lundi 27 avril 2015

Big Eyes

Film de Tim Burton (2014), avec Amy Adams, Christoph Waltz, Krysten Ritter, Jason Schwartzman, Danny Huston, etc…

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Du Tim Burton sans Tim Burton dedans ? On prend ! Après tout, pourquoi les réalisateurs n'auraient ils pas le droit, de temps en temps, de signer un film atypique, qui les sorte du moule un peu trop étriqué que le succès populaire leur a construit ? Burton, c'est bien et je suis le premier à applaudir ses divagations comico-gothiques mais le fait est que ca avait tendance à devenir un peu tout le temps la même chose.

 

vlcsnap-2015-04-25-22h29m47s252Or le bon Tim sait faire autre chose, comme il l'a prouvé avec Big Fish ou le magnifique Ed Wood. Justement, ça tombe bien, ce sont les scénaristes de ce dernier qui ont œuvré sur Big Eyes, une histoire de faussaire inspirée de faits réels. Déjà, rien que le choix du sujet, ça vous calme d'entrée de jeu, car on voit mal ce qui a bien pu parler au réalisateur dans ce projet définitivement inhabituel. Mais sachant que Burton peut être excellent quand il sort des clous, ça donnait quand même envie d’aller y jeter un œil.

 

 

 

 

vlcsnap-2015-04-25-23h10m24s248Et la mise en scène, très appliquée et sans fioritures, est au diapason : pas de plans délirants ou de direction artistique too much. Dans ces années 50 impeccablement reconstituées, l'histoire de Margaret Keane, dépossédée de la célébrité par un mari retors, reste du début à la fin très tenue et maitrisée. Les traits d'humour sont rares et toujours en rapport avec le sujet et s'il n'y avait pas le cabotinage parfois exaspérant de Christoph Waltz, on se croirait presque dans une comédie sentimentale lambda.

 

 

 

 

vlcsnap-2015-04-25-22h34m38s75Pourtant, Big Eyes fonctionne plutôt bien, sans aucun des maniérismes Burtoniens qui, à force, pouvaient virer à la mauvaise caricature. Porté par le jeu impeccable d’Amy Adams, d’ailleurs récompensée aux Golden Globes, c’est le beau portrait d’un personnage d’exception, mais aussi un combat pour la reconnaissance, qui devient quelque part symbolique de l’émancipation féminine, à une époque où on préférait voir la femme comme une ménagère modèle. Le film est dirigé avec beaucoup de sensibilité par un Tim Burton qui s’efface complètement derrière son sujet.

 

 


 

C’est à la fois bien et pas bien, parce qu’on aurait bien aimé trouver, comme dans Big Fish, quelques petites bribes de son imaginaire farfelu en filigrane. Et puis il est vrai que sur la fin, Big Eyes voit son rythme se relâcher, notamment pendant la séquence du procès, où Waltz se lâche et en fait des kilotonnes. Donc on se retrouve avec un film couci-couca, plein de bonnes choses et globalement bon, mais dans lequel il manque le petit plus qui en aurait fait une œuvre vraiment personnelle.


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Le Clin d’Œil

La vraie Margaret Keane fait une petite apparition dans Big Eyes. On peut la voir au début du film, pendant la scène tournée au Palace of Fine Arts de San Francisco, en train de lire en arrière-plan d’une scène entre Amy Adams et Christoph Waltz.


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Le générique de fin, qui raconte brièvement les destinées de chacun des personnages, mentionne d’ailleurs le fait qu’elle continue à peindre quotidiennement. Son mari, par contre, n’a pas touché un pinceau depuis le procès !


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samedi 25 avril 2015

Obsession

Film de Brian De Palma (1976), avec Cliff Robertson, Geneviève Bujold, John Lithgow, Stocker Fontelieu, Sylvia Kuumba Williams, etc…

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Brian de Palma et Hitchcock, c'est toute une histoire, et même s'il a su créer son propre style avec des films foisonnants comme Carrie ou Phantom of the Paradise, le réalisateur ne s'est jamais complètement débarrassé de cette image de mauvais imitateur du Maître du Suspense. Cette proximité imprègne Obsession, et fait d'un de ses premiers films une réelle curiosité et une petite merveille.

