vendredi 30 décembre 2011

La Guerre est Déclarée

Film de Valérie Donzelli (2011), avec Valérie Donzelli, Jérémie Elkaim, César Desseix, Brigitte Sy, Michèle Moretti, etc…
















D’emblée, le sujet aurait de quoi faire fuir n’importe quel spectateur : le parti-pris de raconter la maladie d’un jeune enfant, ça pouvait donner tout et n’importe quoi, à commencer par un bon gros mélo. Sauf que l’histoire en question est non seulement une histoire vécue, mais ce sont les véritables personnages qui la mettent en scène. Une telle démarche place forcément le film au-delà de la critique et le rend pratiquement inattaquable. Outre les motivations des auteurs, elle commande obligatoirement le respect. Tout ça pour dire qu’avant même d’avoir vu une seule image de La Guerre est Déclarée, il se crée déjà un lien très particulier entre le spectateur et le film.

En fait, La Guerre est Déclarée n’est pas vraiment un film sur la maladie mais davantage sur ses conséquences dans la vie d’un couple. On voit finalement assez peu l’enfant, et toutes les scènes où il apparaît sont dépouillées de tout sentimentalisme inutile. Ce sont surtout les réactions du couple lui-même qui sont étudiées, disséquées, mais là encore sans besoin d’aller chercher l’émotion là où elle n’est pas. Comme une leçon de vie, le film nous fait comprendre que l’accompagnement d’une personne malade, qu’elle soit un enfant ou une personne plus âgée, passe d’abord par l’implication de soi-même, afin de garantir à celui ou celle qu’on accompagne un soutien de tous les instants.

Bon, j’en sens déjà qui sont prêts à détaler, donc pas de panique !  
La Guerre est Déclarée est tout sauf un film démonstratif. Au-delà de l’expérience humaine qu’il raconte, il sait aussi nous toucher par une mise en images originale et nous cueillir avec quelques moments de grâce, comme avec la chanson « Ton Grain de Beauté », qu’entonne le couple. Les interprètes, tous inconnus, sont parfaits de simplicité et l’illustration musicale (un melting pot qui va de Jacno à Ennio Morricone) est particulièrement bien pensée. C’est, surtout, un film humain et vibrant, et à coup sûr l’une des plus belles surprises que notre cher cinéma nous ait réservé récemment.

lundi 26 décembre 2011

Dressé pour Tuer

(White Dog)

Film de Samuel Fuller (1982), avec Kristi Mc Nicol, Burl Ives, Paul Winfield, Dick Miller, etc...






























White Dog fait partie, et c’est regrettable, de ces films maudits qui sont hélas très difficiles à voir. Et c’est bien dommage car cette parabole sur le racisme est une œuvre forte et intense, qui pose mine de rien beaucoup de questions sur son sujet. L’histoire est d’une très grande simplicité : une jeune comédienne (Kristy Mc Nichol) recueille un jour un chien errant, puis se rend compte qu’il s’agît d’un « chien blanc », dressé à attaquer les Noirs. Avec l’aide d’un dresseur (Paul Winfield), elle va alors essayer de « déconditionner » l’animal.



Quand Samuel Fuller réalise White Dog en 1982, Hollywood n’est pourtant pas aussi frileux qu’il l’est aujourd’hui. Qui plus est, toutes les précautions sont prises par la Paramount, qui distribue le film, pour ne heurter personne: des conseillers sont présents au moment de l’élaboration du scénario et du tournage, des avant-premières sont organisées, bref déjà, le projet est manié avec des pincettes. Cela n’empêchera pourtant pas les membres de la communauté black de rejeter le film en bloc. La Paramount, qui n’est pas en très bonne santé financière, ne prendra pas de risques, et remisera White Dog sur ses étagères. Par chance, le film sera tout de même distribué en Europe, mais pas en grandes pompes : en France, il sort en plein mois de juillet (à l’époque une période archi-creuse) et ne tient l’affiche que quelques semaines (le Strapontin était là !). Depuis, rien, nada : une seule et unique diffusion télé en deuxième partie de soirée, et aucune édition DVD.








