dimanche 24 avril 2011

Grindhouse

Films de Robert Rodriguez et Quentin Tarantino (2007) avec Freddy Rodriguez, Josh Brolin, Marley Shelton, Rosario Dawson, Rose Mc Gowan, etc...

Difficile de trouver un projet aussi zarbi que celui-ci : les deux wonder boys du cinéma indépendant, je veux citer Quentin Tarantino et Robert Rodriguez, rendent à leur façon hommage aux exploitation movies du cinéma américain, ou plus simplement les grindhouse, ces cinés qui montraient généralement des films de série Z. Difficile, donc, de trouver plus référentiel. On avait déjà reproché aux deux compères d’en faire un peu trop dans ce domaine, mais là c’est le pompon ! C’est sans doute pourquoi les films ont très moyennement marché. Outre leur qualité formelle (on est loin de Pulp Fiction, c’est clair), il ne semblent s’adresser qu’à une frange du public qui connaît et apprécie ce genre de cinéma. En clair, si vous ne connaissez ni Roger Corman, ni Point Limite Zéro, il y a de fortes chances pour que bon nombre des références du Tarantino vous passent largement au-dessus de la tête. Quant au Rodriguez, si vous n’aimez pas les films de zombies qui tâchent beaucoup, mieux vaut éviter !

Les deux films, Planet Terror et Death Proof, devaient à l’origine former un seul et unique programme et s’enchaîner comme si on assistait à une projection de nanars dans un cinéma de quartier, avec fausses bandes-annonces et tout et tout. Mais bon, comme il s’agissait là d’un concept trop américain, les distributeurs ont cru bon de sortir les films séparément à l’étranger (ce qui du coup à aussi permis des rentrées supplémentaires dans les tiroirs caisse !). Afin de jouer le jeu dans le genre vieux navet projeté dans une copie pourrie, les réalisateurs ont bidouillé l’image en y rajoutant des saletés, des griffures, des sautes de son… Il y a même un moment où la pellicule crame (merci Joe Dante et Gremlins 2 !).

Le problème, c’est que les films dont on s’inspire ici étaient des productions fauchées, réalisées avec de petits moyens… Tout l’inverse de ce qui nous est proposé, puisque Rodriguez et Tarantino y vont à fond dans les effets spéciaux de maquillage sophistiqués ou les cascades de voitures impressionnantes. C’est assez paradoxal de vouloir rendre hommage à un cinéma au rabais avec de gros moyens, mais finalement, c’est assez symptomatique de la manière de fonctionner des réalisateurs. Ils se préoccupent davantage d’aligner des concepts ou des idées cool sans se préoccuper de la véritable efficacité dramatique du film. D’où des films creux, assez marrants à regarder certes, mais dont il ne reste pas grand-chose après la projection. 






Planet Terror, de Rodriguez, est sans doute le plus réussi des deux, encore que le réalisateur ne se foule pas beaucoup en reprenant, à peu de chose près, la trame d’Une Nuit en Enfer. Le scénario est inexistant, par contre, le film ne se donne aucune limite dans le gore : c’est un véritable défilé de démembrements, d’éviscérations, de tripes et de pustules qui suintent !  Sorti de cela, ça tourne un peu en rond.



Il faut dire qu’hormis dézinguer du mort-vivant, il n’y a pas beaucoup à faire dans ce genre de films, donc Rodriguez meuble comme il peut, avec des conversations sur les méthodes pour bien faire cuire la viande. De temps en temps, une petite idée sympa montre le bout de son nez (Marley Shelton et ses trois seringues) mais c’est tout. Et puis surtout le film manque cruellement d’humour. Hormis les rires bien gras que provoquent les effets spéciaux too much, c’est très très pauvre… Et Tarantino est vraiment très mauvais dans son rôle de militaire obsédé.


Death Proof, de Tarantino, c’est une autre farine ! Déjà, ça commence mal, avec un tunnel de 20 minutes de dialogues entre les quatre héroïnes… et pas du dialogue inspiré, à la Pulp Fiction. Non, du dialogue inintéressant, et qui en plus, ne parvient même pas à rendre les personnages attachants. Puis Kurt Russell fait son entrée dans le rôle de « Stuntman Mike », un cascadeur à la retraite. Je ne parle pas de la suite, afin de ne pas gâcher le peu de surprise que comporte le film. Disons seulement que le dernier quart est une poursuite automobile interminable, et que ça se termine en eau de boudin.