 

vlcsnap-2015-04-12-11h54m58s24Il faut tout de même savoir qu'à l'époque où Obsession est sorti, plusieurs films d'Hitchcock, et en particulier Vertigo, étaient invisibles pour le grand public à cause de sombres histoires de droits de diffusion. Du coup, le lien entre les deux films était, pour le spectateur, beaucoup plus diffus qu'il ne l'est maintenant. Mais il est évident qu'ils partagent le même sujet : la fascination d'un personnage pour une morte, dont il a été éperdument amoureux et qu'il essaie désespérément de recréer. Pourtant, Obsession arrive malgré tout à trouver son identité propre, ce qui n'est pas une de ses moindres qualités.

 

 

vlcsnap-2015-04-12-12h03m34s50Cela est dû à un scénario qui n’hésite pas à se démarquer du film d’Hitchcock en maniant des idées finalement beaucoup plus perverses qui, si elles n’ont l’air de rien pendant le déroulement du film, prendront une profonde résonnance lors de la conclusion. Durant une des plus belles scènes du film, les deux personnages principaux méditent sur le besoin de préserver le passé et le présent, avec les conséquences dramatiques que cela entraine. Cette idée est le véritable pilier de toute l’intrigue.

 

 

vlcsnap-2015-04-12-12h07m28s98Après des débuts plutôt tonitruants et très baroques (Sisters, Phantom of the Paradise), c'est surtout une sacrée rupture de style pour De Palma, qui délaisse le style très chargé de ses premiers films pour donner une œuvre exagérément romantique et profondément mélancolique. Dans Obsession, la narration progresse lentement, marque le passage du temps, elle prend le temps d'installer soigneusement son intrigue pour mieux ferrer le spectateur dans les dernières minutes.

 

 

vlcsnap-2015-04-12-12h01m57s123Ce côté mélodramatique pourra paraitre maladroit, en particulier à cause de la prestation de Cliff Robertson, qui semble ici mal à l'aise. Mais quelque part, cette tension dans son jeu sert idéalement le personnage de Michael, et répond à ses réactions face à une intrigue qu'il ne maitrise pas totalement. Par comparaison, l'interprétation de Geneviève Bujold, effacée au début, prend petit à petit une ampleur remarquable, qui explose littéralement dans les dernières séquences. Nul doute que cette actrice, à tort sous-estimée, trouve ici un de ses plus beaux rôles.

 

 

vlcsnap-2015-04-12-11h51m50s190Outre le parallèle avec Vertigo, l'ombre d'Hitchcock plane également sur Obsession, par le biais d'une musique somptueuse, signée du grand Bernard Herrmann. Sa partition est un élément essentiel de la réussite du film, et De Palma n'hésite d'ailleurs pas à la mettre au premier plan, un peu comme il l'avait fait dans Sœurs de Sang, comme s'il rendait hommage à la puissance de la composition. A la fois romantique et torturée, la musique d'Herrmann réussit l'exploit de se placer au niveau de ses chefs d’œuvre, ce qui n'est pas peu dire.

 

 

vlcsnap-2015-04-12-12h25m07s193Comme dans tous les films de De Palma, l'intrigue et ses invraisemblances passent au second plan pour permettre au réalisateur de distiller un vrai plaisir de cinéma. Les images feutrées du chef opérateur Vilmos Zsigmond imprègnent le film d’une ambiance douce et éthérée. Obsession est sans doute moins chargé en exploits techniques que certains autres de ses films, mais les quelques rares effets de mise en scène qu’il utilise parlent directement au cœur, que ce soit à travers l'intensité du jeu de Geneviève Bujold ou dans le fabuleux travelling circulaire qui clôt le film.

 

 

C'est une fois de plus paradoxal que, malgré les insuffisances de son scénario, ses rebondissements qui peuvent sembler énormes et ses personnages pas toujours attachants, De Palma réussisse une fois de plus à nous éblouir. Dans un registre inhabituel, le réalisateur réussit brillamment l'exploit de rendre hommage à Hitchcock sans en livrer une copie servile. Obsession est une relecture à la fois passionnante et bouleversante de l’œuvre du Maître du Suspense. Énorme.

 

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Arrêts sur Images

ATTENTION!
Ces focus techniques se concentrent sur la mise en scène de plusieurs séquences-clé du film.
Il va donc de soi qu'ils révèlent des informations importantes sur l’intrigue.
Il est donc souhaitable de ne les lire qu'après avoir vu le film.

