mercredi 18 février 2015

Le Génie du Mal

(Compulsion)

Film de Richard Fleischer (1959), avec Bradford Dillman, Dean Stockwell, Orson Welles, Richard Anderson, Diane Varsi, etc…

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Sous ce titre français un rien pompeux se cache une véritable curiosité, l’un des films les plus singuliers de Richard Fleischer. Fleischer, c’est un cas un peu à part dans le cinéma américain des années 50-60 : un metteur en scène très éclectique, autant à l’aise dans la super-production (Le Voyage Fantastique) que dans le polar (L’Enigme du Chicago Express). Une sorte de touche-à-tout sacrément doué, même s’il s’est parfois commis dans quelques beaux nanars.

 

vlcsnap-2015-02-18-22h57m22s22Compulsion (on va préférer le titre original, c’est plus court et moins ronflant) est une œuvre dérangeante, inspiré d’un faits divers réel, le même d’ailleurs qui inspirera Hitchcock dans La Corde. C’est l’histoire de deux amis (Bradford Dillman et Dean Stockwell) qui entreprennent de commettre le crime parfait, tant pour le plaisir de la transgression que pour marquer le profond dédain qu’ils ont envers la race humaine. Dès les premières séquences, le film affiche un ton très noir et particulièrement dense, parfaitement inattendu et qui ferait presque passer le Hitchcock pour une aimable fantaisie.

 

 

vlcsnap-2015-02-18-23h00m14s221Le film est soutenu par des acteurs hors pair, en particulier Dean Stockwell qui est réellement formidable. Son personnage, à la fois faible et torturé, est véritablement déchirant. Il donne corps à la dimension humaine d’un individu à la fois manipulé par son meilleur ami et fasciné par le mal, au gré d’une performance nuancée et totalement imprévisible. La séquence de la tentative de viol est à cet égard particulièrement saisissante. Elle résume l’approche si particulière du film, en mélangeant malaise et violence pour aboutir à un moment à la fois bouleversant et poignant.

 

 

vlcsnap-2015-02-18-23h02m28s241Puis l’enquête policière s’installe, menée par un E.G. Marshall toujours parfait dans ces rôles de flic tenace et perspicace. Le procès, qui occupe la seconde moitié du film, est soutenu par un Orson Welles imposant, comme toujours. Compulsion se transforme alors en un troublant plaidoyer contre la peine de mort, avec tout ce que cela peut supposer de démonstratif. C’est dommage, le film y perd pas mal son approche dérangeante du bien et du mal pour verser dans un discours plus classique et plus attendu.

 

 


Il n’en reste pas moins que Compulsion s’avère passionnant et souvent saisissant, porté par des acteurs au top (le festival de Cannes attribuera d’ailleurs un prix d’interprétation collectif à Welles, Dillman et Stockwell). Richard Fleischer réutilisera cette approche clinique du mal dans L’Etrangleur de Boston, mais sans égaler le mélange de perversité, de froideur et de paradoxale sensibilité que l’on trouve ici. A la fois prenant et fascinant, ce film méconnu se classe, malgré ses défauts, parmi les œuvres les plus troublantes de son auteur.

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mercredi 11 février 2015

Gothika

Film de Mathieu Kassovitz (2003), avec Halle Berry, Robert Downey Jr, Charles S. Dutton, Penelope Cruz, John Carroll Lynch, etc…

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Il y a toujours un petit côté cocardier qui nous incite à la fierté quand un réalisateur de chez nous réussit outre-Atlantique. Avec l'émergence d'un cinéma de genre en France, les petits frenchies sont à même de faire leurs preuves et de séduire les producteurs américains en quête de nouveaux talents.

 

vlcsnap-2015-02-11-22h19m21s186Aujourd'hui, c'est Mathieu Kassovitz qui s'y colle. Kasso, il n'a pas toujours bonne presse auprès de toute une communauté cinéphile. Avec son image de bad boy du cinéma français, il n'est jamais le dernier à cracher dans la soupe, à grand renfort d'expressions fleuries, lorsque l'industrie est incapable de reconnaitre son talent à sa juste valeur. Et du talent, il en a, ou alors il faudrait oublier Métisse, La Haine ou même le sous-estimé L’Ordre et la Morale. Donc quelque part, même si ça peut déplaire à certains, on était quand même bien contents de me voir tenter sa chance aux USA. Qui plus est, pas avec n'importe qui, puisque le film était produit par Joel Silver (les sagas Matrix et L'Arme Fatale) et Robert Zemeckis (Retour vers le Futur).