Tarantino nous a habitué à beaucoup mieux. Où est la construction alambiquée de ses meilleurs films ? Le brio des dialogues ? Envolés ! C’est une chose de vouloir, comme dans Kill Bill, rendre hommage à un certain cinéma bis et nanaresque, sauf qu’à la base, cela reste quand même, n’en déplaise à certains, du mauvais cinéma. On retrouve ici le défaut majeur d’un metteur en scène qui ne semble œuvrer que pour la poignée de geeks qui saisira les nombreuses références dont le film est parsemé.  A trop vouloir faire dans le clin d’œil, il en oublie de faire du cinéma.




Un concept risqué pour un résultat bizarre et pas très convaincant. Robert Rodriguez, dans ses excès, reste fidèle à lui-même et à ses défauts. Quentin Tarantino, quant à lui, a su depuis retrouver une certaine inspiration avec le bien meilleur Inglorious Basterds. A voir à moitié, donc, et par curiosité.



jeudi 21 avril 2011

Source Code

Film de Duncan Jones (2011), avec Jake Gyllenhall, Michelle Monaghan, Vera Farmiga, Jeffrey Wright, etc.

Après le brillant Moon, on attendait au tournant le réalisateur Duncan Jones (qui, pour ceux qui ne le sauraient pas encore, n’est autre que le fiston de David Bowie). Si ce Source Code n’est pas aussi ébouriffant, c’est néanmoins une petite réussite, un thriller adroit et malin qui réserve son lot de surprises.

Résumons-nous : notre héros doit prévenir un attentat dans un train et il a très exactement 8 minutes pour le faire, ou sinon Chicago sera rayé de la surface du globe. Mission impossible ? Pas exactement, car grâce à un programme militaire ultra-sophistiqué, il a la possibilité de remonter le temps … mais sur une durée limitée (les fameuses 8 minutes) ! Bon, bien sûr, dès que le film essaie d’expliquer tout ça, on sent que ça pédale légèrement dans la semoule, mais dans le fond, on s’en fout un peu. Comme de nombreux films avant lui, Source Code manie avec plus ou moins de bonheur les paradoxes spatio-temporels et les réalités parallèles, et évite de trop se prendre les pieds dans le tapis. Une fois qu’on a admis le postulat abracadabrantesque, on joue le jeu avec beaucoup de plaisir. Les fausses pistes abondent, et même si certaines ficelles sont un peu grosses, on marche à fond. Avec beaucoup d’adresse, Duncan Jones nous fait (sans mauvais jeux de mots !) prendre le train en marche, ne nous révélant que petit à petit les différents rouages de l’intrigue, et finalement, dans ce dédale où rien n’est vraiment ce qui nous semble, le personnage de Jake Gyllenhall n’est pas si éloigné que cela du Sam Rockwell de Moon. La love story qui se noue avec la belle Michelle Monaghan a le mérite d’éviter le sentimentalisme neu-neu et de bien s’intégrer à l’histoire, ce qui nous vaut aussi quelques plans assez réussis. Bien que le film soit basé sur la répétition, Jones sait ajouter de temps à autre des petites touches visuelles bienvenues (l'explosion filmée au ralenti) et même poétiques (le plan "figé" à l'intérieur du wagon). La construction de l’intrigue sait ménager la surprise et quel bonheur que la mise en scène ne soit pas saturée d’effets clipesques ou de cadrages parkinsoniens ! Enfin Source Code, avec son classicisme bon enfant, remplit parfaitement son contrat, et c’est avec beaucoup de plaisir que l’on suit ce cocktail d’action, de suspense et de S.F., qui tient à la fois d’Un Jour Sans Fin  et de 24. Très agréable.


jeudi 14 avril 2011

Chute Libre

(Falling Down)
Film de Joel Schumacher (1993), avec Michael Douglas, Robert Duvall, Barbara Hershey, Tuesday Weld, etc.




















