, l'homme a ensuite participé à des chefs d'œuvre comme Rencontres du 3ème Type ou Blade Runner, en signant des effets visuels uniques par leur poésie et leur grandeur. Il a également réalisé un mini-classique de la SF avec Silent Running, dans lequel il imaginait un futur où la Terre dévastée maintenait ses dernières forêts en orbite sur de gigantesques vaisseaux spatiaux. Brainstorm promettait d'être encore plus ambitieux, rien que ça !  On y parle en effet d'une invention scientifique capable d'enregistrer et de retranscrire les sensations et les émotions d'un individu. Vous enfilez le casque, vous lancez l'enregistrement, et hop, le tour est joué ! En rejouant la bande, n'importe qui peut ressentir ce que vous avez éprouvé, exactement comme s'il était à votre place. L'idée est carrément géniale, et ouvre des perspectives vertigineuses. Hélas, ce que le film en fait n'est pas vraiment à la hauteur du sujet.

 

vlcsnap-7165-08-19-16h53m45s977Pour être honnête, là où Brainstorm réussit le mieux, c'est dans la description du groupe de scientifiques qui lancent le projet. Et pour cause, Trumbull connait bien ce monde de geeks, puisqu'il a développé avec son équipe des techniques révolutionnaires en matière d'effets spéciaux. Ceci dit, même si la description sonne juste, elle reste tout de même très limitée. L'invention, aussi extraordinaire qu'elle puisse être, n'est utilisée dans le film que pour ses aspects spectaculaires, ou pire, plus ou moins potaches. On a donc droit à une véritable démo pour parcs d'attractions, quand on ne verse pas franchement dans la grivoiserie, lorsque l'un des techniciens enregistre carrément une partie de jambes en l'air pour la faire partager à son collègue...

 

imageIl faut dire qu'à la base, il y a un gimmick particulièrement ingénieux, qui consiste à modifier le format de l'image en cours de projection. Ainsi, les scènes dites "ordinaires" sont donc présentées au format "carré" et en mono alors que celles où interviennent les perceptions du casque ont été tournées en format ultra-large et bénéficient de la stéréo. Le concept, s'il est immanquablement diminué par le home cinéma, faisait son petit effet en salles, comme le Strapontin l'avait découvert à l'époque. Mais bon, ça ne fait pas tout un film, hélas.

 

 

imageAprès une première moitié somme toute assez classique, Brainstorm bifurque brusquement vers une intrigue beaucoup plus ambitieuse. Une des scientifiques est victime d'une crise cardiaque et a la présence d'esprit de s'utiliser comme cobaye et d'enregistrer ses derniers instants. Dès lors, ça ne rigole plus. On ne joue plus dans la même catégorie puisqu'on s'attaque à des sujets aussi lourds que la vie après la mort. On se dit que le film va enfin trouver son sujet et donner la pleine mesure de son inspiration. Peine perdue.

 

 

 


 

imageEn fait, toute la deuxième partie n'est qu'un interminable chassé-croisé entre les héros et de méchants militaires, qui ont mis la main sur l'invention et entendent bien la détourner de son but premier pour éradiquer un maximum de gens (on se demande  bien comment !). Le scénario d’origine était beaucoup plus ambitieux et imaginait que la structure-même de la société était bouleversée par l’invention, puisque les émotions devenaient un bien de consommation. Malheureusement, on n’a pas cru bon de développer le script dans cette direction et c’est bien dommage.

 

 

vlcsnap-1174-03-01-06h46m16s925Le spectateur, lui, n'a qu'une envie, c'est de la voir enfin, cette fichue bande qui détient peut être le secret ultime. L'ennui, c'est qu'il la visionnera au compte-gouttes, saucissonnée entre deux poursuites aussi passionnantes qu'un rapport comptable, car le bon scientifique (c’est Christopher Walken) veille, et il est tellement balèze qu’il arrive à hacker le site et à y foutre un bordel monstre. Avant cela, le héros aura au passage résolu ses problèmes de couple grâce au fameux casque. Ben oui, normal, puisque ça permet de partager les émotions, voici le remède tout trouvé à l’incommunicabilité ! Donc le couple vedette, qui se mettait limite sur la gueule au début du film, se retrouve à faire griller des pop-corn en petite tenue avec un nez postiche (si !). Ca passerait encore si les acteurs se donnaient à fond, mais c’est loin d’être le cas. Christopher Walken, dont on est fan au Strapontin, est terne et éteint. Quant à Natalie Wood, on ne peut pas dire que ce dernier rôle restera dans les annales. Seule Louise Fletcher est convaincante, dans le rôle pourtant ingrat de la scientifique bornée et intègre. Cliff Robertson, fidèle à lui-même, est gentiment incolore.