 

La Mise en Scène

Plus discret dans ses effets que certains autres films de De Palma, Obsession les garde en réserve pour la dernière partie du film, plus chargée dramatiquement. On retrouve toutefois le style direct et très visuel du réalisateur, qui ne s’embarrasse pas de dialogues inutiles. Il suffit d'un plan rapide sur un revolver camouflé, accompagné d'une discrète ponctuation orchestrale, pour faire naitre le suspense.

 

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Le kidnapping lui-même est montré rapidement, et  il se doit d’être le plus discret possible, afin que Michael, le héros, n’en devine rien. La mère et la fille sont réduites au silence par leurs agresseurs. Mais la scène n'est pas violente, elle se fait presque sur la pointe des pieds, avec là encore une musique omniprésente.

 

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Le message des kidnappeurs, un élément primordial dans l'intrigue, voit son importance accentuée par un travelling avant, qui met carrément le spectateur à la place de Michael Courtland.

 

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On retrouve également à plusieurs reprises un motif habituel de De Palma, qui consiste à faire cohabiter deux actions séparées au sein d’un même plan. C’est un peu une extension de ce qu’il a fait avec le procédé du split screen, et qu’il obtient la plus part du temps avec les objectifs à double focale, ou split diopters. Cela introduit une dimension irréelle dans des plans a priori réalistes, mais permet aussi de mettre l’accent sur des points-clé de l’intrigue, comme la substitution des valises à la banque.

 

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La notion de boucle, qui est la base de tout le film, apparait dans la scène du cimetière. Un panoramique circulaire nous montre l’écoulement du temps, démarrant sur Michael assistant à la construction du mausolée, puis se poursuivant sur le terrassement, avant de se conclure sur le même cadre, des années après.

 

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La première apparition de Sandra est renforcée par une lumière douce et délicate, très diffusée, on dirait presque une vision est issue d’un rêve, renforcée par l’utilisation des cierges en premier plan. C’est presque une apparition angélique, que le réalisateur fait durer en utilisant le ralenti. Et c’est bien évidemment un très gros plan des yeux de Michael qui souligne tout ce qu’il peut éprouver en ce moment précis.

 

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Les citations Hitchcockiennes sont présentes, mais pas de manière intrusive. De Palma a été très critiqué pour imiter le style de Sir Alfred, mais il est clair que dans ses meilleures réinterprétations, il en a parfaitement assimilé toute la substance et l’essentiel. Vertigo est cité dans Obsession de manière particulièrement évidente avec la scène du tableau, qui fait écho à celle du portrait de Carlotta. Mais cette citation s’intègre de manière tellement naturelle dans la narration qu’elle se remarque à peine. Pour la petite histoire, la peinture est l’œuvre de Barton De Palma, le frère du réalisateur.

 

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La révélation de la véritable identité de Sandra est le moment-clé du film, et De Palma l’orchestre de manière particulièrement ingénieuse. Tout d’abord, l’accent est mis sur l’argent, ou plutôt l’absence d’argent, puisque, comme lors de la première demande de rançon, ce sont des faux billets. La caméra reste presque au ras du sol, filmant le personnage de LaSalle comme une présence menaçante. L’accent est d’abord mis sur la réaction violente de Sandra, qui est renforcée par des très gros plans de ses mains et de son visage.

 

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Puis la scène déborde de son cadre, la musique d’Herrmann prend un ton éthéré, presque angélique par l’utilisation des chœurs, et Sandra revit un trauma infantile en appelant désespérément le nom de sa mère. Elle est alors filmée en plongée, suivant cet angle qu'on appelle souvent "le point de vue de Dieu" et qui dans ce cas parait particulièrement approprié. L'efficacité de ce plan est renforcée par le fait qu'un peu plus tôt, la caméra était placée très bas. L'inversion brusque de l'angle de prise de vues renforce visuellement la surprise du spectateur et le désespoir de l'héroïne. Mais c’est également un moyen très subtil de préparer le public à la révélation qui suit, puisque à l’image, Sandra redevient littéralement une enfant.

 

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De manière assez culotée, De Palma utilise Sandra adulte pour illustrer ses souvenirs d'enfant durant le flashback. C’est une idée qui surprend et désoriente le spectateur par son audace, mais qui s’avère très efficace sur le plan dramatique, car il ne subsiste ainsi aucun doute ni aucune ambigüité dans l’esprit du spectateur quant à l’identité de la jeune femme. La révélation intervient d’ailleurs dans un moment dramatiquement très fort, c’est une réminiscence, un souvenir qui parait presque traumatique dans le contexte de la séquence.