Un homme coincé dans sa voiture pendant un embouteillage. C’est le point de départ d’un des films les plus atypiques des années 90, Falling Down. L’itinéraire à la fois drôle et tragique d’un personnage « en guerre contre la société » (c’est le slogan français du film) qui ne cherche qu’une seule chose : revoir sa fille le jour de son anniversaire.



C’est toujours une petite surprise quand un metteur en scène plutôt moyen accouche subitement d’une belle réussite. Joel Schumacher n’a pas grand’chose pour lui : c’est un tâcheron habile, capable tout aussi bien de vous torcher un Batman (l’imbuvable Batman Forever) qu’un thriller mou du genou comme 8 mm, bref pas le gars dont on attend a priori qu’il révolutionne l’histoire du cinéma.







D’où la surprise que provoque ce Falling Down : c’est à la fois une charge hargneuse et comique contre la société, un manifeste social, une comédie de mœurs, un drame psychologique…  Réussite toute relative tout de même : ce n’est pas grâce à la réalisation appliquée de Schumacher que le film réussit, mais uniquement par la force de son scénario et la puissance de ses interprètes.







Au premier degré, Falling Down provoque un plaisir jubilatoire. Il faut voir Michael Douglas pêter les plombs et se déchaîner contre les petits travers de la vie quotidienne. Lorsqu’il attaque un chantier au bazooka ou qu’il brandit une mitraillette contre des employés de fast-food stupides, il part en guerre contre l’injustice et la bêtise comme nous souhaiterions parfois le faire dans notre vie de tous les jours. Dans ces moments de grâce, le film se lâche complètement, et se met au diapason de son (excellent) script.







Le scénario de Ebbe Roe Smith est très intelligent, dans le sens où il ne nous dévoile que progressivement ce qui pousse D-Fens, le personnage principal, à agir comme il le fait. En parallèle, un inspecteur de police vieillissant, à la veille de la retraite (splendide Robert Duvall), trouvera comme une nouvelle raison de vivre à travers cette enquête. Les deux personnages possèdent chacun des blessures intérieures, et le film nous montre avec beaucoup de finesse ces petits détails qui les lient. Et puis, une fois n’est pas coutume, Falling Down met aussi en scène une certaine Amérique, qui n’est plus aussi sûre de ses propres valeurs. Bien sûr, la critique sociale est juste esquissée, mais elle l’est avec suffisamment de conviction pour nous amener à réfléchir.





Le vrai vainqueur du film, c’est Michael Douglas. Je dois le dire honnêtement, il ne m’avait jamais convaincu jusqu’à présent, à une ou deux exceptions près. J’ai toujours trouvé sa personnalité trop lisse, limite opaque : on a l’impression d’un jeu trop «contenu», qui ne se laisse pas assez aller. Le personnage de D-Fens exploite dans un premier temps ce côté un peu figé de sa façon de jouer, mais dès que le scénario lui laisse la bride sur le cou, c’est un véritable festival !






Il sait aussi magnifiquement manier l’émotion, comme dans la scène où il annonce à son ex-femme que son retour est inéluctable parce qu’il a « dépassé le point de non-retour ». C’est un moment très beau, baigné dans une lumière bleue irréelle, où son interprétation est magnifiquement complétée par la musique mélancolique de James Newton-Howard. A travers ce personnage de rebelle, Michael Douglas évoque plus d’une fois les personnages atypiques que son père Kirk pouvait jadis tenir.






Porté par des dialogues crépitants et des situations pittoresques, Falling Down ne souffre en définitive pas trop de sa réalisation impersonnelle. Il faut porter au crédit de Schumacher l’habileté avec laquelle il fait déraper la satire sociale vers l’émotion. Quand Douglas s’étonne à la fin du film, « c’est moi le méchant ? », il parle au nom de tous les laissés pour compte que l’Amérique a laissé sur le bas-côté parce qu’ils n’étaient pas « économiquement viables ». Pas un grand film, mais un film très fort.






