jeudi 14 décembre 2017

Instinct de Survie

(The Shallows)

Film de Jaume Collet-Serra (2017), avec Blake Lively, Oscar Jaenada, Sedona Legge, Brett Cullen, Chelsea Moody, etc…

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Comme le savent bien les lecteurs de ce magnifique blog, Jaws est insurpassable dans ce sous-genre qu’est le “film de requins”. Si on voulait taquiner la frange de cinéphiles purs et durs, on pourrait même dire qu’il est insurpassable en matière de cinéma tout court, mais bon, ça, c’est une autre histoire. Toujours est-il que lorsque ce The Shallows a débarqué avec sa réputation de thriller top moumoute avec un requin dedans, le Strapontin ne pouvait que douter du potentiel de ce petit film venu de nulle part, qui osait venir chasser sur les terres de tonton Spielberg.


 

vlcsnap-2017-12-12-22h06m20s129En plus, comme par chez nous, on aime bien vérifier les étiquettes avant d’acheter, on ne pouvait ignorer que le réalisateur n’était autre que Jaume Collet-Serra. Outre son patronyme qui évoque volontiers des danses lascives au bord de la plage, le bonhomme est aussi l’auteur du fameux Non-Stop, dans lequel Liam Neeson traquait un terroriste dans un avion à grands coups de SMS. Un film qui commençait plutôt bien, pour se terminer dans le n’importe quoi le plus absolu (la chronique est d’ailleurs dispo ici sur votre blog favori). Bref, comme on dit sur le bord de mer, drapeau orange et vigilance requise.



vlcsnap-2017-06-16-14h07m48s71Finalement, on va dire que ce thriller balnéaire s’en sort plutôt bien, mieux que le machin avec Liam Neeson qui se croyait obligé de faire du Taken. Le film mélange les genres et reprend plusieurs ingrédients à droite à gauche, c’est entendu. C’est autant un survival movie qu’un film d’action, on y fait un petit clin d’oeil à Seul au Monde, en remplaçant le ballon Winston par une mouette. Avec, bien entendu, les obligatoires flashbacks qui nous expliquent comment l’héroïne a abouti sur cette plage, etc, etc. Et comme on ne se refait pas, Collet-Serra nous ressort ses petites incrustations de SMS  ou de chronomètres, ça fait plus branché et ça nous épargne, mine de rien, une scène explicative en plus.



vlcsnap-2017-12-12-21h55m32s34Juste histoire de bien enfoncer le clou, le requin va bouffer un surfeur (et pas qu’à moitié, bel effet gore garanti). Après, c’est un enchaînement de situations dans lesquelles la jeune héroïne va risquer sa vie : pour fuir un rocher menacé d’engloutissement par la marée, pour récupérer la go-pro du surfeur qui a fini en sushi, pour atteindre la bouée. Bref, autant de micro-séquences à suspense qui étoffent l’histoire, tout en gardant le squale pas trop en vue. Sur ce plan, le réalisateur a bien retenu la leçon de Spielberg et n’abuse pas des effets de synthèse pour montrer la bête. La peur vient davantage des dégâts qu’elle cause, et c’est plutôt une bonne chose.



vlcsnap-2017-06-16-14h10m52s120Bon, bien sûr, dans la dernière ligne droite, on y va à fond, sans s’embarrasser de la crédibilité. C’est normal, même le brave Steven a fait pareil. Donc Jaime Collet-Serra y va franco, mais sans pour autant verser dans la surenchère. En soi, l’astuce pour éliminer le requin est un peu crétine, mais peu importe, celle de Jaws l’était toute autant. L’important, c’est que la logique du spectacle et du feu d’artifice final soit respectée sans trop en faire, et il faut reconnaître que sur le plan, The Shallows sait rester dans les clous et ça, c’est plutôt bien.




Donc à une époque de blockbusters hypertrophiés, ce petit suspense ne cherche ni à marcher dans les traces de son prestigieux prédécesseur, ni à en faire des caisses histoire d’en mettre plein les mirettes. Constamment lisible, bien construit et prenant, The Shallows est un exemple de thriller réussi, dont l’efficacité n’a d’égale que la concision. Plongez !