 

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Un autre flashback joue subtilement avec l’écoulement du temps, utilisant un travelling latéral pour unir deux actions séparées par bien des années. Sandra se revoit, enfant, emmenée par les kidnappeurs à l’aéroport. La séquence mélange le présent (avec le visage de LaSalle) et le passé (avec celui du  kidnappeur) en utilisant les zones d’ombre du plan et des coupes sur le visage de l’héroïne pour faire la transition.

 

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L’effet spécial de Vertigo, le travelling compensé, est réutilisé de manière très habile. Cette combinaison de zoom avant et de travelling arrière provoque une déformation de la perspective. Elle est ici associée à un discret mouvement d’appareil vers le haut, qui a pour effet de faire “rapetisser” Sandra dans le cadre. L’illusion est complétée par un plan où les deux kidnappeurs regardent vers le bas. C’est le spectateur qui fait le lien visuellement entre Sandra enfant et ses ravisseurs, un effet subtil, qui doit beaucoup de son efficacité au jeu formidable de Geneviève Bujold, qui redevient littéralement une enfant sous nos yeux.

 

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La scène la plus intense et la plus formidable d’Obsession, c’est bien évidemment la confrontation finale entre Michael et Sandra, car elle manie avec une maestria formidable plusieurs idées très fortes. Tout d’abord, le public sait que Michael est déterminé à se venger de la manière la plus violente possible et De Palma insiste sur la présence du revolver, puis crée un élément de suspense en faisant intervenir un policier. On notera que tout est fait pour dilater l’action au maximum et retarder la conclusion.

 

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Ce sentiment est amplifié par l’utilisation du ralenti. Juste au moment où l’action devrait s’accélérer, le réalisateur choisit de retarder encore plus le dénouement et de relancer le suspense. Mais outre le fait de jouer avec l’attente du public, le procédé est capital pour saisir les différentes expressions qu’adopte le visage de Sandra, qui s’abandonne, se lâche littéralement alors qu’elle se sait démasquée. Là encore, c’est une ahurissante performance d’actrice de la part de Genevieve Bujold, qui porte sur ses épaules le contenu émotionnel très fort de la scène. On notera d’ailleurs que le cadrage sur Michael est beaucoup plus distant, alors que celui de Sandra insiste sur les expressions de son visage.

 

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Le film se conclut sur une autre figure favorite de De Palma : le travelling circulaire, dont l’intérêt est double. Tout d’abord, il fait écho à la valse de Michael avec sa fille au début du film. Ensuite, elle renforce le vertige d’une situation émotionnellement très forte. Son utilisation dans Obsession est d’autant plus appropriée qu’il était primordial de montrer le visage de Michael lors de la révélation, qui est très lourde de sens, puisqu’elle n’éclipse pas l’aspect incestueux de l’intrigue. Cliff Robertson passe, en l’espace de quelques minutes, par diverses expressions qui traduisent à la fois la haine, la surprise, l’égarement, l’incompréhension, puis la joie. C’est un instant d’exception, un très grand moment de cinéma, l’un de ces plans magiques qui capturent autant une situation que son contexte émotionnel.

 

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La Musique

vlcsnap-2015-04-12-11h44m53s113Tout autant que le scénario ou la mise en scène, la musique de Bernard Herrmann est l’une des composantes essentielles d’Obsession. C’est presque un hommage que rendrait De Palma à ce musicien fantastique, tant la musique occupe le premier plan, formidablement mise en valeur dans des séquences pratiquement muettes. A l’époque, Herrmann, qui avait mal vécu la fin de sa collaboration avec Hitchcock, s’était exilé à Londres, et le réalisateur l’avait retrouvé par l’intermédiaire d’un de ses producteurs, Edward Pressmann. La suite, on la connait : la carrière d’Herrmann trouvera un bref second souffle avec des œuvres comme Sisters ou Taxi Driver, qui permettront au compositeur de travailler avec la nouvelle génération de cinéastes Hollywoodiens.