A la vision de White Dog, on comprend ce qui a pu en déranger certains, car Fuller ne fait pas dans la demi-mesure. Les deux séquences d’attaque sont particulièrement violentes et intenses. Le film avait été conçu à la base comme un dérivé canin des Dents de la MerJaws with paws », « Les Dents de la Mer avec des pattes » ! comme disaient ses producteurs !), et cette influence est particulièrement évidente à ces moments-là. Il serait un peu simpliste de réduire le film à ce seul aspect spectaculaire. White Dog propose en effet une réflexion sur le racisme particulièrement intéressante, en l’assimilant à un véritable lavage de cerveau contre lequel on ne peut pas lutter. Le chien est manipulé, détourné de son rôle d’animal pour que ses instincts servent une idéologie créée par l’homme. En définitive, Fuller nous fait comprendre que dès que ce conditionnement touche ce que nous avons d’animal en nous, nos pulsions les plus violentes, il n’y a aucun retour possible et aucune échappatoire. Le discours est donc beaucoup moins simpliste qu’il n’y paraît.






White Dog n’est pas exempt de défauts, ceci dit. Le style de Samuel Fuller, c’est de la pure série B, réalisée rapidement et à l’économie. Du coup, certaines scènes ont un peu des allures de téléfilm, ce qui est un peu dommage. Kristi Mc Nicol, malgré toute sa bonne volonté, n’a pas vraiment la carrure nécessaire à un tel rôle. Mais c’est finalement bien peu de choses comparé à l’intensité émotionnelle du dénouement ou bien de l’efficacité des séquences de dressage. En même temps, Fuller ne se prive pas de petites touches d’humour assez bienvenues (la tirade de Burl Ives au sujet de R2D2) et puis un film où apparaît Dick Miller ne peut être foncièrement mauvais ! (ce n’est pas Joe Dante qui me contredira !)







Le réalisateur vivra très mal la mise au rancart de son film (il dira dans une interview que c’était comparable au fait de voir un de ses enfants emprisonné à vie), et avec le recul, on se rend compte combien White Dog anticipait l’avènement du politiquement correct dans le cinéma américain. Avec le recul, les réactions qu’il a provoquées apparaissent bien démesurées par rapport à son contenu réel. Il reste à souhaiter qu’avec le temps, il trouve enfin la reconnaissance qu’il mérite.













La Musique
Les mauvaises langues diront que la première chose qui vient à l’esprit quand on associe Ennio Morricone avec un chien, c’est la pub Royal Canin ! Or, s’il y a bien des ralentis dans White Dog, pas de mélodie sirupeuse à la « Chi Mai » ici ! La partition du film a été une victime collatérale de sa distribution erratique. Pourtant, on ne peut nier le rôle essentiel joué par la musique de Morricone dans le film. Elle lui apporte énormément, même si elle aurait sans doute gagné à être utilisée de manière un petit peu plus économe. La sur-utilisation du thème (par ailleurs très beau) a tendance à en amoindrir l’impact, mais on ne peut nier son efficacité indéniable dans les moments forts. Un album avait été prévu au moment de la sortie, mais il a bien évidemment été annulé, et il a fallu attendre l’année dernière pour que la partition soit enfin éditée (FSM Vol. 13 n° 3). Le CD pourra paraître répétitif, vu qu’il reprend la musique telle qu’elle apparait dans le film, mais on peut programmer l’écoute de façon à refléter l’album initialement conçu par Morricone.

dimanche 25 décembre 2011

Joyeux Noël !