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jeudi 7 décembre 2017

Alliés

(Allied)

Film de Robert Zemeckis (2016), avec Brad Pitt, Marion Cotillard, Lizzy Caplan, Jared Harris, Matthew Goode, etc…

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Décidément, Robert Zemeckis n’est jamais où on l’attend. Après le suprenant The Walk, le voilà qui s’attaque à un bon vieux mélo des familles, avec des têtes d’affiche top moumoute, bref pas vraiment le projet sur lequel on l’imaginait. Car en définitive, ce que le grand public retiendra de cet Allied, c’est davantage le fait que le beau Brad ait pulvérisé son mariage en roucoulant avec Marion Cotillard, plutôt que le film lui-même. Parce que, pour être honnête, Allied ne révolutionne vraiment pas la filmographie du réalisateur.

vlcsnap-2017-06-14-14h51m50s76A une époque où les trois-quarts des films se font sur des études de marché, en visant des cœurs de cible bien précis, on est un peu surpris que les grands studios aient misé sur ce retour au grand film d’aventures romanesque. D’autant plus qu’un metteur en scène comme Paul Verhoeven lui avait  récemment filé un sacré coup de fouet avec son excellent Black Book. Donc voir Brad et Marion jouer les espions pendant la guerre, ça laissait un peu songeur quant au contenu.

 


 

vlcsnap-2017-06-14-14h58m10s20Et effectivement, il ne faut pas s’attendre à un feu d’artifice de ce côté-là, mais plutôt à un défilé de toutes les figures imposées du genre. Mission secrète, histoire d’amour contrariée, trahison : tous les ingrédients sont au rendez-vous, mais la mayonnaise a du mal à prendre. Pitt et Cotillard ne sont pas franchement mauvais, la mise en scène de Zemeckis non plus, mais on a l’impression que le film est plus préoccupé à suivre un schéma et à fabriquer du mélo qu’à faire naître une véritable émotion. Les personnages ne sont ni plus ni moins que des stéréotypes dans ce qui se voudrait une recréation des grands classiques façon Casablanca.

 

 

vlcsnap-2017-06-14-14h54m09s183Bien évidemment, Zemeckis ne loupe pas une occasion de s’imposer des défis techniques, on le connaît trop bien pour ça. Ici, en l’occurrence, c’est une scène d’amour dans une voiture, avec un travelling circulaire autour de nos deux tourtereaux. En temps normal, une scène pareille aurait mis le feu, elle aurait apporté au contenu romanesque du film. Ici, elle ne fait que renforcer la platitude et le côté fabriqué du reste, car on sent bien, malgré l’habileté des effets spéciaux, que tout cela a été pas mal bidouillé en post-production.

 

 

 

vlcsnap-2017-06-14-15h00m31s168Dans un mélo flamboyant, cela n’aurait pas été gênant, car quelque part, cet aspect artificiel serait devenu une composante du spectacle. Sauf que là, entre jeunes premiers un peu coincés et péripéties pas vraiment palpitantes, l’étincelle a du mal à jaillir. Dans sa seconde partie, Allied mise sur le suspense et rebat les cartes pour nous intéresser un tant soit peu aux personnages, mais c’est un peu tard. On ne s’est pas vraiment attachés à eux avant, donc mis à part fournir la matière à une conclusion pernicieuse, ce n’est certainement pas cet ultime rebondissement qui fera décoller le film.

 

 

C’est vraiment dommage, car Zemeckis est quand même un des rares anciens à pratiquer un cinéma à la Spielberg, qui respecte une certaine approche de la mise en scène sans se vautrer dans les tics des gros films actuels. C’est un plaisir, par exemple, de pouvoir profiter d’une partition musicale décente et adaptée, même si Alan Silvestri a fait bien mieux auparavant. C’est ce savoir-faire qui, en définitive, sauve les meubles dans Allied et en fait un spectacle agréable, à la place du mélo passionné qu’il aurait voulu être.