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Tout comme Vertigo, la musique d’Obsession est sombre et tragique, construite autour du motif de la valse, un élément récurrent dans la thématique du film. C’est elle qui donne corps aux sentiments du héros, qu’elle soit agitée et changeante (comme dans la séquence du ferry) ou posée et romantique. C’est toujours elle qui véhicule l’émotion, comblant du même coup le jeu trop effacé de Cliff Robertson. Geneviève Bujold avouera d’ailleurs à Herrmann qu’il avait réussi avec sa musique à véhiculer des émotions qui étaient absentes chez son partenaire. A l’écoute, il est clair que le compositeur avait tissé un lien particulièrement fort avec le film et on rapporte qu’il était en larmes lorsqu’il l’a vu pour la première fois avec sa musique.


 


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Au niveau de son édition discographique, Obsession a bénéficié d’une parution sur vinyle sur le label Decca, au moment de la sortie du film. Le disque, conçu par Herrmann, reprenait tous les temps forts de la partition, arrangés sous forme de suites, et en proposait un panorama très complet. Le CD a été édité en 1989 dans une édition limitée, et récemment, la partition a bénéficié d’une édition définitive grâce au label français Music Box (cocorico!). Sur ce double album, on pourra donc trouver sur un disque, la partition telle qu’utilisée dans le film, tirée des masters stéréo, et sur le deuxième CD l’album Decca original, remasterisé pour l’occasion, le tout accompagné d’un livret très complet. Une édition à ne pas manquer, mais attention, quand même limitée à 3000 exemplaires, et toujours disponible sur le site de l'éditeur.


 

 

En vidéo

obsdvdUn peu boudé à sa sortie, et pas aussi spontanément reconnu par le grand public que Carrie ou Phantom of the Paradise, Obsession a même été distribué un peu bizarrement en France, les droits ayant été récupérés par un indépendant, Marceau-Cocinor, alors que le film était distribué par la Columbia. Ayant acquis au fil des ans une certaine réputation, c’est tout naturellement qu’une édition DVD très soignée a été publiée en 2002.


On y trouve un excellent documentaire rétrospectif, Obsession Revisited, une fois de plus signé Laurent Bouzereau, qui regroupe les interventions de Brian De Palma, Cliff Robertson, Geneviève Bujold, le producteur George Litto, le chef opérateur Vilmos Zsigmond et surtout le monteur Paul Hirsch. C’est à ce dernier que l’on doit les passages les plus émouvants, lorsqu’il évoque sa collaboration avec Bernard Herrmann, décédé peu de temps après le tournage. Le film lui-même est présenté dans un remix 5.1 qui profite surtout à la musique, la bande son d’origine ayant été mixée en mono.


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obsbrLe blu-ray, publié en France par l’éditeur Wild Side, reprend le documentaire de Bouzereau, agrémenté d’une présentation du film par Samuel Blumenfeld, qui analyse avec beaucoup d’acuité les différents thèmes du film ainsi que sa place dans l’œuvre de De Palma. En complément, on trouve deux court-métrages du réalisateur. The Responsive Eye, un point de vue assez réussi sur une expo d’art moderne à New York, et Woton’s Wake, un délire plutôt hermétique dont l’intérêt est plutôt anecdotique. Le transfert image respecte assez bien la photographie ouatée de Zsigmond et la partie son s’avère tout à  fait respectable, même s’il ne faut pas en attendre une bande-son de démo.

dimanche 19 avril 2015

Un Illustre Inconnu

Film de Mathieu Delaporte (2014), avec Matthieu Kassovitz, Marie-Joséz Croze, Eric Caravaca, Siobahn Finneran, Philippe Duclos, etc…

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Joli pari pour l'équipe du Prénom que ce deuxième film atypique et étrange. C'est même plutôt culotté après un gros succès national que d'enchainer avec un projet à contre-courant des modes et surtout, avec un sujet aussi casse-gueule et peu vendeur que celui-ci. Déjà, rien que pour ça, cet Illustre Inconnu mérite toute notre sympathie.

 

vlcsnap-2015-04-17-12h41m16s129Le film, froid et bizarre, déconcerte d'emblée : on y découvre Matthieu Kassovitz dans le rôle d'un agent immobilier timide et effacé, qui a pour hobby de se maquiller et de prendre littéralement la place de parfaits inconnus. Toute la première partie déconcerte et surprend. Pour une fois, tout n'y est pas mâché d'avance et le mystère s'installe de manière assez intrigante et subtile.