   

 

imageC’est peu dire que le film accumule les handicaps, et Dieu sait s’ils sont nombreux. Le rythme très ramollo n’aide pas, et si la première partie peut intéresser par la description pseudo-réaliste des scientifiques, la seconde peine à assumer efficacement son statut de thriller. Fort heureusement, Trumbull connait son boulot et réussit à livrer deux trois moments visuellement époustouflants, aux effets spéciaux uniques. Il faut également souligner la superbe musique de James Horner, qui débutait alors dans le métier, et signait ici une formidable entrée en matière. Ce sont ces deux éléments qui propulsent Brainstorm un peu plus haut que la moyenne et font que le film tient encore à peu près la route aujourd’hui.


 

Douglas Trumbull est certainement un génie des effets spéciaux, mais il faut hélas reconnaitre ses limites en tant que réalisateur. Après un Silent Running tout à fait digne d’intérêt, ce Brainstorm  est maladroit et peu convaincant. A sa décharge, le film a connu de gros problèmes de production et a été terminé dans des conditions très particulières (voir notre section “Autour du Film”). C’est donc une œuvre bancale, globalement ratée, qui ne décolle réellement qu’en de trop rares occasions, mais dont le souvenir reste vivace malgré tout. Malgré ses imperfections, c’est donc un candidat idéal pour la section nostalgie de votre blog favori.

 

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Arrêts sur Images

ATTENTION!
Ces focus techniques se concentrent sur la mise en scène de plusieurs séquences-clé du film.
Il va donc de soi qu'ils révèlent des informations importantes sur l’intrigue.
Il est donc souhaitable de ne les lire qu'après avoir vu le film.

 

Autour du Film

dt1Créateur génial d’effets spéciaux, le réalisateur Douglas Trumbull est, on s’en doute, un passionné de technologie. Aussi, lorsque la MGM lui propose de tourner Brainstorm, il y voit l’occasion rêvée pour développer un procédé inédit, sur lequel il travaille depuis des lustres : le Showscan. Mais le Showscan, c’est quoi ? Eh bien en fait, c’est de la super HD. Le film est non seulement capté en 70 mm, mais également à 60 images/secondes, soit une vitesse de projection de plus du double de celle utilisée habituellement. Le résultat, c’est une image à la netteté et à la définition impressionnante, sans le moindre effet de flou, et très proche de la perception du réel. Brainstorm semble être le projet idéal pour populariser le procédé : les séquences « normales » seront tournées en 35 mm, et celles de « réalité augmentée » en Showscan.

 

 

vlcsnap-2887-09-18-03h59m26s069Une idée ambitieuse, mais malheureusement trop chère : il faut équiper les projecteurs et ce n’est pas donné. La MGM, frileuse, dit niet à l’utilisation du Showscan. En désespoir de cause, Trumbull se rabat sur le format Super-Panavision 70 mm, un procédé populaire dans les années 60, mais qui n’est plus guère utilisé depuis. Sauf par les sociétés d’effets spéciaux qui, après Star Wars, ont très vite adopté les formats larges (plus précisément le 65 mm) pour tirer parti de son extraordinaire définition. Ça tombe bien, une grosse majorité des « vues subjectives » de Brainstorm utilisera des effets visuels.

 

bsdtMais le 29 novembre 1981, le destin du film bascule. L’actrice Natalie Wood est retrouvée morte noyée au large de Catalina, en Californie, dans des circonstances qui n’ont jamais été clairement élucidées. Bien que pratiquement toutes ses scènes aient été tournées, la MGM, qui rencontre de gros problèmes financiers, verra là une opportunité d’arrêter les frais sur un projet en lequel elle ne croit pas beaucoup. Ce n’est que lorsque d’autres distributeurs manifesteront leur intérêt pour le film que le studio changera d’avis et décidera de le terminer, avec notamment l’aide de la compagnie d’assurance Lloyds of London.

 

 

 


c9b6c86d4aa0d8cc0c874dda049b1735Le mal est fait malgré tout. En dépit de l’intérêt d’autres studios, la MGM ne veut pas trop investir dans Brainstorm. C’est pourquoi le film sera terminé avec un budget plus que réduit, ce qui n’empêchera pas Douglas Trumbull d’y créer des effets spéciaux saisissants. Le film ne rapportera pas énormément. Aux USA, le distributeur mise sur une grosse sortie en 70mm, mais les salles censées le programmer sont occupées par Le Retour du Jedi…        En France, le film ne sera même pas diffusé dans ce format, qui fait pourtant partie intégrante de l’histoire.

 

 

 

 

Le Générique

Un critique a écrit à l’époque que le générique du film, avec ses lettres qui viennent vers le spectateur, était “la meilleure séquence de 3D que j’aie vue cette année”. Sauf que Brainstorm n’a jamais été tourné ni exploité en relief. Cependant, on doit supposer que l’utilisation du Super-Panavision en 70mm a dû produire son petit effet sur le public. L’effet de déformation du titre est en fait tout simple : les caractères sont filmés avec un objectif fish-eye, et un simple travelling avant provoque l’étirement des lettres, qui ont été ensuite superposées à d’autres éléments optiques.