 

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mercredi 29 novembre 2017

Le Casse

Film d’Henri Verneuil (1971), avec Jean-Paul Belmondo, Omar Sharif, Dyan Cannon, Robert Hossein, Nicole Calfan, etc…

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Quand j’avais 10 ans, Bébel était mon héros, et ce n’est pas sans une pointe de nostalgie que je me souviens de l’époque de la sortie du Casse. Je ne sais plus très bien ce qui avait motivé cet engouement pour notre star nationale, mais tout ce que je peux dire, c’est que j’ai sérieusement empoisonnée la vie de mon entourage avec ce fichu film. Je tiens donc à rendre hommage à la patience de mes parents qui ont mangé du Casse à toutes les sauces, ingurgité la musique de Morricone à hautes doses et ont été obligés d’aller voir le film en salles le soir même de sa sortie. Voilà, c’est dit.


vlcsnap-2017-12-02-23h17m40s8Donc, forcément, à revoir le film aujourd’hui, je m’en veux un peu d’avoir infligé à mes proches un tel bourrage de crâne, et ceci d’autant plus que Le Casse est loin d’être, non pas un chef d’œuvre, encore moins une date dans l’histoire du cinéma. C’est même, il faut bien l’admettre, l’un des moins bons films d’Henri Verneuil. Donc tout ça pour ça. On peut dire que la machine publicitaire avait, à l’époque, parfaitement rempli son rôle en transformant en évènement un polar plutôt banal.




vlcsnap-2017-12-02-23h11m12s233Car on ne peut pas vraiment dire que Le Casse innove particulièrement. Au contraire, il est tout entier organisé autour de sa star, au gré d’un scénario pas vraiment palpitant. Pourtant, Verneuil n’a pas tapé n’importe où. Le film adapte en effet un roman ultra-noir de David Goodis, dont on ne peut pas dire qu’il reste grand’chose dans le produit final. Pratiquement rien, en fait. L’odyssée nihiliste de petits braqueurs minables se transforme en cambriolage hi-tech,assaisonné de poursuites à pied ou en voiture dans les rues d’Athènes.




vlcsnap-2017-12-02-23h18m54s174Dans un sens, Belmondo remplit pleinement son contrat et se donne à fond. On est encore estomaqué par cette cascade invraisemblable qui le voit dévaler une pente vertigineuse au beau milieu de gravats énormes qui le loupent d’un poil. Ca ne sert pas vraiment le film, mais c’est finalement grâce à des moments comme celui-ci que Le Casse s’est bâti sa réputation. Rémy Julienne et son équipe mettent les petits plats dans les grands pour une poursuite en voiture échevelée, dont on sent à chaque instant qu’elle essaie de surpasser ce qui pouvait se faire de mieux à l’époque.




vlcsnap-2017-12-02-23h13m16s170L’intrigue, quant à elle, paraît bien mince. Omar Sharif joue plutôt bien les flics ripoux, même si on ne le sent pas complètement à son aise dans son personnage. Son face-à-face avec la gouaille insolente de Bébel donne les meilleures scènes du film, bien qu’on déplore, là encore, l’absence d’un Audiard au travers de dialogues assez convenus. Le film s’autorise aussi quelques légers dérapages érotiques parfaitement gratuits qui paraissent aujourd’hui particulièrement datés et ridicules. Pas de commentaire sur la prestation gentiment nulle et carrément potiche de Dyan Cannon, dont on se demande encore comment elle a pu faire carrière.



vlcsnap-2017-12-02-23h07m57s56En bout de course, le bilan est donc plutôt mince. Le film assure juste le minimum syndical en matière de scénario, et devient vite un prétexte pour enquiller toute une ribambelle de séquences d’action. La réalisation de Verneuil est carrée mais impersonnelle, elle met parfaitement en valeur les exploits sportifs de son héros, au détriment de la crédibilité d’ensemble. Le Casse finit par ressembler à une énorme bande dessinée, tant tout y est caricatural, en particulier ce cambriolage, le fameux “casse” du titre, dont l’attirail technologique de pointe vous vaudra certainement un bon moment de rigolade. Bien davantage d’ailleurs que les quelques apartés comiques qui tombent, eux, complètement à plat.



Mais bon, il y a des choses qui ne se commandent pas. N’importe quel admirateur de Morricone vous dira que sa musique compte parmi ses plus médiocres, il n’empêche que ses accords marqués au piano, sur fond de générique stylisé à l’américaine, me chatouillent encore l’épine dorsale. Donc même si Le Casse n’est en fait qu’un polar très conventionnel tout à la gloire de notre Bébel national, certains souvenirs ont la vie dure. Il m’est donc difficile d’être complètement objectif au sujet d’un film qui a, à sa manière, compté dans ma vie de cinéphile. Même si, en l’occurrence, les souvenirs qui l’entourent ont davantage de prix que le film lui-même.