 

 

 

vlcsnap-2015-04-17-12h44m36s89Ensuite, l'histoire prend un tour plus conventionnel, et se raccroche à une narration plus classique. Kassovitz se lie d'amitié avec un musicien vedette qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau et le scénario se recadre vers des sentiments beaucoup plus classiques, où il est question d'amour contrarié, de recherche du père, de relation filiale. Sans déflorer l'histoire, il y a même une scène assez surprenante qui place le héros face à sa famille dans un contexte assez particulier.

 

 

vlcsnap-2015-04-17-12h40m07s187Avec autant de cartes en main, on enrage un peu de voir le film patiner au fur et à mesure de son déroulement, pour se conclure de manière assez décevante au final. Certes, Un Illustre Inconnu va jusqu'au bout de son idée, mais le public, qui s'attend tout de même à trouver un semblant d'explication en guise de conclusion, reste sur sa faim. C'est aussi sans compter les invraisemblances parfois énormes (la scène du commissariat) qui manquent de tout foutre par terre. A trop vouloir faire dans le portrait ascétique et inexpliqué, on reste à la surface des choses.

 


C'est donc dans la description clinique et glaçante de son héros inhabituel que le film surprend et réussit le mieux. Ca change du tout-venant de notre production hexagonale, mais avec un scénario un tantinet plus fouillé sur le plan psychologique et davantage de réalisme, on aurait vraiment tenu un thriller de haute volée. Râlant.


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dimanche 12 avril 2015

La French

Film de Cédric Jimenez (2014), avec Jean Dujardin, Gilles Lellouche, Céline Sallette, Mélanie Doutey, Benoit Magimel, etc…

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Depuis le carton de La Môme, la France n'hésite plus à miser sur des biopics high profile, même s'ils sont moins glamour que celui de Piaf. On a eu Mesrine, et avec La French, le genre s'enrichit avec finesse puisqu'en plus de raconter le combat du Juge Michel, le film en profite pour brosser le portrait du grand banditisme marseillais. Bref, on a largement la matière pour un concentré de thriller qui louche volontiers vers les grandes épopées criminelles façon Scorsese.

 

vlcsnap-2015-04-10-13h47m51s194Justement, le film de Cédric Jimenez ne cherche jamais à en rajouter dans les clichés propres au genre. On a un peu peur lors de la scène d'introduction du grand méchant joué par Gilles Lellouche, durant laquelle il punit l'un de ses hommes, coupable de détournement de drogue. Le réalisateur nous la fait façon Les Affranchis, avec un Lellouche qui se délecte du petit dialogue qui va bien. Fort heureusement, La French se démarque de ce modèle un peu encombrant pour imposer son propre style.

 

 

vlcsnap-2015-04-10-13h55m27s122Le film garde un certain réalisme par le biais de scènes de violence très sèches et jamais excessives. De même, les personnages ont une réelle épaisseur humaine assez peu courante dans le genre, et ne sont pas tranchés comme c’est trop souvent le cas. La French sait retenir toutes les leçons du thriller seventies sans jamais devenir caricatural ou cousu main. Ce n'est pas du Friedkin, mais le film sait imposer un style tranquille qui lui donne petit à petit des allures de saga, et même s'il accuse un petit coup de mou et quelques longueurs sur la fin, le talent des acteurs (Céline Sallette en tête) embarque le morceau.

 

 

La French est donc le prototype d'un cinéma grand public, qui sait à la fois divertir et rendre justice à sa source d'inspiration en restant constamment à taille humaine et en évitant les clichés habituels. Avec des personnages nuancés (le juge Michel, dans son obsession, n’est pas si éloigné de celui qu’il traque), voilà la preuve qu'on peut faire dans le thriller en respectant les faits et sans forcément tomber dans le divertissement décérébré.

 

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vendredi 3 avril 2015

Astérix : Le Domaine des Dieux

Film d’Alexandre Astier et Louis Clichy (2014), avec les voix de Roger Carel, Lorant Deutsch, Alain Chabat, Elie Semoun, Florence Foresti, etc…

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C'était quand même pas bien compliqué, à se demander pourquoi on s'est emmerdés à faire des films avec acteurs, alors que le domaine du petit gaulois, c'est quand même bien le dessin animé. Parce que franchement, si l'on met de côté le Chabat (d'ailleurs chroniqué ici-même), les autres, c'était plutôt la cata. Outre des erreurs de casting monumentales (Clavier, Cornillac ou Edouard Baer dans le rôle titre, c’est juste pas possible), les films live n'avaient jamais réellement saisi l'esprit de la B.D.