 

 

vlcsnap-2015-02-11-22h02m42s23Hélas, on ne peut pas vraiment dire que ce Gothika brille par son originalité. Voilà une histoire de revenants comme on en a pondu des centaines dans le sillage du Sixième Sens. Non que ce soit forcément mal fichu, non : la réalisation assure juste ce qu'il faut, aidée par l'excellent travail et les plans magnifiquement éclairés du chef opérateur de Darren Aronofsky, Matthew Libatique. C'est du boulot carré,  parfaitement compétent mais sans génie, et dont le ratage est davantage à mettre au crédit d'un scénario banal et sans la moindre once de surprise. 

 

 

 

En même temps, Gothika est un peu symptomatique de l'approche à gros sabots que Silver et Zemeckis apportaient à une série comme Les Contes de la Crypte ou le nanaresque Death Ship, celle d’un cinéma d’épouvante sans la moindre prise de risque et obéissant strictement à des schémas ultra-éprouvés. Donc finalement, notre ami Mathieu s'est contenté de faire ce qu'on attendait de lui. C'est déjà pas mal. Même si ceux qui appréciaient son talent en attendaient beaucoup plus.

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lundi 9 février 2015

Chromosome 3

(The Brood)

Film de David Cronenberg (1981), avec Oliver Reed, Samantha Eggar, Art Hindle, Nuale Fitzgerald, Garry Mc Keehan, etc…

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Même si c'est avec Scanners que David Cronenberg accèdera à la célébrité, c'est indéniablement The Brood (oubliez le titre français débile) qui posera les bases de son style. Difficile de faire plus dérangeant que ce petit film qui, au delà de ses attributs de film d'horreur, s'avère surtout être une cruelle méditation sur le divorce.


vlcsnap-2015-02-07-18h13m05s76Il est souvent question de fausses pistes dans The Brood, et ce dès le départ. La première scène nous montre deux hommes l'un face à l'autre, en train de se déchirer. Pièce de théâtre ? Thérapie comportementale ? Jeu de rôle ? Dès le début, on est déstabilisé par une intrigue et une approche de la mise en scène inhabituelles. Cronenberg nous livre des indices au fur et à mesure que la scène progresse, puis il nous donne les clés pour décoder la séquence, mais alors la scène dérape vers quelque chose d'autre, une autre dimension dans laquelle il est question de mutations, de rage intérieure.





vlcsnap-2015-02-07-18h31m18s9En quelques séquences dépouillées, Cronenberg pose les bases de son univers, mais il le fait au sein d'une histoire aux profondes résonances humaines. Un père divorcé avec sa fille. Une série de meurtres crapuleux. Un mystère autour des activités d'un psychanalyste reconnu... Tout cela est décrit avec un profond dépouillement et avec une grande économie de moyens, dans un style très sobre. En même temps, Cronenberg n'oublie pas ses racines, ces petits films d'horreur qui l'ont propulsé sur le devant de la scène. Deux ou trois scènes très violentes servent de contrepoint, mais réalisées dans un style sec et sans concessions.

 

 

 

vlcsnap-2015-02-08-18h39m46s223Tout le génie du réalisateur, c’est d’avoir intégré sa propre expérience, celle d’un divorce particulièrement douloureux, pour nourrir un scénario qui dérive lentement vers le fantastique. Les sentiments négatifs tels que la haine ou la colère deviennent les vecteurs d’une mutation et donnent naissance à des monstres. On pense à un classique comme Planète Interdite dans lequel l’esprit prenait le pas sur l’individu. A ceci près que l’approche de Cronenberg est très organique. A l’aide d’effets de maquillage minimalistes, mais placés stratégiquement, il crée un profond malaise, celui lié à une révolte du corps, qui devient alors une entité incontrôlable.