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Le Générique

On ne parle pas assez souvent des créateurs de génériques français et c’est injuste. Car même si leur travail n’égale pas celui d’un génie comme Saül Bass, il existe tout de même des artistes qui ont apporté leur touche personnelle à bien des films. Michel François et sa compagnie, fort justement baptisée … les Films Michel François, a ainsi collaboré avec Truffaut, Tati, Verneuil ou Oury. Je peux même dire que ses créations ont fait partie de mon enfance de spectateur. Des créations qui peuvent paraître simples à réaliser à l’heure actuelle, mais qui, à l’époque, nécessitaient un travail monstrueux sur les incrustations, animations et autres effets visuels, qui n’étaient pas encore très en vogue en France.


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Le principe du générique du Casse est simple : une image teintée en rouge sur laquelle se découpe un rond, tel le viseur d’une arme à feu. Ca donne un petit côté James Bond à une ouverture plutôt dépouillée et merveilleusement rythmée par la musique de Morricone. A noter que le générique repend le logo du titre tel qu’il apparaît sur l’affiche, créée par le fameux René Ferracci.


La Version Américaine

vlcsnap-2017-12-01-23h09m44s73Et oui, cela peut paraître surprenant, mais à la fin des années 60, plusieurs films bien de chez nous ont été tournés simultanément en anglais. Attention, pas simplement doublés in english, mais carrément tournés dans la langue de Shakespeare, dans le but de mieux se vendre à l’international. Des films comme La Piscine, Le Clan des Siciliens ou Le Cerveau existent donc dans une version américaine, comme l’explique le documentaliste Jérôme Wybon dans les bonus du récent blu-ray. Et l’un des suppléments les plus intéressants de cette nouvelle édition, c’est justement la présentation de ce montage U.S., qui présente quelques petites différences avec l’original.



vlcsnap-2017-12-03-18h42m47s53D’abord, ce n’est pas Belmondo qui apparaît en premier au générique, mais Omar Sharif. Ensuite, la poursuite de voitures est raccourcie de quelques plans. Enfin, le final dans le silo à grains est monté différemment, et on zappe (à raison) le gag final (raté) avec le poulet. Il est également à noter que notre Bébél national est doublé par un autre comédien, son accent américain n’étant pas suffisamment bon pour les besoins du film (on voit d’ailleurs dans les suppléments un comparatif entre sa vraie voix et la voix doublée).





Le Blu-Ray

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Le Casse était l’un des titres les plus mal servis de la filmo de Belmondo en matière de DVD, avec un transfert pas terrible qui datait de Mathusalem. L’éditeur L’Atelier d’Images a eu la bonne idée de lancer une opération de financement participatif sur internet pour monter son projet. Et le fait est que cela a plutôt bien marché, puisqu’il est parvenu très vite à réunir les fonds pour cette belle édition collector. Sans vouloir faire dans l’avalanche de bonus, Le Casse propose quelques petites raretés, comme un reportage de la télévision belge sur le tournage du film, qui propose de nombreuses images du tournage et des interviews avec Verneuil et ses acteurs.





Il y a également le montage américain du film, ainsi qu’un comparatif entre les deux versions. La cerise sur le gâteau, c’est une interview du chef cascadeur Rémy Julienne, qui revient sur les nombreuses poursuites et les exploits sportifs - parfois insensés - de Belmondo. La qualité de transfert est également au rendez-vous, il y a même, en bonus, une adaptation en B.D. assez curieuse. Bref, voici un éditeur à suivre avec attention et une édition hautement recommandable, même si le film en lui-même l’est beaucoup moins.


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mardi 21 novembre 2017

C’était Demain

(Time After Time)

Film de Nicholas Meyer (1979), avec Malcolm Mc Dowell, David Warner, Mary Steenburgen, Charles Cioffi, Kent Williams, etc…

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Le voyage dans le temps, en soi, c’est un sujet en or. Et pour cause : quand on tient une idée aussi folle, on peut se permettre de se lancer dans des variations aussi infinies que délirantes. On joue avec les paradoxes spatio-temporels ou avec des situations qui sont connues de tous, tout en leur ajoutant cette petite pincée de “et si…”, qui aurait pu changer le cours de l’Histoire. Ou mieux, on prend deux personnages bien réels et on les balance dans le temps. C’est le postulat malin et carrément génial de ce Time After Time.