Oui, je sais! Le mois de décembre n'a pas été une période d'intense activité pour le Strapontin, qui est entré en quelque sorte en hibernation prématurée! Mais n'aie crainte, ami lecteur! Ton blog favori n'est pas inactif pour autant, et devrait retrouver un rythme honorable d'ici quelques jours, histoire de bien clôturer l'année! Quelle meilleure manière de fêter Noël qu'avec le célèbre Gizmo comme porte-parole ? Après tout, 2011 restera l'année où le Strapontin a rencontré (trop brièvement!) Joe Dante! Donc, bonnes fêtes à tous, allez beaucoup au cinéma, et à très bientôt pour de nouvelles aventures!

lundi 19 décembre 2011

Apocalypse Now


Film de Francis Ford Coppola (1979) avec Marlon Brando, Martin Sheen, Robert Duvall, Larry Fishburne, Frederic Forrest, etc.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
C’est un film de guerre qui ne ressemble à aucun autre, une vision hallucinée et démente de la guerre du Vietnam, une odyssée initiatique. A l’occasion de sa sortie en Blu-Ray, retour sur le chef d’œuvre de Coppola.
 
 
 
cpt-2011-05-10-21h11m11s210Il semble difficile de parler d’Apocalypse Now sans parler de l’incroyable aventure qu’a été son tournage. Coppola, fort du succès du Parrain, imagine avec le cinéaste John Milius une épopée sur la guerre du Vietnam. Inspiré du roman de Joseph Conrad, Au Cœur des Ténèbres, le film est bâti comme une longue odyssée introspective. Le capitaine Willard (Martin Sheen) est envoyé aux confins de la jungle Vietnamienne pour « terminer » les fonctions du Colonel Kurtz (Marlon Brando), un militaire devenu fou.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
cpt-2011-05-10-21h12m55s234Le tournage se déroule aux Philippines, et sera émaillé de multiples incidents : un typhon ravage les décors, l’acteur Martin Sheen fait un infarctus… Si bien qu’au bout d’un moment, les conditions extrêmement difficiles finissent par se répercuter sur le film lui-même. Comme le dira Coppola : « Nous étions dans la jungle, nous étions trop nombreux, nous avions trop d'argent, trop de matériel et petit à petit, nous sommes devenus fous ».
 
 
 
 
 
 
 
 
cpt-2011-05-10-23h49m44s114Comme pour faire écho à cette déclaration, le film s’ouvre justement sur une chanson des Doors, The End, dans laquelle Jim Morrisson chante que "tous les enfants sont devenus fous". Plus qu’un simple film de guerre, Apocalypse Now est un portrait halluciné du Vietnam. L’itinéraire de Willard commence dans une chambre d’hôtel où il déprime en attendant une mission, puis se poursuit dans la jungle et croise différentes facettes de la guerre.
 
 
 
 
 
 

 

 

cpt-2011-05-11-00h55m16s246C’est d’abord le spectacle, menée par le Colonel Kilgore (Robert Duvall, inoubliable) qui fait charger ses hélicos au son de la Chevauchée de Walkyries. C’est ensuite l’égarement, avec un spectacle de pin-ups qui vire à l’émeute, l’injustice avec des Vietnamiens abattus sur une jonque, puis à partir de la séquence du pont de DoLung, le film plonge dans un délire onirique. Apocalypse Now, c’est la guerre du Vietnam sous acide.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Ce qui fait toute l’originalité du film, c’est que malgré son budget pharaonique, il a su rester une œuvre profondément personnelle, un véritable film d’auteur. Coppola a payé cher son indépendance. Produit sous la bannière de sa compagnie American Zoetrope, Apocalypse Now obligera son réalisateur à sacrifier tous ses biens afin de pouvoir mener l’aventure à son terme. Et alors que des bruits circulent sur un hypothétique désastre financier, une copie de travail (ce qu’on appelle un work in progress) sera présentée au Festival de Cannes… pour remporter quelques jours plus tard la Palme d’Or !
 