 

 

 

vlcsnap-2015-02-07-18h32m12s16Alors que les premiers films du réalisateur présentaient des faiblesses au niveau de l’interprétation, et s’il est vrai que le jeu d’Art Hindle est parfois un peu juste, The Brood se signale par les excellentes performances de ses deux vedettes, Oliver Reed et Samantha Eggar. Reed apporte au film son imposante stature et la puissance de son jeu, qui colle parfaitement au personnage de Raglan, une sorte de gourou aux intentions mystérieuses. Quant à Samantha Eggar, qui personnellement ne m’avait jamais convaincue, elle se révèle être vraiment formidable dans un rôle difficile et antipathique. C’est grâce à elle que le concept de Cronenberg tient la route et ses échanges avec Oliver Reed sont des moments de formidable intensité.

 

 

Sous ses allures de petit film, The Brood est pourtant une pièce indispensable dans la thématique du réalisateur. Déconcertant dans son mélange d’horreur, de tension psychologique et de fantastique, le film est porté par deux énormes performances d’acteurs. Partant d’un postulat très réaliste, il y intègre petit à petit les idées les plus tordues pour emmener le spectateur vers une conclusion à la fois bluffante et culotée. S’il ne va pas aussi loin que dans certains de ses chefs d’œuvre, Cronenberg y affirme en tout cas son style de manière discrète mais impitoyablement efficace.

 

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vendredi 6 février 2015

Deep Impact

Film de Mimi Leder (1998), avec Tea Leoni, Morgan Freeman, Elijah Wood, Vanessa Redgrave, Robert Duvall, etc…

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A Hollywood, quand une idée est suffisamment bonne, elle inspire non pas un mais deux films. Deux majors concurrentes se retrouvent à développer le même projet. On va donc se tirer la bourre, et c'est donc à celui qui doublera l'autre et sortira son film en premier. Bien évidemment, on passe sur le fait que, dans ce sprint, la production va être un chouia bâclée, mais bon on s’en fiche un peu. C'est ce genre d'incident qui a donné conjointement naissance à Armageddon et à ce Deep Impact, qui nous intéresse ce soir. 

vlcsnap-2015-02-05-19h10m37s192Au départ, Steven Spielberg avait dans l'idée de produire un remake du Choc des Mondes, un film réalisé par Rudolph Maté dans les années 50, et dans lequel la Terre était détruite par un astéroïde. Tiens tiens, comme par hasard au même moment, la firme Touchstone (une filiale de Disney) développe un projet similaire ! A l'arrivée, les deux films n'auront pas grand chose à voir l'un avec l'autre, Armageddon jouant la carte du bon gros film d’action, et Deep Impact étant plus axé sur le côté humain, avec bien entendu la masse de clichés que cela suppose.



vlcsnap-2015-02-05-19h10m29s89Ceci dit, aucun des deux films n'aura les couilles d'aller aussi loin que le film de Maté, qui se terminait bel et bien par la destruction de la Terre et le départ d'une "arche" remplie de survivants. Non, dans les deux cas, on reste raisonnable et fidèle au happy-end. Notre belle planète sera épargnée, mais pour faire bonne mesure et assurer le quota de spectacle, des petits bouts d'astéroïde vont tomber à droite à gauche et provoquer de gros dégâts. L’occasion pour les artisans des effets spéciaux de nous en mettre plein la vue, mais dans certaines limites. On n’est pas dans la débauche d’effets façon 2012.


 

vlcsnap-2015-02-05-19h31m57s66Sur ce plan,il faut tout de même avouer que la destruction de New York, même si elle se limite à une quinzaine de plans d’effets visuels, est tout de même plutôt bien fichue est assez impressionnante. Par contre, il faut quand même s’infuser plus d’une heure et demie de film avant d’en arriver aux choses sérieuses, et c’est là que le bat blesse. Comme dans tout bon film-catastrophe, on présente les personnages avant, et franchement, on ne peut pas dire que ce soit passionnant. Entre la journaliste fâchée avec son père mais qui se réconcilie avec lui à la fin et l’ado (Elijah Wood, avant de virer hobbit) qui vit son premier amour, bonjour les clichés.


 

vlcsnap-2015-02-05-19h01m45s238Mimi Leder, transfuge de la série Urgences, dirige tout cela sans la moindre inspiration et avec la spontanéité d’un téléfilm. Le seul étonnement provient du choix de Morgan Freeman pour jouer le Président des Etats-Unis (c’était bien avant les années Obama), sinon pour le reste, c’est prise de risque minimale. De plus, le film passe complètement sous silence les conséquences sociales d’un tel cataclysme. On part du principe que seul un petit groupe tiré au sort sera sauvé en se réfugiant dans des grottes, mais rien n’est dit sur les autres, alors qu’il y a fort à parier que le monde entier serait carrément livré à l’anarchie.


