Film de Joe Dante (1984), avec Zach Galligan, Phoebe Cates, Hoyt Axton, Frances Lee Mc Cain, Dick Miller, etc…
25 ans après sa réalisation, Gremlins demeure toujours ce petit joyau, mélange d’horreur et de comédie, de conte de Noël et de fantastique. Peu de films sont arrivés à maintenir un si bel équilibre entre ces différents ingrédients, et à préserver ce côté enfantin, presque innocent qui en fait tout le charme. Retour sur un des films fantastiques les plus novateurs des années 80.
Même dans ses moments les plus violents, Gremlins fait toujours preuve d’une profonde tendresse envers ses personnages, et c’est sans doute dans cette humanité, mélangée avec une sensibilité particulière pour le magique et le fantastique, qu’il faut chercher le succès remporté par le film. Avec lui, Joe Dante posait les premiers jalons d’un parcours surprenant, qui devait faire de lui l’un des auteurs les plus singuliers d’Hollywood. A la fois merveilleux et féroce, Gremlins est un vrai classique populaire qui se revisite toujours avec le même plaisir. Classique strapontinesque certifié, mais est-ce la peine de le préciser ? Géant.
Arrêts sur Images
ATTENTION!
Ces focus techniques se concentrent sur la mise en scène de plusieurs séquences-clé du film.
Il va donc de soi qu'ils révèlent des informations importantes sur l’intrigue.
Il est donc souhaitable de ne les lire qu'après avoir vu le film.
Le Trombinoscope
Beaucoup de nouvelles têtes à l'affiche de Gremlins, qu'on reverra hélas plutôt rarement après le succès du film. Zach Galligan fera essentiellement carrière dans les films d'horreur de série Z, quant à Phoebe Cates, elle préfèrera le théâtre au cinéma. Hoyt Axton, quant à lui, est un chanteur de country reconverti dans la comédie, mais on ne le verra pas non plus beaucoup par la suite. Frances Lee Mc Cain fera quant à elle une apparition dans Retour vers le Futur N'oublions pas bien entendu les fidèles de Joe Dante, Dick Miller, mais aussi Belinda Balaski, qu'on avait pu voir dans The Howling.
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Zach Galligan |
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Phoebe Cates |
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Hoyt Axton |
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Frances Lee Mc Cain |
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Polly Holliday |
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Dick Miller |
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Jackie Joseph |
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Glynn Turman |
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Belinda Balaski |
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Corey Feldman |
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Keye Luke |
La Photographie
Parmi les éléments qui ont typé le style de Joe Dante dès ses débuts, le travail du chef opérateur John Hora est d’une importance capitale. Grand admirateur de l’approche visuelle très colorée des films hollywoodiens des années 50, Hora l’a adapté à la mise en scène de Dante, avec des couleurs souvent très vives et marquées, dont les contrastes très appuyés flirtent volontiers avec l’expressionnisme.
Le film se déroulant en grande partie de nuit, il est baigné dans une ambiance qui privilégie les couleurs bleutées.
L’introduction dans Chinatown, par contre, utilise des couleurs orangées dans une tonalité très crépusculaire, qui accentue le côté fantastique de l’histoire. Le film joue aussi avec les effets de lumière, comme dans la salle de classe, où Hora utilise les rayons du projecteur pour renforcer l'étrangeté de la scène.
Enfin, tout comme dans The Howling, Hora a recours aux dutch angles, ces plans décalés par rapport à l’horizontale, destinés à faire naitre l’appréhension et le malaise. La particularité du style visuel de Hora, c’est que ce décalage du cadre se fait dans la continuité de la scène : un plan parfaitement horizontal se décadre au fur et à mesure de l’action, ce qui intensifie la tension de la scène.
Les Clins d’Œil
Joe Dante, en plus d’être un réalisateur talentueux, est aussi un geek aux connaissances encyclopédiques. Il est donc courant de trouver dans ses films bon nombre de citations diverses et variées, certaines évidentes, d’autres réservées à un public de connaisseurs. Petit florilège non exhaustif des clins d’œil disséminés dans le film…
Ça commence par une référence que seuls les admirateurs de Spielberg pourront repérer. Billy passe devant un cinéma, dont la marquise annonce un double programme avec deux films méconnus, et pour cause : Watch The Skies était le titre provisoire de Rencontres du Troisième Type et A Boy’s Life, celui d’E.T.
A peine visible en arrière-plan, l’enseigne d’un vétérinaire au nom prédestiné : le Docteur Moreau, plus connu pour ses expériences génétiques dans L’Ile du Dr Moreau.