 
 
 
 
 
 
 
D’emblée, ce qui surprend, dans le film, c’est son rythme contemplatif. Soutenu par la voix off de Martin Sheen, c’est un itinéraire au cœur de l’enfer. Le film brûle ses plus belles cartouches dès le départ, avec des séquences estomaquantes d’efficacité. La charge des hélicoptères est un formidable moment de cinéma, tant par sa mise en scène que par l’énormité des moyens mis en œuvre. Ensuite, le film devient plus introspectif. Chacune des étapes du voyage nous emmène dans une ambiance toujours plus pesante et onirique, jusqu’à la rencontre avec le Colonel Kurtz, auquel Marlon Brando prête sa stature mythique.
 
 
 
 
 

 
cpt-2011-05-10-23h48m57s156On pourra, c’est certain, discuter sur la signification profonde de cet épilogue, où il est clair que le Colonel a totalement perdu ses repères et que le Capitaine Willard, en exécutant sa mission, passe carrément de l’autre côté du miroir et devient pareil à celui qu’il a été chargé d’exécuter. Chacune des scènes du film nous renvoie en plein visage l’absurdité de la guerre, qu’elle soit menée comme un cirque démesuré ou comme une guérilla personnelle.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
cpt-2011-05-11-00h54m25s222Avec une liberté de ton incroyable, Apocalypse Now impose son rythme et son ambiance. Il faut saluer à cet égard le travail incroyable du directeur photo Vittorio Storaro. Avec un sens de l’image prodigieux, le film nous colle en mémoire des moments inoubliables : l’envol des hélicos au petit matin, un pont perdu dans la nuit, sur lequel les bombes éclatent tels des feux d’artifice, le visage maquillé de Willard émergeant de l’eau avant le sacrifice…
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Enfin, Apocalypse Now reste encore à ce jour une référence dans le domaine du son. Je dirais même que c’est ce qui lui donne sa véritable personnalité. Le bruit synthétisé des pales d’hélicoptère est devenu la véritable signature sonore du film. Avant que la moindre image n’apparaisse sur l’écran, ce son d’hélico qui traverse la salle grâce aux prodiges du Dolby Stéréo est le véritable précurseur du son 5.1. Il nous embarque dès le départ dans le cauchemar de Willard, au gré d’un mixage à la fois tonitruant et subtil.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Pour achever de donner une identité à part entière à son film, Coppola a conçu une bande musicale totalement novatrice. En collaboration avec son père Carmine Coppola, il a fait appel à un groupe de musiciens experts en synthétiseurs et à une armada de percussionnistes pour travailler sur le concept musical du film. Le résultat est une partition expérimentale, un collage audacieux, tour à tour grandiloquent et minimaliste. L’élément le plus évident et le plus célèbre de ce patchwork sonore, c’est bien évidemment le morceau The End des Doors, qui ouvre et clôt le film et sert admirablement ces scènes au cours desquelles Willard perd tout contrôle.
 
 
 
 
 
 
 
 
L'apparition clin d'oeil de Francis Ford Coppola
Plus de 12 ans après, le documentaire Hearts of Darkness reviendra sur l’épopée qu’a constitué le tournage. A partir d’images collectées par le femme du réalisateur, le film brosse un portrait saisissant, bien au-delà du making of classique. On y découvre un Coppola au bout du rouleau, prêt à tous les sacrifices afin de mener à bien son incroyable aventure. Tous les problèmes du tournage y sont évoqués, il y a même des moments particulièrement saisissants, comme celui où Martin Sheen pète littéralement les plombs lors du tournage dans la chambre d’hôtel.
 
 
 


Enfin, dernière pièce du puzzle : en 2001, Apocalypse Now Redux sacrifie à la mode des versions longues et propose près de 50 minutes inédites. Le film dans son montage brut faisait près de 5 heures, cela attise donc la curiosité de bien des cinéphiles. Pourtant, à l’arrivée, il faut bien reconnaître que cette nouvelle version n’apporte rien de fondamentalement nouveau au film, et que les coupes effectuées en 1979 ne nous ont pas privés de moments essentiels. Le rythme en souffre, et il est clair que la version Redux est parfois languissante.
 