Le Trombinoscope
Une fois n'est pas coutume, beaucoup de monde dans le trombi cette fois-ci, et pour cause, puisqu'il s'agît d'un film d'acteurs. Outre Michael Douglas, mentions spéciales à Robert Duvall, dont le jeu nuancé et chaleureux fait des merveilles ici, à Frederic Forrest qui surjoue à mort dans le rôle d'un gros faf néo-nazi, et Raymond J. Barry, qui compose un chef de la police parfaitement détestable. Enfin, Rachel Ticotin partageait la vedette de Total Recall avec Schwarzie.


Michael Douglas
Robert Duvall
Barbara Hershey
Tuesday Weld
Rachel Ticotin
Frederic Forrest
Lois Smith
Michael Paul Chan

Raymond J. Barry

lundi 11 avril 2011

Sidney Lumet (1924-2011)

Un petit mot pour signaler la disparition du réalisateur américain Sidney Lumet. Pas un chouchou du grand public, mais un metteur en scène discret, qui savait s'effacer derrière son sujet. Il a donné au cinéma américain quelques uns de ses grands moments: la confrontation des jurés de Douze Hommes en Colère, le hold-up raté d'Un Après-Midi de Chien, le cauchemar nucléaire de Point Limite, le cambriolage du Gang Anderson... plus ce qui reste un de mes films de chevet, son impitoyable charge contre la télévision qu'est Network. Un film visionnaire qui, même 30 ans après sa sortie, sonne toujours aussi juste. J'y reviendrai dans une prochaine chronique.

Le Royaume de Ga'Hoole - La Légende des Gardiens

(Legend of the Guardians: The Owls of Ga'Hoole)

Film de Zack Snyder (2010) avec les voix d'Emily Barclay, Jim Sturgess, Geoffrey Rush, Helen Mirren, etc.




















Quoi de plus improbable qu’un film avec des chouettes, qui plus est réalisé par Zack Snyder (qui avait quand même signé ce sommet du peplum couillu qu’est 300) ? Eh bien, détrompez-vous ! Si l’association peut prêter à sourire, le résultat est un beau film d’animation qui devrait enchanter toute la famille.



Décidément, on aura tout vu dans le domaine des images de synthèse ! Alors des chouettes, pourquoi pas ? L’intrigue est assez convenue, avec des arrières-plans myhologiques qui finissent par devenir une réalité pour les deux jeunes héros de l’histoire. D’emblée, la bonne idée, c’est d’avoir basé tous les personnages sur des races de chouettes différentes. Il y en a tellement qu’on se dit au début que les concepteurs du film se sont lâchés et en ont inventés certains, eh bien non.




D’ailleurs, de manière assez éducative, le DVD vous en apprend un sacré rayon dans ce domaine, donc sans avoir la lourdeur d’un cours d’ornithologie, le film est quand même sacrément documenté. L’histoire, bien que prévisible, est assez agréable à suivre, et le design des personnages est assez bluffant : les chouettes sont tellement mignonnes et la texture de leurs plumes tellement réussie qu’on a illico presto envie de les adopter !






Mais là où Legend of the Guardians assure vraiment, c’est dans tout son aspect visuel. Déjà, dès les premières images où une chouette vole autour du logo Warner Bros, on se dit que ça va être du lourd ! Les décors, tout d’abord, sont d’un luxe de détails incroyable, et certains plans sont vraiment d’une beauté renversante. Et comme si cela ne suffisait pas, Snyder filme les séquences de vol de manière ultra-dynamique et ses héros comme s’ils étaient des avions de combat. C’est visuellement époustouflant, et toujours lisible, au contraire de bien des films d’action actuels.


On retrouve, en clin d’œil visuel, les effets de ralenti/accéléré chers au réalisateur, toujours utilisés en situation. Il n’y a guère que la musique, pompière et omniprésente, qui en fasse trop. L'ambiance teintée de magie rappelle même, à certains moments, ce petit chef d'oeuvre méconnu du dessin animé qu'est The Secret of NIMH. Bien sûr, on pourra trouver que la luxuriance de cet univers évoque plus d’une fois Avatar, mais je dois avouer bien humblement que les volatiles de Snyder m’ont davantage convaincus que les schtroumpfs de Cameron. En conclusion, un film rudement chouette !






samedi 9 avril 2011

Sans Plus Attendre (The Bucket List)

Film de Rob Reiner (2007) avec Morgan Freeman, Jack Nicholson, Rob Morrow, Sean Hayes, Beverly Todd, etc.  