 

vlcsnap-2015-02-05-19h03m38s95Pendant ce temps-là, on suit une mission spatiale bien moins rigolote que dans Armageddon, et pour cause puisqu’à la place de Bruce Willis, vous avez Robert Duvall. Mais attention, pas le Robert Duvall destroy et survolté de Network, non. Juste un nième personnage de vieux baroudeur en qui personne ne veut croire et qui va mener à bien la mission de la dernière chance. Là aussi, pas franchement palpitant, et en plus, y’a même pas Steve Buscemi pour faire le con et sortir des vannes pourraves, alors …

 


 

Bon, soyons honnête, ce Deep Impact n’atteint pas la nullité nanardesque d’un Meteor. Si on n’est pas trop regardant et qu’on accepte de se taper des personnages en carton et des rebondissements dignes d’une sitcom, on pourra passer un bon moment et les fans de film-catastrophe auront droit à leur quota de destruction massive. On aurait tout de même souhaité un petit peu plus d’ambition et de flamme qui en aurait fait autre chose qu’un grand spectacle en charentaises.


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mercredi 4 février 2015

Elle l’Adore

Film de Jeanne Herry (2014), avec Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Pascal Demolon, Muriel Mayette, Olivia Cote, etc…

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Sympathique mélange que celui tenté ici par Jeanne Herry pour son premier film. Elle l'Adore n'est pas vraiment un suspense hitchcockien et pas vraiment une comédie non plus. Mais c'est en tout cas une mécanique formidablement huilée, qui vous met dans sa poche en deux temps trois mouvements.

vlcsnap-2015-02-04-21h54m21s250Pour faire court, Vincent Lacroix (c'est Laurent Laffite) est un chanteur pour midinettes qui va se retrouver impliqué dans la disparition de sa petite amie. Il va donc utiliser une de ses fans, Muriel (c'est Sandrine Kiberlain) pour se tirer de ce mauvais pas. Bien entendu, tout le sel de cette intrigue tordue réside dans la mise en parallèle entre le plan prévu par la star et celui qui va être effectivement mis en place par sa groupie. La mise en scène, très adroite, nous lance avec délectation sur des fausses pistes, sans en dire trop ni en rajouter inutilement.



vlcsnap-2015-02-04-21h54m06s98Avec Sandrine Kiberlain, il aurait été tentant de privilégier l’aspect comédie. Fort heureusement, le film l’évite très intelligemment et garde en réserve ce point de vue cocasse pour des moments essentiels. On se souviendra longtemps de la scène de l’interrogatoire et de ses spéculations sur le peigne de Tina Turner. Laurent Lafitte est moins convaincant en chanteur pour midinettes, mais il possède un côté troublant qui sert assez bien le personnage. Enfin, les seconds rôles sont parfaits, en particulier Pascal Demolon en inspecteur de police complètement largué par les évènements.




Sans aller crier au génie, voilà donc un divertissement de très bonne tenue, qui remplit pleinement son contrat et mélange les genres avec un certain culot. Le film est taillé sur mesure pour son interprète principale, mais agence autour, avec une finesse indéniable, toute une intrigue policière qui s’avère rondement menée. Kiberlain, fidèle à elle-même, est impayable et sa personnalité unique et lunaire s’avère un contrepoint idéal à un scénario particulièrement bien ficelé. Très agréable.

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mardi 3 février 2015

John Wick

Film de David Leitch et Chad Stahelski (2014), avec Keanu Reeves, Michael Nyqvist, Alfie Allen, Ian Mc Shane, Willem Dafoe, etc…

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Raconté littéralement, l'argument du film peut prêter à sourire, jugez plutôt : le héros, le fameux John Wick bute une armada de tueurs parce qu'ils ont volé sa voiture et buté son chien ! Sauf que, pour être plus précis, Wick n’est rien moins qu'un mercenaire surentrainé, une sorte de Rambo des liquidateurs, un Léon puissance mille, bref le genre de gars qu'il faut pas titiller, même quand on fait partie de la mafia russe.

