lundi 26 décembre 2011

Dressé pour Tuer

(White Dog)

Film de Samuel Fuller (1982), avec Kristi Mc Nicol, Burl Ives, Paul Winfield, Dick Miller, etc...






























White Dog fait partie, et c’est regrettable, de ces films maudits qui sont hélas très difficiles à voir. Et c’est bien dommage car cette parabole sur le racisme est une œuvre forte et intense, qui pose mine de rien beaucoup de questions sur son sujet. L’histoire est d’une très grande simplicité : une jeune comédienne (Kristy Mc Nichol) recueille un jour un chien errant, puis se rend compte qu’il s’agît d’un « chien blanc », dressé à attaquer les Noirs. Avec l’aide d’un dresseur (Paul Winfield), elle va alors essayer de « déconditionner » l’animal.



Quand Samuel Fuller réalise White Dog en 1982, Hollywood n’est pourtant pas aussi frileux qu’il l’est aujourd’hui. Qui plus est, toutes les précautions sont prises par la Paramount, qui distribue le film, pour ne heurter personne: des conseillers sont présents au moment de l’élaboration du scénario et du tournage, des avant-premières sont organisées, bref déjà, le projet est manié avec des pincettes. Cela n’empêchera pourtant pas les membres de la communauté black de rejeter le film en bloc. La Paramount, qui n’est pas en très bonne santé financière, ne prendra pas de risques, et remisera White Dog sur ses étagères. Par chance, le film sera tout de même distribué en Europe, mais pas en grandes pompes : en France, il sort en plein mois de juillet (à l’époque une période archi-creuse) et ne tient l’affiche que quelques semaines (le Strapontin était là !). Depuis, rien, nada : une seule et unique diffusion télé en deuxième partie de soirée, et aucune édition DVD.








A la vision de White Dog, on comprend ce qui a pu en déranger certains, car Fuller ne fait pas dans la demi-mesure. Les deux séquences d’attaque sont particulièrement violentes et intenses. Le film avait été conçu à la base comme un dérivé canin des Dents de la MerJaws with paws », « Les Dents de la Mer avec des pattes » ! comme disaient ses producteurs !), et cette influence est particulièrement évidente à ces moments-là. Il serait un peu simpliste de réduire le film à ce seul aspect spectaculaire. White Dog propose en effet une réflexion sur le racisme particulièrement intéressante, en l’assimilant à un véritable lavage de cerveau contre lequel on ne peut pas lutter. Le chien est manipulé, détourné de son rôle d’animal pour que ses instincts servent une idéologie créée par l’homme. En définitive, Fuller nous fait comprendre que dès que ce conditionnement touche ce que nous avons d’animal en nous, nos pulsions les plus violentes, il n’y a aucun retour possible et aucune échappatoire. Le discours est donc beaucoup moins simpliste qu’il n’y paraît.






White Dog n’est pas exempt de défauts, ceci dit. Le style de Samuel Fuller, c’est de la pure série B, réalisée rapidement et à l’économie. Du coup, certaines scènes ont un peu des allures de téléfilm, ce qui est un peu dommage. Kristi Mc Nicol, malgré toute sa bonne volonté, n’a pas vraiment la carrure nécessaire à un tel rôle. Mais c’est finalement bien peu de choses comparé à l’intensité émotionnelle du dénouement ou bien de l’efficacité des séquences de dressage. En même temps, Fuller ne se prive pas de petites touches d’humour assez bienvenues (la tirade de Burl Ives au sujet de R2D2) et puis un film où apparaît Dick Miller ne peut être foncièrement mauvais ! (ce n’est pas Joe Dante qui me contredira !)







Le réalisateur vivra très mal la mise au rancart de son film (il dira dans une interview que c’était comparable au fait de voir un de ses enfants emprisonné à vie), et avec le recul, on se rend compte combien White Dog anticipait l’avènement du politiquement correct dans le cinéma américain. Avec le recul, les réactions qu’il a provoquées apparaissent bien démesurées par rapport à son contenu réel. Il reste à souhaiter qu’avec le temps, il trouve enfin la reconnaissance qu’il mérite.













La Musique
Les mauvaises langues diront que la première chose qui vient à l’esprit quand on associe Ennio Morricone avec un chien, c’est la pub Royal Canin ! Or, s’il y a bien des ralentis dans White Dog, pas de mélodie sirupeuse à la « Chi Mai » ici ! La partition du film a été une victime collatérale de sa distribution erratique. Pourtant, on ne peut nier le rôle essentiel joué par la musique de Morricone dans le film. Elle lui apporte énormément, même si elle aurait sans doute gagné à être utilisée de manière un petit peu plus économe. La sur-utilisation du thème (par ailleurs très beau) a tendance à en amoindrir l’impact, mais on ne peut nier son efficacité indéniable dans les moments forts. Un album avait été prévu au moment de la sortie, mais il a bien évidemment été annulé, et il a fallu attendre l’année dernière pour que la partition soit enfin éditée (FSM Vol. 13 n° 3). Le CD pourra paraître répétitif, vu qu’il reprend la musique telle qu’elle apparait dans le film, mais on peut programmer l’écoute de façon à refléter l’album initialement conçu par Morricone.

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