A priori, je n’en attendais pas grand’chose. Au moins je me disais que ce film, calibré pour deux mégastars, avait au moins pour lui un pitch de départ assez intriguant : deux patients en phase terminale qui décident de concrétiser leurs rêves les plus fous avant leur mort. Je comptais aussi un peu sur la présence derrière la caméra de Rob Reiner, qui avait quand même signé à ses débuts des choses bien agréables comme The Sure Thing, Stand by Me ou When Harry Met Sally. Peine perdue! The Bucket List est une comédie formatée sur mesure et sans une once de surprise. Morgan Freeman nous ressert son numéro de vieux sage, Jack Nicholson fait du Nicholson, bref rien de nouveau sous le soleil. Pourtant, si les scénaristes s’étaient seulement donnés la peine de creuser un peu leur sujet, au lieu de faire dans l’émotion facile… 

Pire, les deux monstres sacrés n’ont même pas des dialogues à la hauteur. Ce ne sont que banalités sur la nécessité d’apporter le bonheur autour de soi, de ne pas vivre que pour soi-même, le tout débité dans des décors de carte postale. Le film aurait au moins pu avoir une certaine valeur sur le plan humain, mais ce n’est même pas le cas, puisqu’on vous y démontre que finalement, pour bien vivre sa mort, il suffit d’avoir un milliardaire comme compagnon de chambre, ça aide pour réaliser ses rêves ! Donc, au final, une rencontre Freeman/Nicholson complètement foirée qui donne un mélo aux allures de mauvais téléfilm. 


mardi 5 avril 2011

Requiem for a Dream

Arrêts sur Images

Requiem for a Dream a été un projet très difficile à monter pour Darren Aronofsky. Le succès de son premier film, Pi, réalisé avec un budget très modeste, lui permet de choisir un projet plus risqué, l’adaptation du roman d’Hubert Selby Jr. Selby, dont le livre Last Exit to Brooklyn avait déjà été porté à l’écran, décrit dans ses œuvres un monde impitoyable où drogue, prostitution et déchéance emmènent les personnages au fond du gouffre. Un sujet pas très Hollywoodien, donc. Ce qui explique pourquoi Requiem a été financé par des producteurs indépendants, la compagnie Thousand Words, et distribué par Artisan, qui s’était fait une spécialité de soutenir des films plus difficiles.


Un style visuel très musical
Avec ses hip-hop montages, comme il les définit lui-même, Aronofsky utilise les images comme un musicien se servirait d’échantillons sonores, de samples pour construire une chanson. Par leur association très rapide, le réalisateur nous montre l’effet du shoot, très rapide et non persistant. Il est d’ailleurs répété à de nombreuses reprises dans le film, pour accentuer le côté obsessionnel.





Outre la prise de drogue, un autre montage est utilisé pour décrire l’ascension fulgurante de Harry et de son business de dealer. La rapidité des coupes traduit alors un mouvement d’une vitesse excessive, qui va finir par dépasser les personnages eux-mêmes. Notez que les images de deal sont mélangées avec d’autres montrant une prise de coke. Le son joue également un rôle capital, puisque ces montages sont bruités de manière excessive et très répétitive.







Le split-screen
Popularisé par Brian De Palma ou la série 24, ce procédé vise à partager l’écran en deux afin de montrer au spectateur deux actions simultanées. En général, l’effet est plutôt utilisé pour augmenter le suspense en créant un point de vue supplémentaire. Dans Requiem, au lieu de renforcer l’implication du spectateur, le split-screen isole les personnages, comme dans la scène d’ouverture entre Harry et sa mère. Darren Aronofsky, dès les premières images, nous fait comprendre que chacun se retrouvera finalement seul face à son destin.




 
L’effet est d’ailleurs perturbant sur la scène d’amour, dans laquelle les images des deux amants sont légèrement décalées l’une par rapport à l’autre.