vlcsnap-2017-11-27-19h07m50s168Imaginons en effet que H.G.Wells, le célèbre romancier, ait réellement construit la machine à remonter le temps qu’il décrit dans ses romans. Imaginons que parmi ses connaissances se trouve un dangereux meurtrier qui n’est autre que… Jack L’Eventreur. La suite, on la devine aisément : le redoutable criminel trouve le moyen d’utiliser la machine pour fuir à travers le temps et aboutir en… 1979 ! Cette idée d’utiliser des personnages réels dans une intrigue abracadabrante n’est pas nouvelle pour le réalisateur Nicholas Meyer. C’est même la base d’un de ses romans, The Seven Per Cent Solution, qui associait Sherlock Holmes et Sigmund Freud, et qui sera d’ailleurs adapté au cinéma.




vlcsnap-2017-11-27-19h08m14s149L’idée ne viendra pourtant pas de lui, mais d’un admirateur, Karl Alexander, qui, en reprenant le même principe, a écrit son propre roman et demande à Meyer de le lire pour avoir son avis. Si ce dernier n’est pas convaincu du potentiel en tant que livre, il est en revanche certain que cela ferait un excellent film. Il s’attelle donc à la rédaction d’un scénario, qu’il soumet à un de ses amis, Herb Jaffe, qui, ça tombe bien, cherche un projet pas trop cher pour la Warner. Ça y est, Time After Time est sur les rails. Le résultat, on le connaît : c’est l’un des films les plus attachants de ce sous-genre qu’est le voyage dans le temps.




vlcsnap-2017-11-27-19h13m01s230Clairement, compte tenu de ses moyens limités, le film joue la carte du sourire en coin et du charme. H.G. Wells perdu dans le San Francisco des années 80 ressemble à un petit garçon qui découvre avec candeur les merveilles technologiques du monde qui l’entoure. C’est le vieux principe du personnage innocent égaré dans un univers qu’il ne connaît pas, mais qui est ici manié avec tellement d’humour et de délicatesse qu’il fonctionne à merveille. Nicholas Meyer évite l’humour facile et lui préfère des petites touches complices qui ne tournent pas ses héros en ridicule.




vlcsnap-2017-11-27-19h17m53s32C’est dans son attachement aux personnages que Time After Time séduit. L’histoire d’amour, même si elle est improbable, charme tout de même, en grande partie grâce à l’alchimie entre les deux acteurs principaux, Malcolm Mc Dowell et Mary Steenburgen. C’est également un vrai plaisir de découvrir l’acteur dans un registre à l’opposé des rôles de voyous ou de psychopathes dont il s’était fait une spécialité. Mc Dowell apporte innocence et fraîcheur au personnage de H.G. Wells, et c’est d’ailleurs cette volonté de casser son image qui le décidera à accepter le rôle. Plutôt une bonne chose, puisqu’il tombera amoureux de sa partenaire et l’épousera peu de temps après.



vlcsnap-2017-11-27-19h21m28s202Face à lui, David Warner fait des merveilles dans le rôle de Jack L’Eventreur. Comme à son habitude, l’acteur ne fait pas dans le spectaculaire ou dans le démesuré. Il reste au contraire fidèle à son jeu discret et subtil, qui renforce par sa retenue le sentiment de menace que crée le personnage. Le réalisateur non plus n’a pas besoin d’en rajouter: il joue sur la popularité de son anti-héros, le type en quelques plans et suscite l’horreur à partir de petits détails au cours d’une introduction maline (“Mes amis m’appellent Jack”).





vlcsnap-2017-11-27-19h15m19s62Ce qui est par contre encore plus ingénieux, c’est de jouer sur le changement d’époque pour offrir un commentaire sardonique sur la violence. Jack L’Eventreur se trouve en effet parfaitement à sa place dans l’Amérique des années 80. “Vous n’êtes pas allé vers le futur, Herbert, mais vers la préhistoire”, dit-il à Wells en lui montrant un zapping bourré d’images agressives. “Notre place n’est pas ici ? Au contraire, je me sens chez moi”, surenchérit-t’il. “Il y a 90 ans, j’étais un monstre. Aujourd’hui, je suis un amateur”. Difficile de faire plus juste que cette confrontation qui est l’un des grands moments du film. Sans charger le trait, le discours est simple, éloquent et rajoute une dimension supplémentaire très bienvenue.