Le client du bar qui félicite Billy au sujet de ses dessins n’est autre que Chuck Jones, l’un des créateurs de Bugs Bunny, qui fera d’ailleurs d’autres apparitions chez Joe Dante, notamment dans Innerspace (L’Aventure Intérieure).
Le smiley sur le frigo est une allusion à The Howling, un des films de Joe Dante, dans lequel un serial killer signalait sa présence grâce à cet autocollant.
Bien entendu, les citations de films ne manquent pas dans Gremlins. Elles sont toutefois assez subtiles dans leur utilisation : la mère du héros regarde La Vie est Belle de Frank Capra à la télévision, et ce n’est pas un hasard, puisque la ville imaginaire de Kingston Falls où se déroule l’action est de toute évidence très inspirée de l'univers de Capra. Il y a également une citation d’Invasion of the Body Snatchers, dans laquelle apparaît Kevin Mc Carthy, un des acteurs fétiches de Joe Dante.
Enfin, bien évidemment, les gremlins vont voir Blanche Neige au ciné, mais les plus observateurs pourront repérer qu’il y a des photos d’exploitation de The Howling dans la devanture de la salle.
La scène de la Convention des Inventeurs contient en deux plans presque autant de clins d’œil que le reste du film. La personne en train de téléphoner à gauche est en fait la doublure de Zach Galligan, habillée de manière à ressembler à Joe Dante, qui portait toujours la même tenue sur le plateau. Sur la droite, affublé d’un superbe chapeau de cow-boy, se trouve le compositeur Jerry Goldsmith. Il y a également Steven Spielberg qui passe dans un sorte de mini-véhicule électrique. Enfin, à l’arrière-plan, les plus observateurs pourront identifier La Machine à Explorer Le Temps du film de George Pal…
… qui d’ailleurs disparaît dans le plan suivant, puisqu’elle est repartie dans le temps !
Les références à Spielberg sont nombreuses, depuis le logo du disc-jockey Rockin Ricky Rialto qui ressemble à celui des Indiana Jones, jusqu’à une poupée E.T. dans la scène du magasin de jouets. La célèbre réplique “Phone home” est d’ailleurs également détournée dans le film.
Les Effets Spéciaux
Avec ses effets d’animation particulièrement sophistiqués et nombreux, Gremlins constitue une date dans l’utilisation de ce qu’on appelait à l’époque les “effets de maquillage spéciaux”. D’abord employés sur des acteurs pour déformer les visages, ils ont petit à petit dérivé vers la conception de marionnettes robotisées très sophistiquées qu’on appellera les animatroniques. Le film de Joe Dante est un des premiers à les utiliser à une aussi grande échelle.
Les effets sont l’œuvre de Chris Walas, qui, comme beaucoup d’animateurs de sa génération, a fait ses premières armes chez ILM. Il travaillera notamment sur Le Retour du Jedi, et plus particulièrement Les Aventuriers de l’Arche Perdue, pour lequel il concevra la fameuse séquence où les visages des nazis fondent lors de l’ouverture de l’Arche d’Alliance. Il montera ensuite sa propre entreprise, Chris Walas Inc.et travaillera en freelance. C’est à cette occasion que la Warner Bros le recrute pour Gremlins.
Pour mesurer le travail monstrueux qu’ont demandé les effets du film, il faut savoir que pour toutes les scènes dans lesquelles apparaissent les gremlins, une armada d’animateurs était en fait planquée sous un plancher surélevé pour actionner les marionnettes au moyen de mécanismes pneumatiques ou radio-contrôlés. Les créatures elles-mêmes étaient parfois animées de manière plus que classique, puisque certaines étaient de simples marionnettes à main.
En tant que stars du film, Gizmo et Stripe, son alter-ego monstrueux, avaient bien entendu droit à leurs gros plans. Pour cela, on a donc créé des répliques surdimensionnées de leurs visages.
Le film repose essentiellement sur les effets mécaniques, toutefois plusieurs autres techniques ont été utilisées brièvement. Tout d’abord l’animation image par image (ou stop motion) pour la scène où les gremlins envahissent la ville.
Ensuite les technique du matte, qui utilise des caches pour associer plusieurs éléments à l’image. C’est le cas pour la séquence du cinéma, qui est composée de plusieurs éléments différents. Chaque rangée a été filmée séparément, puis combinée optiquement avec l’ensemble.
Enfin, les matte paintings (ou peintures sur verre) ont été utilisées pour le début et la fin du film. Ils sont l'œuvre de Rocco Gioffre.