 

vlcsnap-2015-02-02-20h16m37s26C'est donc le point de départ d'un polar d'action blindé aux amphétamines et ma foi fichtrement régalant et drôle. Bien entendu, l'ensemble est légèrement manipulateur : la violence y est plus que gratuite et il est difficile de trouver pire que le meurtre d’un animal pour taquiner l’indignation du spectateur, surtout quand on a pris soin de choisir un chien qui soit bien choupi. Néanmoins le film parvient à rendre crédible ce personnage de tueur rangé des voitures, qui ne parvient pas à se recréer une nouvelle vie.


 

 

vlcsnap-2015-02-02-20h26m30s113En quelques séquences, le film écrit une autre histoire : celle d’un homme qui tente d’oublier un passé fait de tueries. Cette renaissance est montrée par petites touches, sans s’attarder sur une histoire que la mort vient briser. Le film évite ainsi très adroitement tout côté cucul, malgré la symbolique qui est attachée à la présence du toutou. Il fallait au moins ça pour que les motivations du héros soient un tantinet crédibles et qu’on puisse accepter le postulat de départ. L’affaire est rondement menée dans une intro qui ne s’attarde pas sur les détails et laisse soigneusement planer le doute sur les activités du personnage.

 

vlcsnap-2015-02-02-20h31m07s188Passé ce cap, une fois que la machine est lancée, John Wick devient un véritable opéra de la violence, une sorte de bolide lancé à pleine vitesse. Les combats y sont d’authentiques chorégraphies à part entière, dans lesquels la notion de vraisemblance s’efface derrière une indiscutable élégance des cascades et des mouvements. Il suffit d’établir que le héros est une pointure dans son domaine pour justifier les excès les plus énormes. John Wick, c’est  Terminator chez les affranchis. La comparaison avec Schwarzy n’est d’ailleurs pas gratuite, puisqu’on pense souvent au Commando de Mark Lester, qui faisait aussi très fort dans le genre “jeu de massacre”.

 

vlcsnap-2015-02-02-20h10m12s54En même temps, John Wick récupère le côté excessif des séquences d’action de Matrix, à ceci près qu’on ne s’y embarrasse même plus de logique. Le second degré et l’humour font le reste. Michael Nyqvist, après son numéro de méchant dans le dernier Mission Impossible, campe ici un excellent boss de la mafia russe, même s’il faut espérer qu’il ne sera pas catalogué dans ce style de rôles. On est aussi bien content de retrouver quelques tronches comme John Leguizamo ou David Patrick Kelly au détour d’une séquence.



vlcsnap-2015-02-02-20h15m45s44Réalisé par deux anciens cascadeurs, le film sait parfaitement mettre en valeur les différentes séquences d’action, tant au niveau de leur mise en place qu’à celui de leur réalisation. Il ne s’interdit pas pour autant certaines jolies compositions visuelles et un traitement original de la couleur, alternant les dominantes bleutées du début avec l’approche surchargée des séquences dans la discothèque. L’utilisation des sous-titres est également très bienvenue. Avec ses nombreux dialogues en russe, ils sont transformés en éléments graphiques qui s’intègrent parfaitement à l’action.

 

 

Résolument série B dans son inspiration, John Wick ne s’embarrasse pas franchement de subtilités et fonce dans le tas. C’est à la fois sa force et sa faiblesse. Parce qu’après plus d’une heure et demie de gunfights frénétiques et virevoltants, le film montre clairement ses limites et sait s’arrêter juste quand il le faut. On ignore si cette petite surprise fera beaucoup pour la carrière fléchissante de Keanu Reeves. Mais en tout cas, tel quel, c’est un thriller shooté aux amphétamines, qui se regarde avec un sourire jusqu’aux oreilles.


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dimanche 1 février 2015

Psychose 2

(Psycho II)

Film de Richard Franklin (1983), avec Anthony Perkins, Meg Tilly, Robert Loggia, Vera Miles, Dennis Franz, etc…

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Ah, les années 80, c'était quelque chose quand même ! Comme quoi il n'y a pas que maintenant où les scénaristes sont en panne d'inspiration ! Déjà à l'époque, on n'hésitait pas à aller taper dans les chefs d'œuvre certifiés, histoire de faire rentrer un peu d'argent dans les caisses. Donc du coup, toc toc badaboum, pourquoi ne pas remettre le couvert avec Psycho, qui a tout de même été en son temps une affaire très profitable : réalisé pour une bouchée de pain, il avait bénéficié d'un sacré retour sur investissement, en rapportant des millions.