vlcsnap-2017-11-27-19h34m31s61Mary Steenburgen, dans un de ses premiers rôles, apporte sa fragilité au personnage d’Amy Robbins. Son jeu inhabituel et décalé donne souvent l’impression qu’elle est à moitié bourrée et qu’elle traverse le film sur un nuage. Mais en définitive, cela s’intègre parfaitement au caractère insolite de l’intrigue et renforce l’intensité d’un moment clé de l’histoire. En plus d’avoir une efficacité dramatique imparable pour le spectateur qui a accepté le concept dès le début, il le rend crédible pour l’héroïne, tout en installant un élément de suspense d’autant plus efficace que nous nous sommes attachés à elle.



vlcsnap-2017-11-27-19h06m55s150Le seul petit reproche qu’on pourrait adresser au film réside dans des effets spéciaux pas toujours au top. Certes, à l’époque, on n’en était pas encore aux prodiges numériques actuels, mais la technique avait tout de même fait quelques avancées spectaculaires quelques années auparavant, grâce à Lucas et Spielberg. Il est clair que les trucages sont ici victimes d’un budget hyper-serré, avec des incrustations très cheap où les différents éléments sont immobiles et où on nous ressort de vieux effets de solarisation façon sixties. Cela ne suffit pourtant pas pour mettre le film par terre, preuve que sa force ne réside pas seulement dans son côté fantastique.




vlcsnap-2017-11-27-19h09m16s17Il faut également mentionner l’originalité de l’approche musicale. Au lieu d’utiliser une partition moderne, Nicholas Meyer a eu le culot de faire appel à l’un des meilleurs musiciens de l'âge d’or hollywoodien, Miklos Rozsa. Tout comme Bernard Hermann, le compositeur de Ben-Hur était dans le creux de la vague durant les années 80. Le réalisateur l’imposera donc contre l’avis de la Warner, et sera même obligé de mener campagne pour que sa partition ne soit  pas remplacée. Le résultat est magnifique, le style flamboyant de Rozsa apportant une touche de majesté et de classe tout à fait unique.




Le fameux Festival d’Avoriaz, à l’époque une référence en matière de cinéma fantastique, ne s’y trompera pas et lui décernera son Grand Prix en 1980. Les spectateurs, eux, se feront davantage tirer l’oreille pour suivre. Malgré des avant-premières très prometteuses, le film ne trouvera son public que bien des années plus tard, grâce à la vidéo. Au point qu’un réalisateur comme Robert Zemeckis lui rendra un bel hommage indirect en reprenant l’actrice Mary Steenburgen pour une autre histoire de voyage dans le temps, le dernier volet de la trilogie de Retour Vers Le Futur. Un joli témoignage de l’efficacité et du charme de ce petit classique, qui est à sa manière devenu intemporel !


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Le retour du Bouclier

Time After Time est le premier film à avoir réutilisé le vieux logo de la Warner, plus connu dans l’industrie sous le nom du “bouclier” ('”the shield”). Auparavant, le sigle avait connu plusieurs déclinaisons, plus ou moins stylisées. C’est le réalisateur Nicholas Meyer qui insista pour le remettre sur le devant de la scène, tel qu’il était dans les années 40, avec sa signature musicale, due au compositeur Max Steiner. Une idée plutôt judicieuse, puisque ce logo est toujours utilisé de nos jours, même s’il a été un petit peu modernisé depuis.


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Mini-Trombi

Dans la distribution, on reconnaîtra Corey Feldman, qui fera une belle carrière pendant les années 80 dans des rôles d’ado. On a pu notamment le voir chez Joe Dante (Gremlins, The Burbs) mais également dans Les Goonies. C’est sa première apparition à l’écran.


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On note également la présence de Patti d’Arbanville dans le rôle de la collègue d’Amy. Les cinquantenaires de ma génération se souviendront plutôt d’elle comme la “Lady d’Arbanville” de la chanson de Cat Stevens.


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Les Effets Spéciaux

Comme nous l’avons dit, ils ne sont pas bien fameux, conséquence d’un budget tout riquiqui. Ils ont été supervisés par Richard Taylor, un designer qui travaillera essentiellement dans le domaine du jeu vidéo, mais participera tout de même à certaines grosses productions, comme Tron ou le premier film de la saga Star Trek. A ne pas confondre avec son homologue néo-zélandais, qui a fondé le studio Weta Workshop.