Les Gremlins et la Censure
Même s’il n’a pas eu à proprement parler de démêlés avec la commission de censure américaine, Gremlins a tout de même créé la polémique à cause de la fameuse séquence de la cuisine, durant laquelle l’une des créatures est enfermée puis transformée en moussaka dans un four à micro-ondes. Ce passage, ainsi que quelques autres, seront jugés un petit peu trop extrême pour certains parents, qui se plaindront de la violence excessive du film. La MPAA créera donc une catégorie intermédiaire, le PG-13, qui déconseille le film aux enfants de moins de 13 ans. Indiana Jones et le Temple Maudit connaîtra la même mésaventure et contribuera lui aussi à la création de cette nouvelle classification.
La Naissance des Gremlins
S’agissant de l’élément clé du film, l’entrée en scène des gremlins est soigneusement mise en scène, afin de maximiser l’effet de surprise. L’affiche, déjà, très mystérieuse, ne dévoile que les pattes du mogwaï sortant d’une boîte et le réalisateur prend le parti de ne pas le montrer ouvertement dès les premières images. Même si depuis, avec le succès du film, le spectateur connait d’avance le look des créatures, on fait comme si le On ne verra que ses oreilles lorsque Rand Peltzer le découvre chez le brocanteur chinois, et sa réaction amusée prépare déjà le public à être séduit par quelque chose d’extraordinaire. Le film reproduit d’ailleurs assez fidèlement les éléments de l’affiche lors de la première apparition de Gizmo.
Le public est également maintenu dans le flou pendant toute la première partie du film en ce qui concerne les trois règles à ne pas enfreindre. Il sait que certaines choses sont interdites, mais sans connaître le pourquoi. Joe Dante donne donc la réponse lors d’une séquence à la fois inventive (le mode de reproduction des gremlins) et inquiétante, car ses différentes étapes sont particulièrement inattendues. Il faut à nouveau noter le travail extraordinaire de John Hora à la photo, qui fait baigner la scène dans une ambiance bleue et orangée du meilleur effet. La scène commence de manière innocente, avec Gizmo qui entonne sa chansonnette, puis l’action bascule lorsque Pete (Corey Feldman) renverse de l’eau sur lui. Le garçon est filmé en contre-plongée, comme pour accentuer l’impact de la menace et un peu comme si le verre d’eau se renversait sur le spectateur.
Dans le plan suivant, Gizmo se débat, grimace de douleur et crie, une réaction qui surprend le spectateur par sa violence, mais aussi par l’utilisation inattendue d’un élément inoffensif (l’eau). Le mogwaï pousse des cris insupportables (cela est accentué par un insert sur le visage de Pete qui se bouche les oreilles).
Arrive alors le moment de la “naissance” des nouveaux mogwaï, qui se produit de manière totalement inattendue puisque sous l’effet de l’eau, ils sont éjectés sous la forme de boules de fourrure. La tonalité fantastique de la scène est accentuée par un arrière-plan totalement irréaliste, constitué par les BD que dessine Billy, mais en même temps, Dante désamorce son côté inquiétant en utilisant des bruitages de cartoon, sous la forme de ‘pop’ plutôt comiques.
Le public reste sur ses gardes et la musique souligne avec de discrets effets de synthétiseur la montée de l’inquiétude, de même que plusieurs mouvements de caméra vers le visage des personnages. Les boules de fourrure s’avèrent être en fait des sortes de cocons, d’où émergeront les corps des nouveaux mogwaï. Une fois le processus terminé, le thème musical des gremlins apparaît timidement en filigrane, même si ces derniers n’ont pas encore muté pour devenir les monstres que tout le monde connaît.
La mutation est montrée d’une manière plus classique, mais qui rappelle volontairement Alien, avec ses cocons baveux. Par contre, l'utilisation de la piscine va donner un caractère démesuré à la menace. Le public, qui a constaté les effets dévastateurs de quelques gouttes d'eau, anticipe déjà dans son esprit la catastrophe que cela représente. Joe Dante traite donc la séquence de manière très stylisée mais néanmoins spectaculaire, en utilisant des bouillonnements et des fumigènes colorés, dont le caractère excessif continue à faire travailler l'imagination du spectateur. Notez le petit trait d'humour avec le gremlin qui se pince le nez quand il saute dans la piscine !
Une Histoire de Père Noël
S’il est un moment dans Gremlins qui résume à lui seul toute la tonalité si particulière du film, c’est bien la scène au cours de laquelle l’héroïne, Kate (Phoebe Cates), raconte à Billy comment son père est mort en jouant les pères Noël dans la cheminée de la maison familiale. C’est une histoire à la fois triste, touchante, mais quelque part, un peu comique par son incongruité, et la scène qui en résulte est à la fois gênante et poignante, parce que le spectateur ne sait pas très bien sur quel pied danser. Joe Dante devra d’ailleurs batailler pour conserver cette séquence dans le film. Même Tina Hirsch, sa monteuse, n’arrive pas à saisir la tonalité si particulière de ce passage, elle est même convaincue qu’il ne sera pas conservé dans le film. Spielberg, le producteur, avoue qu’il ne l’aime pas non plus, mais il laissera tout de même carte blanche au réalisateur pour la maintenir dans le montage final.