Distorsions de la réalité
Des quatre histoires, la plus poignante est sans doute celle de Sara. C’est aussi la plus explicite sur le plan visuel, puisque le réalisateur appuie ses hallucinations par l’utilisation d’objectifs déformants. Le fish eye, qui arrondit et altère la perspective, est utilisé à de nombreuses reprises, notamment lors de la scène de visite chez le médecin.







La SnorriCam
Déjà utilisé dans Pi, ce procédé consiste à fixer la caméra sur l’acteur lui-même, au moyen d’un harnais. Ainsi, à l’image, l’acteur reste fixe alors que le décor bouge.



L’effet est donc assez déstabilisant et crée un effet de vertige, ce qui est assez approprié dans des scènes où les personnages du film perdent contact avec la réalité.


Ellen Burstyn harnachée pour sa scène de SnorriCam


Chacun d’entre eux possède d’ailleurs sa propre séquence de SnorriCam, sauf Harry. La séquence a été tournée, mais le réalisateur n’était pas satisfait du résultat, il l’a donc supprimée du film.


... et Marlon Wayans équipé à l'identique!




L’accéléré
Pour accentuer la perte de la notion du temps, Aronofsky utilise l’accéléré dans une très belle scène où l’on voit Sara faire le ménage à toute vitesse dans son appartement. L’innovation, c’est qu’au lieu d’être en plan fixe, la caméra bouge pendant la séquence.


Décomposition des plans de la séquence du "ménage"


Le résultat a été obtenu grâce à une caméra contrôlée par ordinateur, la « Milo », qui était réglée pour enregistrer l’action au ralenti. Un effet similaire est utilisé lorsque Sara fuit son appartement et se retrouve dans la rue.




Le Rythme du Film
Il s’accélère au fur et à mesure de la progression de l’histoire. Les scènes plus lentes du début nous permettent de mieux nous identifier avec les personnages, puis imperceptiblement, leur durée diminue de plus en plus, le montage s’accélère jusqu’au final, qui nous montre simultanément les quatre destins qui se brisent de la manière la plus atroce qui soit. Comme le dit Big Tim dans le film... "Showtime!", et c'est parti pour 10 minutes d'une intensité incroyable, que leur montage en parallèle rend plus puissantes encore.





Jugée trop intense par le comité de censure américain, la séquence vaudra à Requiem le visa maximum avant le X , le NC-17, qui le condamne à un circuit de salles restreint et une absence de publicité. Néanmoins, Artisan, le distributeur du film, aura le courage de distribuer tel quel, au lieu de le faire remonter pour satisfaire la Censure. Pour satisfaire certaines chaînes de distribution vidéo, Aronofsky travaillera sur une version "adoucie", faisant sauter quelques plans jugés trop choquants. Ce montage ne sera exploité qu'aux USA, celui distribué en France correspond à la version intégrale.


Tappy Tibbons
L’émission de télé qui obsède Sara est bien sûr parfaitement imaginaire. C’est une sorte de séminaire où un présentateur nommé Tappy Tibbons vous propose de changer votre vie en 30 jours.





C’est l’acteur Christopher Mc Donald, habitué des séries TV, qui le personnifie brillamment. Le programme, sorte de mixte entre le télé-achat et les variétés, est plus vrai que nature (et pour cause ! Aronofsky a même créé de fausses pubs qu’on peut trouver en supplément sur le DVD du film !). De façon assez humoristique, il est d'ailleurs totalement en phase avec le thème du film, la dépendance, puisqu'il propose d'améliorer son quotidien par la privation (3 règles: "Pas de sucre", "Pas de viande rouge" et "Pas d'orgasme"!).




Et après ?
La critique a été assez partagée sur Requiem, mais a globalement applaudi le travail de mise en scène de Darren Aronofsky. Ce dernier tournera ensuite, plusieurs années plus tard, le très beau The Fountain, un film inclassable qui sera hélas boudé par le public et une bonne partie de la critique. Mais la véritable révélation, ce sera The Wrestler, superbe évocation de la vie d'une superstar du catch sur le retour, avec un Mickey Rourke bouleversant. Une rupture totale avec Requiem, puisqu'il sera tourné dans un style quasi-documentaire. Enfin, Black Swan renouera avec les personnages torturés par leurs hallucinations, mais dans une forme beaucoup plus classique.