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Les effets visuels de Time After Time sont réduits à leur plus simple expression. Les apparitions/disparitions de la machine à remonter le temps sont généralement des images fixes sur lesquelles ont été apposés des effets de lumière animés à la main (eh oui, nous étions en 1979!). Si le trucage en soi n’est pas foncièrement mauvais, il est trahi par le fait que les personnages s’immobilisent dès que l’effet commence. A l’époque, les caméras pilotées par ordinateur avaient déjà fait leur apparition, et les collages du film apparaissent comme particulièrement cheap.


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La deuxième partie du voyage dans le temps est composée quand à elle d’effets vidéo, accompagnée d’extraits sonores qui permettent de dater les différentes époques. On y retrouve donc pêle-mêle Neil Armstrong, John Kennedy, Jimi Hendrix… Un moyen habile de détourner l’attention du spectateur de trucages assez moyens.


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La Musique

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A priori, quoi de plus surprenant que de retrouver le compositeur de Ben-Hur dans un film sur le voyage dans le temps ? C’est pourtant le pari un peu fou du réalisateur Nicholas Meyer. Miklos Rozsa, comme beaucoup de compositeurs de l’Age d’Or hollywoodien, n’était pas très demandé dans les années 80. Le metteur en scène insistera pourtant auprès de la Warner pour l’obtenir.




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Mieux, lorsque les grands pontes de la compagnie commenceront à avoir des doutes sur la musique et menaceront de la remplacer par une B.O. davantage dans l’air du temps, il publiera une page de pub dans les journaux de la profession pour attirer l’attention des critiques sur la partition. Résultat garanti : La Warner abandonnera son idée et ne touchera pas à la musique de Rozsa.


Du coup, sur disque, la musique de Time After Time sera plutôt bien traitée, bien mieux que certaines œuvres de la même époque. La partition est réenregistrée à Londres par le compositeur et paraît sur le label Entracte. En 2009, c’est Film Score Monthly qui entreprend de publier l’intégrale, en utilisant les bandes originales. Le CD, tiré à 3000 exemplaires, est malheureusement devenu très vite une pièce de collection et se trouve très difficilement à l’heure actuelle.

vendredi 18 août 2017

Alien Covenant

Film de Ridley Scott (2017), avec Katherine Waterston, Michael Fassbender, Danny Mc Bride, Billy Crudup, Demian Bichir, etc…

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Et c'est reparti pour un tour ! Non content d'avoir déçu les fans avec un Prometheus moins que convaincant, Ridley Scott remet le couvert pour un nouvel opus. C'est à se demander si le réalisateur, pourtant connu pour son éclectisme, ne traverse pas actuellement un gros passage à vide pour être obligé de se replonger ainsi dans l'univers qui a fait sa renommée. Pourtant, rares sont les occasions où les grands classiques du 7ème Art sont revisités des années après par leur créateur. Même si l’idée est séduisante, elle induit forcément une certaine déception.



vlcsnap-2017-08-27-18h14m15s71Car comme nous l’avions dit dans la critique de Prometheus, entre temps, beaucoup de choses ont changé, à commencer par l’approche du réalisateur. Là où le premier film le laissait apparaître comme un artiste très visuel, donnant une place prépondérante à l’esthétique de ses films, Scott a vite renié cette approche arty pour un cinéma très diversifié, mais pas franchement personnel. Du film de guerre au péplum, il a revisité tous les genres avec plus ou moins de bonheur, mais sans réellement apporter ce petit quelque chose de plus qui avait fait de Alien ou de Blade Runner des films uniques, quasiment des chefs d’œuvre dans leur catégorie.



vlcsnap-2017-08-27-20h04m26s157Mais la Fox poussant à la roue, il a bien fallu prolonger cette franchise au mieux, ce qui a donné des films très disparates et pas toujours complètement réussis. Et bien évidemment, Ridley Scott s’est mis sur les rangs pour apporter sa pierre à l’édifice. Après tout, quoi de plus normal ? Sauf que le style, ce style unique qui faisait le prix du premier film n’est plus là. A la place, une intrigue tarabiscotée, des personnages inintéressants et des péripéties pas vraiment renversantes. Pas de peur et encore moins d’angoisse, bref rien de ce qui faisait toute la singularité du film original.