 

vlcsnap-2014-08-05-22h29m37s192Ni une ni deux, Universal, détentrice des droits, commence donc à plancher sur différents projets. Robert Bloch, l'auteur du livre original, y va même de sa propre suite et règle ses comptes avec Hollywood en imaginant que Norman Bates sème la terreur sur des plateaux de cinéma ! (on comprend mieux le concept en sachant que Bloch a toujours été un peu jaloux du succès du film). Puis en définitive, c'est le scénario d'un dénommé Tom Holland qui l'emporte, et qui sera mis en images par Richard Franklin, un réalisateur australien qui s'était fait remarquer avec un petit thriller pas trop mal ficelé du nom de Patrick.

 

 

 

vlcsnap-2014-08-05-22h43m52s23Bien entendu, on n'imagine même pas une seconde que cette suite puisse parvenir ne serait-ce que l'espace d'un instant au millième du quart du génie de l'original. Et évidemment, bien malin, le film ne cherche même pas à inciter la comparaison, puisqu'il se place d'emblée sur un autre registre, celui du thriller pépère. Psycho II, par sa mise en scène, est un pur produit Universal des années 80, avec un scénario bien calculé pour ménager quelques surprises et multiplier les références et les appels du pied à l'original.

 

 

 

 

vlcsnap-2014-08-05-22h14m41s198Le parti-pris plutôt intéressant de l'histoire, c'est de présenter Norman Bates comme une victime, et non comme le tueur branque dont tout le monde se souvient. C'est un homme qui tente de se reconstruire après plus de 20 ans passés en prison, et la performance mesurée d'Anthony Perkins est pour beaucoup dans la crédibilité du personnage. Il réussit à donner une nouvelle vie à cet éternel adolescent trahi par lui-même et dont on sent, au détour d'un regard, qu'il pourrait très bien replonger dans cette spirale infernale. C'est grâce à l'acteur que le scénario, un peu trop alambiqué et manipulateur pour être honnête, fonctionne si bien.

 

 

 

vlcsnap-2014-08-05-22h33m50s194En même temps, Psycho II reste tout de même lié à son prestigieux aîné. Il y a donc des scènes de douche, des meurtres au couteau de cuisine et du suspense. Richard Franklin a le bon goût, à une ou deux exceptions près, de ne pas en rajouter dans l'hémoglobine et la violence qui tâche. Il multiplie les clins d'œil malins à Hitchcock, que ce soit au détour d'un cadrage ou par l'utilisation d'effets de mise en scène. C'est fait de manière assez scolaire la plupart du temps, mais quelque part, il y a quelque chose qui parle à notre sensibilité de cinéphile, même si le film est encombré par les fausses pistes et les révélations scolaires.

 

 

vlcsnap-2014-08-05-22h37m41s178C'est justement dans ce désir de vouloir trop en faire que tout se casse la gueule dans sa dernière partie. Se sentant presque obligé de rivaliser avec les coups de théâtre vertigineux du premier film, Franklin en rajoute et en fait mille fois trop. Psycho II sombre alors dans le ridicule le plus absolu, au cours d'un épilogue stupide, qui en profite même pour déconstruire l'intrigue de l'original. Le plus étonnant, c'est que non content de nous infliger une telle semoule, le film a tout de même le culot d'enquiller juste après un dénouement particulièrement saugrenu, qui sauve les meubles avec un humour inattendu et boucle la boucle d'une manière assez subtile.

 

 

A l'image de son héros, Psycho II est donc un film totalement schizophrène. A la fois téléfilm de luxe (mais sans la conviction qui va avec) et hommage hitchcockien (mais sans la virtuosité qui va bien), c'est une œuvre un peu bâtarde et très maladroite, essentiellement sauvée par l'implication de son acteur principal. Un ratage donc, mais peut-être pas aussi catastrophique qu'il aurait pu l'être.