 

vlcsnap-2015-04-01-22h51m00s196Donc à l'annonce d'un film d'animation en images de synthèse, on était à moitié convaincu. Oui, le concept était ingénieux et le film prolongeait intelligemment l'approche du Tintin de Spielberg en utilisant des personnages en volume… Mais il y avait quand même Alexandre Astier dans l'histoire et bon, vu qu'on n'était pas franchement des fans hardcore de Kaamelott, ça n’était pas gagné d’avance, loin de là. La série de M6 avait a priori peu de choses en commun avec l’esprit de Goscinny, et on avait un peu peur que son humour parasite le film, un peu comme l’esprit Canal avait contaminé Mission Cléopatre

 

 

 

vlcsnap-2015-04-01-22h52m57s42Eh bien non, ouf ! Fort heureusement, tous les a priori qu’on pouvait avoir sont balayés sous le tapis dès les premières minutes. Une animation qui pourrait sans mal en remontrer aux grosses pointures US, un rythme sans faille, pas de doute, on a bel et bien retrouvé Astérix ! De plus, on a eu la bonne idée de choisir un album pas très connu, mais au sujet ingénieux, qui permet au film de jolis parallèles contemporains. L’urbanisation à outrance et l’exploitation commerciale sont gentiment moqués. Ça fait un peu sourire quand on voit tout le merchandising qui s’est développé autour du petit gaulois, il est clair que l’histoire était peut-être plus pertinente lors de sa parution qu’elle ne l’est maintenant.

 

 

 

vlcsnap-2015-04-01-22h53m31s202Un seul regret, et il est de taille : le casting vocal est malheureusement un peu en décalage avec la qualité du film. Bon point, Roger Carel, malgré ses 87 ans, a repris du service pour la voix d’Astérix, mais pour le reste, franchement, on mesure combien des acteurs comme Pierre Tornade ou Micheline Dax manquent cruellement à l’heure actuelle. Si les intonations pourront effectivement faire sourire les fans de Kaamelott,qui retrouveront les acteurs de la série, elles ne sont pas franchement réussies ni assez typées, comme celle d’Obélix, qui est complètement ratée. On reconnait à peine Chabat ou Foresti, et Semoun est un peu usant à force de ressortir son numéro habituel.

 

 

 

vlcsnap-2015-04-01-23h09m47s170Mais bon, ce n’est qu’un petit défaut par rapport au plaisir que procure le film. L’action est savamment dosée et l’intrigue intelligemment construite, même si certains parti-pris peuvent paraitre un peu superflus. Le personnage du gamin, en particulier, parait assez artificiel. Ses rapports avec Obélix introduisent une dimension sentimentalo-neuneu qui sonne faux, le genre de moment d’émotion artificiel qui semble inévitable dans les films pour enfants à l’heure actuelle. C’est bien peu de chose par rapport aux bonnes choses que contient le film. Ceux qui comme votre serviteur étaient fans de la période Goscinny et s’achetaient les albums avec leur argent de poche (mon Dieu, ça nous rajeunit pas !) retrouveront intact l’esprit des premiers albums.

 

 

C’est donc à une bonne grosse bouffée de nostalgie que nous convie ce Domaine des Dieux, qui se désigne clairement comme la meilleure des adaptations cinématographiques de notre gaulois favori. Certes, le film a ses petits défauts, ses égarements et ses concessions, mais quelque part, la magie opère à fond et voir les héros de notre enfance trouver une nouvelle vie en numérique est une expérience unique, à la fois touchante et délicieuse.

 

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Le Générique

Pas de lézard à ce niveau-là au moins : si le film ressemble beaucoup, dans son approche de l’animation, au Tintin de Spielberg, cette similitude est encore plus forte quand on compare les génériques des deux films. On y retrouve Astérix en ombre chinoise, mais là où Spielberg rendait un petit hommage à l’univers de son héros en incluant des objets ou des décors qui en étaient issus, Le Domaine des Dieux se base sur une approche plus graphique. C’est le bouclier romain, décliné sur plusieurs formes, qui sert de motif récurrent, sur la musique très punchy de Philippe Rombi. Une jolie création du studio TimTom Films, sous la direction de Romain Segaud.

 

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