 

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Les Effets Spéciaux

Victimes des restrictions budgétaires, les effets visuels de Brainstorm ne représentent pas une durée conséquente. Ils sont saucissonnés tout au long de l’intrigue pour donner l’impression d’une présence plus importante. Néanmoins, ils sont parfaitement dignes du talent visuel de Trumbull, par leur approche unique. La séquence la plus frappante est celle des «bulles de mémoire », au sein desquelles voyage la caméra lors du trip final. Les bulles étaient une image composite, regroupant un nombre incroyable d’éléments optiques combinés. Chacune d’entre elles intégrait des prises de vues réelles, filmées avec un objectif fish eye pour obtenir un effet de déformation.

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La fameuse bande, censée montrer les derniers moments de la vie de Lillian, un des personnages principaux, est une suite d’images abstraites. Elles sont d’abord liées au vécu du personnage, avec des objets ordinaires présentés dans un contexte visuel inhabituel, avec un effet de chute. Les différents éléments ont été filmés sur fond bleu, puis combinés optiquement.



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La transition entre la mort du personnage est le contenu de la bande est fait à l’aide d’un plan à la verticale, qui adopte quasiment le point de vue de l’âme de Lillian s’échappant de son propre corps. La caméra recule jusqu’aux poutrelles du plafond, qui sont un élément optique séparé, incrusté dans la scène, avant que ce moment ne s’intègre parmi les milliers de bulles de mémoire.

 

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Le déroulement même de la bande est censé suivre plusieurs phases, et s’est inspiré d’un montage réalisé dans le cadre d’une expérience sensorielle, conçue par deux scientifiques, Stanislov et Cristina Grof. Il représente le passage par différents stades, tels que le paradis et l’enfer. Dans cette optique, la fin de la bande contenait des images très dérangeantes, qui ont été sucrées au montage, afin que le film ne soit pas classé R (interdit aux mineurs non accompagnés). On peut les apercevoir très brièvement dans la version définitive.


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Plusieurs effets, jugés trop déroutants pour le spectateur, ont été écartés du montage final.

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Parmi les autres scènes supprimées, l’une d’elles montrait la piscine familiale transformée en un marais sinistre, où l’un des personnages se noyait. Compte tenu des circonstances du décès de Natalie Wood, la séquence a donc été éliminée et remplacée par une autre, beaucoup moins dérangeante, mettant en scène Christopher Walken et son fils.

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Enfin, la séquence finale est très réminiscente de 2001, avec un voyage aux confins de la galaxie qui se termine de manière assez déconcertante par des visions angéliques. Les anges ont été réalisés en filmant séparément des figurants suspendus à des filins et revêtus de voiles, qu’ils faisaient onduler à l’aide de perches tendues à bout de bras. Une conclusion très critiquée à l’époque, car trop connotée catho (bien que Trumbull se défende de l’avoir trop typée dans ce sens, estimant que chacun pouvait donner à ce final la signification qu’il désirait).

 

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La Musique

vlcsnap-7967-12-06-14h47m16s407C’était l’une de ses toutes premières partitions pour le cinéma. Le compositeur James Horner, récemment décédé, était alors âgé de 30 ans. Il commençait à se faire un nom dans le paysage hollywoodien et venait tout juste de signer deux gros succès, 48 Heures et le second volet de la saga Star Trek. Une carte de visite suffisante pour que la MGM lui confie la partition de Brainstorm, qui va se révéler comme l’une de ses plus belles réussites.

 

 

 

Très inspirée par Gyorgi Ligeti, avec des chœurs utilisés tantôt de manière harmonieuse, tantôt de manière atonale, la musique sait trouver des accents plus rythmés, qui évoquent plus d’une fois l’écriture d’un Jerry Goldsmith. C’est surtout dans des pièces chargées d’émotion, comme Lillian’s Heart Attack, que le génie de Horner  explose pleinement, mariant fureur orchestrale et intensité dans un crescendo implacable. Même si le compositeur réutilisera de (trop) nombreuses fois ce motif musical menaçant, cela reste l’un des très grands moments de son œuvre.

 

bst-ostUn album sera publié sur le label Varese Sarabande au moment de la sortie du film, et bien qu’il soit relativement court (près de 30 minutes), il s’avère être parfaitement représentatif du contenu musical du film. Comme cela était le cas bien souvent dans les années 70-80, la version disque a été réenregistrée aux studios Abbey Road de Londres avec le London Symphony Orchestra. La prise de son, effectuée en digital, est particulièrement impressionnante. Par contre, le CD est très vite devenu une pièce de collection, et se trouve plus que difficilement. On espère donc qu’une réédition, ou mieux la sortie de l’intégrale viendront bientôt combler cette lacune car la partition le mérite plus qu’amplement.