 
 
 
 
 
L’intérêt que pourront lui trouver les fans du film, c’est de découvrir des moments inédits, des addendums qui sans en modifier le sens profond, prolongent l’expérience sans véritablement la modifier. Les scènes réintégrées accentuent le côté insolite, sans doute même un petit peu trop, et il est clair que, malgré tout, le montage de 1979 demeure la version de référence par son juste équilibre entre les différentes facettes du film. Pour ceux qui voudraient prolonger l'expérience, je signale tout de même que près de 45 minutes de scènes coupées additionnelles sont disponibles sur l'édition DVD de la version Redux ou le récent Blu-Ray.
 

 
 
 
 
Des années après sa réalisation, Apocalypse Now demeure toujours aussi saisissant, original et novateur qu’à sa sortie. Rarement grand spectacle et film d’auteur auront cohabité avec autant de talent, pour livrer une vision hallucinée de la guerre du Vietnam qui ne ressemble à aucune autre.
 
 

 
 
 
 
Le Trombinoscope

Martin Sheen remplace au pied levé Harvey Keitel, renvoyé après quelques semaines. C’est l’occasion pour cet excellent acteur de second plan de trouver le rôle de sa vie. Marlon Brando fait (magnifiquement) du Brando l’espace de quelques scènes et Dennis Hopper en fait des caisses (comme d’habitude) en photographe déjanté. Le reste du casting est composé d’inconnus à l’époque, dont certains deviendront célèbres : on reconnaîtra Larry Fishburne dans The Matrix, ainsi qu’un jeune débutant nommé Harrison Ford ! … Enfin, pas complètement débutant puisque le premier Star Wars était déjà passé par là deux ans auparavant.
 
 
 

Martin Sheen
Marlon Brando
Robert Duvall
Dennis Hopper
Frederic Forrest
Sam Bottoms
Albert Hall
Larry Fishburne
G.D. Spradlin
Harrison Ford

 

 

Le Générique Alternatif
 
Quand Apocalypse Now a été présenté en salles, le film ne comportait pas de générique de fin, du moins dans la version présentée à Cannes, ainsi que sur les copies 70 mm. Par contre, dans sa version 35 mm (la plus diffusée), le film en comportait un, qui défilait sur des images de bombardement du repaire de Kurtz. Coppola et son chef opérateur Vittorio Storaro avaient juste filmé l'explosion de leurs décors avec des caméras infra-rouges et, trouvant le résultat intéressant, l'avaient utilisé comme générique.
 
 
 
 
 
Mais du coup, pas mal de spectateurs ont perçu la séquence comme un épilogue au film, dans lequel Willard aurait ordonné la destruction du site, ce qui n'était pas du tout dans les intentions du réalisateur. Afin d'éviter toute ambiguïté, le générique a été modifié et se déroule désormais sur fond noir. La séquence figure comme bonus sur les DVDs du film.
 

 

 
Un petit mot, enfin, sur l'édition Blu-Ray du film, qui propose le film dans son montage initial ainsi que que dans sa version Redux, mais également le documentaire Hearts of Darkness. Un disque entier est également consacré à des suppléments passionnants et exhaustifs, qui couvrent pratiquement tous les aspects de la production. C'est aussi l'occasion de découvrir le film dans son format d'image initial, les précédentes éditions vidéo ayant été légèrement recadrées à la demande du directeur de la photographie (à noter, la mention quelque peu abusive de Harrison Ford dans les interprètes principaux, alors qu'on ne le voit que quelques minutes!).
 

lundi 12 décembre 2011

La Planète des Singes - Les Origines

(Rise of the Planet of the Apes)

Film de Rupert Wyatt (2011), avec James Franco, Andy Serkis, Freida Pinto, John Lithgow, Brian Cox, Tom Felton, etc.
