La Musique
Il ne faisait pas bon être collectionneur de musique de film en 1984, au moment de la sortie du film. Et pour cause, puisque l’album sorti à l’époque ne contenait que 15 petites minutes de la partition de Jerry Goldsmith, le reste étant occupé par de la pop pas toujours très inspirée (même Peter Gabriel se fendra d’une chanson, Out Out, plutôt anecdotique). Gremlins est pourtant l’une des plus belles réussites du compositeur dans le genre, panachant une délicatesse qui renforce l’ambiance de conte avec des sonorités bizarres et tordues pour personnifier les gremlins.
Comme dans beaucoup de partitions de la même époque, Goldsmith utilise les synthétiseurs pour ajouter des nuances sonores inattendues, tout en s’appuyant sur une solide base orchestrale. C'est donc un patchwork touffu et délirant, d’une richesse incroyable, dans lequel des miaulements synthétisés se marient à des thèmes tour à tour menaçants ou chaleureux. Comme souvent chez le compositeur, ce sont des petits motifs musicaux qui typent tour à tour des personnages ou des situations, et qui s’organisent de manière subtile et enjouée. Il y a même un joli pied de nez musical et malicieux avec une sarabande délirante (The Gremlin Rag), qui résume admirablement l’esprit du film. Le tout est réalisé avec un tel art de l’incongruité, une telle habileté à associer des éléments totalement disparates que cette “petite” partition s’avère l’une des plus foisonnantes et des plus décomplexées de son auteur.
Comme dans beaucoup de partitions de la même époque, Goldsmith utilise les synthétiseurs pour ajouter des nuances sonores inattendues, tout en s’appuyant sur une solide base orchestrale. C'est donc un patchwork touffu et délirant, d’une richesse incroyable, dans lequel des miaulements synthétisés se marient à des thèmes tour à tour menaçants ou chaleureux. Comme souvent chez le compositeur, ce sont des petits motifs musicaux qui typent tour à tour des personnages ou des situations, et qui s’organisent de manière subtile et enjouée. Il y a même un joli pied de nez musical et malicieux avec une sarabande délirante (The Gremlin Rag), qui résume admirablement l’esprit du film. Le tout est réalisé avec un tel art de l’incongruité, une telle habileté à associer des éléments totalement disparates que cette “petite” partition s’avère l’une des plus foisonnantes et des plus décomplexées de son auteur.
Grace au label spécialisé Film Score Monthly, et suite à de nombreux problèmes de droits musicaux, l’intégrale de la partition sera enfin publiée en 2011, sous la forme d’un double CD qui propose également l’album d’origine, plus quelques prises alternatives. Un album hautement recommandable, qui figure parmi les plus belles réussites d’un compositeur décidément inclassable. Le CD est toujours disponible sur le site de l'éditeur, mais aussi chez un revendeur français et également sur Spotify.
Affiche et Logo
En vidéo
Après un premier pressage DVD sans aucun bonus, Gremlins, en tant que gros succès de la Warner, a bien évidemment eu droit à une special edition soignée lors de sa sortie en DVD : un transfert image et son satisfaisant, plus quelques bonus intéressants, comme des scènes coupées et surtout un excellent commentaire audio de Joe Dante et de l’équipe du film, hélas non sous-titré, comme toujours chez Warner.
L’éditeur ne s’est pas trop foulé pour la sortie blu-ray : aucun nouveau bonus en vue, et un transfert qui est tout de même bien loin des standards de qualité du support. Mais la Warner, bien rusée, proposera quand même pour les 30 ans du film une édition “Diamond” bien plus étoffée. Sauf que cette dernière, même si elle comporte des bonus inédits, reprend tel quel le master pas terrible sans aucune restauration…
Les nouveaux suppléments, par contre, sont excellents, avec 2 documentaires rétrospectifs by Laurent Bouzereau, l’un sur le tournage, l’autre sur la création des gremlins,. Alors que conseiller ? Sans hésitation l’édition Diamond, d’autant plus qu’elle est intégralement sous-titrée en français et lisible sur les platines françaises, et même si un film comme Gremlins aurait mérité un meilleur traitement en HD. Qui sait, peut-être qu’avec le support 4K, le film trouvera enfin un écrin digne de ce nom…