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Les Clins d'œil Hitchcockiens

Difficile de signer un film comme Psycho II sans manier les références au chef d'œuvre du maître du suspense. Premier aspect de cet hommage, c'est l'utilisation de la couleur. Rappelons qu'Hitchcock avait tourné l'original en noir et blanc pour des raisons budgétaires, mais aussi parce qu'il pensait que la scène de la douche serait trop dure pour le public si elle avait été en couleurs. On a donc l'impression de redécouvrir littéralement un cadre et des décors qui nous sont familiers.


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Richard Franklin réutilise également le célèbre plan en plongée dans les escaliers.

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… Et on trouve quelques brefs clins d’œil visuels, des citations ponctuelles de plans du premier film.

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Richard Franklin a également retenu le principe Hitchcockien de faire participer la caméra à l’action, et il se permet quelques petites touches plus personnelles, comme lors de la dernière séquence, lorsque Lily (Meg Tilly) pense que Norman est redevenu fou. Tout se joue d’abord sur le regard de Perkins. Puis la caméra s’élève brusquement pour filmer l’actrice en plongée et faire ressortir dans le cadre le montant d’une porte, un peu comme si le décor écrasait le personnage.


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Une des touches les plus subtiles de cette sequel, c’est d’avoir fait appel au célèbre matte painter Albert Whitlock, qui avait lui-même travaillé à de nombreuses reprises avec Hitchcock sur pratiquement tous ses derniers films. Whitlock était à l’époque un artiste reconnu, c’était une des petites célébrités d’Universal, et il avait même le droit – fait rarissime dans la profession – d’être crédité sur l’affiche du film en tant que responsable des “effets visuels spéciaux”.

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Ses contributions au film sont discrètes, comme par exemple l’ajout d’un arrière-plan au décor du motel, ou a surimpression d’un ciel d’orage sur le désormais célèbre panorama de la maison.


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Il y a également des effets plus spectaculaires, comme cette plongée à la verticale sur la maison. Le seul élément réel est l’actrice qui court.

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La Musique

vlcsnap-2014-08-05-22h06m21s45Élement primordial du film d’Hitchcock, la musique de Bernard Herrmann pour Psycho était elle aussi unique en son genre. Composée pour un orchestre uniquement composé de cordes, c’était une partition novatrice qui est vite devenue un classique de la musique de film. Succéder à un tel chef d’œuvre n’était pas chose aisée, et les producteurs ont eu la bonne idée de faire appel à Jerry Goldsmith. Le compositeur était alors dans une phase de sa carrière où il commençait à expérimenter avec les synthétiseurs, tout en restant fidèle à une approche plus organique des ambiances, en utilisant des percussions. D’emblée, ce qui frappe à l’écoute de la partition, c’est la justesse avec laquelle Goldsmith résume en quelques notes le caractère de Norman Bates. Il le fait par le biais d’un très beau thème, à la fois fragile et émouvant.

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C’est la musique qui nous aide à accepter le parti-pris du film, le fait que Norman soit davantage une victime qu’un véritable meurtrier, et on raconte qu’Anthony Perkins a été ému aux larmes lorsqu’il a entendu une démo du thème pour la première fois.

Mais outre cette grande sensibilité, c’est dans ses aspects en clair-obscur que la musique s’impose. Personne ne sait mieux que Goldsmith faire dérailler une mélodie avec de petites touches d’étrangeté, qu’elles soient synthétiques ou orchestrales. La partition regorge de crescendos inquiétants, à l’instar du superbe It’s Not Your Mother, qui commence sur de simples notes de piano pour lentement faire naitre l’angoisse, avant de se clôturer dans une extraordinaire furie orchestrale. Comme bien souvent dans sa filmographie, le compositeur livre une composition à la fois intense et nuancée pour une mise en scène qui reste constamment au ras des pâquerettes.

 

PsychoIIL’album original de Psycho II était plutôt représentatif du contenu musical du film. Compte tenu des contraintes imposées par le vinyl, Goldsmith avait assemblé un album plutôt cohérent, même s’il était trop court et s’il laissait de côté certains morceaux.

Le CD est par contre devenu une pièce de collection, et fort heureusement, le label Intrada a récemment édité une superbe intégrale de la partition, qui rend enfin justice à toutes ses petites nuances. Le CD est toujours disponible sur le site de l'éditeur.