On ne peut pas dire que l’idée de refaire La Planète des Singes soit une des meilleures qu’Hollywood ait eues. Certes, dans les faits, la perspective d’un remake était alléchante, et on avait pas mal salivé en voyant défiler les noms de metteurs en scène prestigieux (dont James Cameron) attachés au projet. Puis, malgré la présence de Tim Burton aux commandes, il a bien fallu déchanter lorsque la nouvelle version est arrivée sur les écrans en 2001. Donc, honnêtement, la perspective de se repayer une tranche de révolte simiesque ne m’enchantait pas des masses. Et puis, finalement, les échos plutôt positifs aidant, le Strapontin a donc repiqué vers cette fameuse planète.



Il y avait quand même, à la clé, une idée très séduisante dans la série originale : celle de singes civilisés du futur qui créent la déchéance de la race humaine en revenant à notre époque à la faveur d’un voyage dans le temps. C’était la base de l’épisode 3, Les Evadés de la Planète des Singes. Seulement, le hic, c’est que Hollywood a décidé de faire table rase de tout ça, et de tout recommencer à zéro. Bon, soit. Après tout, pourquoi pas si on nous pond une intrigue qui tient la route.






Sur ce plan, Rise of the Planet of the Apes démarre plutôt bien : un scientifique (James Franco) teste sur des singes un sérum destiné à guérir la maladie d’Alzheimer. Et comme de bien entendu, ledit sérum aura des effets tout à fait insoupçonnés sur les primates, en stimulant leurs capacités intellectuelles. En fait, le film est surtout un prétexte pour mettre en avant les avancées technologiques en matière d’images de synthèse, et plus particulièrement tout ce qui concerne les expressions faciales. Il faut reconnaître que sur ce plan, la réussite est totale. Grâce au jeu incroyable d’Andy Serkis (qui avait déjà donné vie numériquement à King Kong et au Gollum de Lord of the Rings), le chimpanzé César est d’un réalisme saisissant. On ne peut malheureusement pas en dire autant de certains autres effets, qui puent la synthèse à plein nez.


Plutôt prenant dans sa première partie, Rise of the Planet of the Apes accumule un peu les clichés dans sa seconde. Le film y va de ses gros clins d’œil, avec la reprise de plusieurs répliques célèbres du film original (dont le fameux damn dirty ape !) ou l’apparition de Charlton Heston sur un ecran de TV (dans un extrait de The Agony and The Ecstasy). Les personnages secondaires ne sont pas très gâtés, entre la girlfriend potiche du scientifique ou le méchant gardien de zoo qui – on ne rigole pas! – est joué par le Drago Malefoy d’Harry Potter ! A croire que tout le budget a été investi dans les effets et que pour le reste, on se soit contenté du minimum syndical.
  




La révolte des singes donne quand même lieu à deux ou trois bonnes scènes, en dépit de quelques facilités (même si l'action se déroule à San Francisco, on n'était pas obligé de montrer les primates bondir à l'assaut d'un cable car!). Les séquences d'action restent lisibles, et ont même de la gueule, en particulier l'affrontement sur le Golden Gate.





 
Néanmoins, on mesure combien ce remake travaille en terrain balisé: le film de la saga originale dont il est vaguement inspiré, Conquest of the Planet of the Apes, proposait un commentaire social. Le soulèvement des singes, c'était un parallèle avec les émeutes raciales de l'époque. C'était pataud et maladroitement mis en scène par un tacheron (Jack Lee-Thompson), mais l'idée était bien là. Rien de cela ici, il est clair que nous avons affaire à un produit lisse et stérilisé. Et en définitive, le film ne trouve de véritable connexion avec les peurs de notre époque qu'au moyen d'un épilogue qui laisse la porte grande ouverte à une suite.