 

 

 

 

En Vidéo

Bien que son succès ait été très relatif, le film a été réédité de nombreuses fois sur différents supports. A noter toutefois que la première version du DVD utilisait un cadrage incorrect, puisque les séquences “normales” du film occupaient davantage de place à l’écran que celles en format large. Une seconde édition rectifiera le tir, en proposant un cadrage correct des deux formats. Cela peut paraitre déconcertant, vu qu’il y a clairement une réduction du cadre par rapport à un DVD standard, mais au moins le format respecte celui utilisé lors de la projection.

pc8Le master blu-ray utilise le même cadrage et restitue parfaitement la définition des séquences tournées en 70 mm. De même, le mixage 6 pistes, bien que simple et sans effets inutiles, est bien mis en valeur par le transfert son, en DTS HD Master Audio. En VO du moins, car pour la VF, il faudra se contenter de la version monophonique exploitée en France à la sortie du film. Notre beau pays réservait en effet les doublages Dolby Stéréo aux films commercialement viables. La sortie en catimini de Brainstorm faisait donc de lui un candidat idéal pour ne pas bénéficier de cette innovation technique. Inutile de dire que la piste son française est aussi plate et étouffée que l’anglaise est ample et spatialisée.

lundi 5 octobre 2015

Contre-Enquête

(Q&A)

Film de Sidney Lumet, avec Timothy Hutton, Nick Nolte, Charles S. Dutton, Armand Assante, Annabella Sciorra, etc…

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De Sidney Lumet, on connait moins ce petit polar de la fin des années 80 que des choses comme Network, Un Après-midi de Chien ou Douze Hommes en Colère. Il faut avouer que le réalisateur n'a jamais joué sur sa notoriété, enchainant sur la fin de sa carrière des films plus modestes mais pas forcément moins intéressants, bien au contraire. Pour preuve ce Q&A qui, malgré ses défauts, s'avère tout de même une œuvre à découvrir, même si elle n'apparait pas au premier abord comme immédiatement séduisante.

 

vlcsnap-5577-10-04-15h32m51s201Le film est surtout dominé par la présence physique impressionnante de Nick Nolte, qui compose ici un portrait de flic pourri particulièrement réussi. C'est le bon gars, bien lourd, aux blagues vaseuses, mais dont on sent très bien qu'il a dû tremper dans des affaires plus que louches. D'ailleurs, il n'y a aucune ambigüité puisque la toute première scène le montre en train de mettre en place ce qui est censé ressembler à une bavure. Et justement, on va lui mettre dans les pattes une jeune recrue (c'est Timothy Hutton), qui va fouiller dans ce passé pas très net.

 

 

 

 

vlcsnap-2459-04-27-19h30m03s407Tout le début de Q&A est épatant, avec une intrigue remarquablement construite qui révèle peu à peu des éléments essentiels sur le passé des personnages. Le jeune flic possède lui aussi sa part d'ombre et l'arrivée de son ex dans tout cela va rebattre les cartes de manière assez inattendue. Comme en plus le film rassemble une belle brochette d'excellents second rôles emblématiques des Eighties (en plus de Timothy Hutton, on retrouve Armand Assante, Luis Guizman et la belle Annabella Sciorra), on se dit qu'on est entre de bonnes mains.

 

 

 

 

vlcsnap-5316-07-06-09h49m09s699Malheureusement, la seconde partie trahit quelque peu cette formidable mise en place. Un peu comme si le film, après avoir joué la carte du plus grand que nature, voulait rester dans les clous avec une fin beaucoup plus réaliste. Du coup, ça se termine plutôt en eau de boudin, alors que la sauce avait été si brillamment montée. C'est crédible d'un point de vue réaliste mais indéniablement frustrant pour le spectateur qui, avec une telle entrée en matière, attend inévitablement une montée en puissance qui ne vient jamais.

 

 

 

 

On a déjà dit ici ce qu'on pensait de la fin de carrière de Sidney Lumet et de ces films qui, bien qu'ils soient formellement impeccables, manquent de cette épaisseur dramatique que le réalisateur savait si bien manier (et qu'il retrouvera d'ailleurs dans son ultime chef d’oeuvre, 7h58 Ce Samedi-Là) . Q&A ne fait pas exception à la règle. Là où on avait la matière pour un polar passionnant, on se retrouve avec un film couci-couca, aux allures de téléfilm, qui trahit allègrement dans sa conclusion toutes les promesses qu'il a pu mettre en place dans son intro. Malgré ses indéniables qualités, on attendait quand même un peu mieux de Sidney Lumet.

 

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