vlcsnap-2017-08-27-19h58m32s190C’était déjà le bilan qu’on pouvait tirer de Prometheus. Entre temps, Ridley Scott, prétendument à l’écoute des fans, faisait son mea culpa et promettait du coup une nouvelle suite, plus fidèle au concept original. Oui, on verrait des aliens comme avant, et le film ferait la jonction entre le film précédent et le reste de la saga. Vous me suivez ? Bref, à tous les déçus du petit dernier, on promettait monts et merveilles, un truc plus “dans l’esprit” de la série, l’argument mastoc pour faire revenir le chaland dans les salles. Tout ça pour ça, a-t’on envie de dire en fin de course.




vlcsnap-2017-08-27-18h10m34s171Car en définitive, on prend la même trame et on recommence. Sauf que quand même, l’alien, le vrai, est de retour, ainsi que toutes les gentilles bestioles qui ont fait la renommée de la franchise, les œufs tout visqueux, les face huggers (si vous ne savez pas ce que c’est, vous n’êtes pas un vrai fan!)Et puis vu que le précédent était un peu light sur l’horreur, celui-là en rajoute une bonne louche histoire de contenter tout le monde. Ah si ! Surprise, le mode de contamination a été revu et corrigé : il est aujourd’hui possible d’être infecté par un alien aussi facilement qu’on attrape un rhume ! Si, si, je vous jure, parole de Strapontin !



vlcsnap-2017-08-27-19h53m24s193Bon allez, ne soyons pas trop méchants, il y a quelques bonnes choses dans tout ça. En particulier, le fait de montrer les responsables de la mission comme faillibles et humains. Un peu trop, même. Le capitaine, joué (plutôt bien) par Billy Crudup, ne possède carrément pas la stature d’un meneur d’hommes. On le croirait presque dépressif ou au bord de la crise de nerfs. C’est un peu too much mais ça crédibilise un personnage qui s’est retrouvé là par la force des choses et qui ne sait définitivement pas prendre les bonnes décisions.




vlcsnap-2017-08-27-20h02m40s111C’est grosso modo la même semoule avec l’héroïne : plus de nana forte façon Sigourney Weaver, mais un petit bout de femme avec une sensibilité à fleur de peau. Scott revisite donc l’inspiration de ses personnages, mais ça n’est pas pour autant qu’il nous intéresse à eux. Tout comme dans Prometheus, on n’accroche pas particulièrement à l’un ou l’autre, on devient donc très vite indifférent à leur sort. Là où en 1979, il arrivait à typer l’équipage du Nostromo en quelques scènes, il donne ici l’impression de dérouler une galerie de protagonistes dont on se contrefiche.




vlcsnap-2017-08-27-18h02m11s243En fait, il apparaît très vite que le seul personnage qui intéresse vraiment Ridley Scott dans tout ça, c’est le robot. Le seul problème, c’est que des films sur des androïdes et l’intelligence artificielle, on s’en est déjà cogné une bonne flopée. Scott a même mis la barre assez haut dans le genre avec son Blade Runner. Donc si le réalisateur ne propose pas une méditation particulièrement chiadée sur le sujet, autant dire que, malgré l’interprétation sans faille de Michael Fassbender, tout cela est un peu vain et hors-sujet. On est venu voir de l’alien, et en fait, on dérive vers tout autre chose, une intrigue alambiquée à base de mutations génétiques. Bref on est a côté de la plaque.



vlcsnap-2017-08-27-18h08m50s108Ce ne serait pas gênant si on retrouvait dans Alien Covenant un petit peu de ce qui faisait le film original, mais là encore, on est loin du compte. Ni claustrophobique, ni angoissant, ce nouvel opus oublie consciencieusement tous les ingrédients qui ont fait le succès du premier épisode, ce sentiment d’isolation dans un monde inconnu, cette suggestion qui renforçait l’angoisse. Scott a même le culot d’y recycler des extraits de la partition musicale qu’il avait pourtant rejetée en 1979. Complètement inadaptée dans ce cas précis, elle ne fait que souligner la profonde médiocrité du reste de la musique.




Si on pouvait avoir quelques espoirs quant à l’avenir de la saga, cet Alien Covenant les douche brillamment. Ce n’est pas à proprement parler un mauvais film, c’est juste un produit de série, ni pire ni meilleur que les gros blockbusters qui défilent sur nos écrans. Il semble pourtant que Ridley Scott envisage une nouvelle suite. On de demande bien pourquoi. À part rabâcher des situations déjà vues, on voit mal ce qu'elle pourra apporter de neuf à une franchise en bout de course qui renie ici tout ce qui a pu faire son originalité.



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