Pour conclure, ce nouvel épisode de la saga redresse un peu la balance après la débâcle du Tim Burton. En dépit de réelles qualités (en particulier un générique de fin vraiment extraordinaire), Rise of the Planet of the Apes est un peu trop timide et convenu pour emporter l'adhésion.




mercredi 30 novembre 2011

Les Aventures de Tintin (The Adventures of Tintin)

Film de Steven Spielberg (2011), avec Jamie Bell, Andy Serkis, Daniel Craig, Simon Pegg, Nick Frost, etc…

C’était un projet de très très longue date pour Spielberg, et pour parler franchement, on n’y croyait plus trop. Donc quand le réalisateur a annoncé il y a 2 ans qu’il mettait en chantier son Tintin, surprise générale. Encore plus lorsqu’on a appris qu’il comptait s’associer à Peter Jackson, le réalisateur du Seigneur des Anneaux, pour l’occasion. A partir de là, l’attente était bien évidemment à son comble, et tout le projet, entouré du plus grand secret, commençait à devenir fichtrement intriguant. On parlait de nouvelles technologies pour créer des images inédites… bref, largement de quoi attiser la curiosité des fans. Aujourd’hui, notre beau pays accueille en avant-première The Adventures of Tintin, et voici venu le moment décisif de savoir si le film remplit tous les espoirs qu’on avait pu placer en lui : la réponse est oui.


La question essentielle qui se posait, c’était de savoir si Spielberg allait parvenir à conserver l’esprit de la BD. Pas évident, surtout au vu des derniers exploits du père Steven (le calamiteux Indy 4). Et pourtant si. The Adventures of Tintin est un super-spectacle, qui (ce n’est pas incompatible) respecte l’œuvre d’Hergé. On a beaucoup mis en avant le procédé du motion capture, un peu comme si ce Tintin était un exploit dans ce domaine. C’est oublier un peu vite les tentatives de Robert Zemeckis (Le Pole Express ou Scrooge) qui n’étaient pas, c’est vrai, totalement convaincantes. Ici, la technique, remarquablement maîtrisée, crée un univers inédit : ce n’est pas vraiment un film d’animation en images de synthèse, ce n’est pas non plus un vrai film, c’est entre les deux. Qui plus est, je ne pesterai pas contre la 3D comme beaucoup en ce moment (on dirait que c'est presque devenu tendance de dénigrer le relief), car elle ici est utilisée plutôt intelligemment.


On retrouve dans The Adventures of Tintin ce côté intemporel de l’action, avec sa petite connotation années 60, et le scénario sait respecter les intrigues conçues par Hergé. Il y a même un joli clin d'oeil au dessinateur dans la première séquence. Le film arrive à ménager des temps de repos, et ne se croit pas obligé d’aligner les péripéties virtuoses les unes après les autres. La plus belle illustration est l’introduction du personnage de Haddock, qui acquiert quelque part une certaine épaisseur assez bienvenue et inattendue.



Ceci dit, le film n’est pas exempt de défauts et de maladresses. Le générique, une sorte de remake à la Hergé de celui de Catch Me if You Can, est intéressant, mais pas complètement réussi. De même, l’accompagnement musical de John Williams est trop envahissant. Autant j’ai pu admirer les précédentes partitions du compositeur pour Spielberg, autant celle-ci est décevante et manque de thèmes mémorables.




Au niveau de l’action, le film pourra sembler limite too much aux fans de la BD, et pourtant, le fait est qu’à l’écran, ça passe plutôt bien. Spielberg sait qu’il ne peut pas aller trop loin dans ce domaine, faute de trahir l’esprit de l’œuvre. Du coup, ces séquences sont suffisamment ébouriffantes pour contenter le public actuel, mais pas assez invraisemblables ou interminables pour devenir saoulantes comme celles qu’on voit à l’heure actuelle. La poursuite dans le souk est même un joli clin d’œil à la séquence du camion dans Les Aventuriers de l’Arche Perdue. Je suis moins enthousiaste, par contre, sur le flashback qui raconte l’histoire du Capitaine de Haddocque et qui va clairement trop loin dans le spectaculaire.


Pari réussi donc pour ce Tintin, qui, s’il n’est pas un des films les plus personnels de Spielberg, est un divertissement familial de haute volée. Il va sans dire qu’on attend la suite avec impatience ! La question qui se pose maintenant, c’est de savoir si notre fringant reporter arrivera à séduire le public américain. Verdict d’ici la fin du mois.