jeudi 20 décembre 2018

eXistenZ

Film de David Cronenberg (1998), avec Jennifer Jason Leigh, Jude Law, Ian Holm, Don Mc Kellar, Callum Keith Rennie, etc…

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Pour la plupart des admirateurs de David Cronenberg, eXistenZ fait figure d’œuvre mineure. Certes, on n’y trouve pas la dimension tragique et puissamment dérangeante de films comme The Fly ou Videodrome, mais il n’en reste pas moins un film particulièrement original, qui trouve une résonnance inattendue dans le développement exponentiel de l’univers du jeu video.


vlcsnap-2018-12-02-16h17m14s13eXistenZ se situe à un moment un peu particulier dans la carrière de David Cronenberg. Après des débuts dans le film de genre, puis un gros succès public (celui de The Fly), il commence à être reconnu  et pris au sérieux. La présentation de son Crash au festival de Cannes provoque à la fois le scandale et l’enthousiasme, et une frange de la critique commence à ouvrir les yeux sur le style si particulier du réalisateur. Mais pour beaucoup, eXistenZ n’est qu’une variation en mode mineur sur un de ses chefs d’œuvre, Videodrome. Pourtant, le film vaut beaucoup mieux que cela.





vlcsnap-2018-12-02-16h38m44s148On pourrait presque dire que Cronenberg ferme avec lui toute une lignée de films torturés, dans lesquels on retrouve ses obsessions favorites, en particulier cette fascination pour les mutations organiques, la révolte du corps à l’insu de celui qui l’habite. En le mettant en parallèle avec le monde des jeux vidéo, le réalisateur lui rattache des développements inattendus, qui sont eux parfaitement raccord avec ses thèmes chéris. C’est un point de départ, un terreau pour la création d’un univers parfaitement inattendu.






vlcsnap-2018-12-02-16h20m08s217Car bien évidemment, Cronenberg ne se refait pas. Chez lui, les consoles de jeu, les gamepods, sont carrément vivantes, et se branchent en direct sur la colonne vertébrale du joueur au moyen d’une prise, gentiment appelée bioport, qu’on peut vous poser n’importe ou en deux temps trois mouvements en vous perçant un trou dans la moelle épinière au moyen d’un pistolet pneumatique. D’ailleurs, même le garagiste du coin, qui a d’ailleurs la dégaine de Willem Dafoe, est capable de vous en poser un ! Une fois passée l’installation, la console, branchée en direct sur le joueur, se nourrit de son énergie. Et ce n’est qu’un des concepts bizarros que propose le film.





vlcsnap-2018-12-02-16h32m07s240Il ya aussi le gristle gun, un revolver constitué d’ossements et qui tire… des dents. Et puis aussi toute une ribambelle d’amphibiens divers et variés, bref tout un univers résolument organique et un tantinet révulsant où les mutations sont monnaie courante. Outre le fait de se replacer dans les courants d’inspiration et l’esprit du réalisateur, le film développe également un univers à l’opposé du modernisme voulu par le sujet, puisque tout y est low tech au possible. Pas d’accessoires futuristes ni de gadgets délirants, eXistenZ c’est The Matrix revisité par Jerome Bosch.





vlcsnap-2018-12-02-16h20m41s46Le discours sur les jeux vidéo, loin d’être bêtement critique, dérape au contraire vers des résonnances religieuses. La créatrice du jeu, Allegra Geller, est assimilée à une prêtresse, et ce n’est pas un hasard si le début et la fin du film se déroulent dans une église. Mais en même temps, le décor ne trahit pas la volonté de dépouillements voulue par le film. Si les accessoires sont loin d’être modernes, le décor l’est aussi. Au contraire, Cronenberg prend un malin plaisir à jouer avec la crasse et la saleté, qu’il confronte bien souvent avec l’aspect très organique de ses créations.





vlcsnap-2018-12-02-16h38m38s77Le réalisateur ne résiste pas non plus à la tentation de choquer, en jouant comme à son habitude sur les détails sanguinolents ou gore. Il s’amuse également à placer des connotations érotiques qui, si elles restent très soft par rapport à ses habitudes, ajoutent une touche supplémentaire au mélange des genres. Après un Crash ouvertement provocateur, eXistenZ met la pédale douce et préfère égarer le spectateur dans un jeu de miroirs ou rien n’est véritablement réel ou virtuel. Tout comme dans Videodrome, les personnages perdent contact avec la réalité et deviennent incapable de la distinguer de l’univers virtuel où ils évoluent.





vlcsnap-2018-12-02-16h27m45s190C’est de toute évidence une récréation pour Cronenberg, qui ne développe pas ici de thématique aussi dérangeante et extrême que dans ses meilleurs films. On pourrait même qualifier eXistenZ de version light de Videodrome. Réalisé à une époque ou le réalisateur se tournait avec plus ou moins de bonheur vers des projets plus ambitieux, on dirait presque qu’il y conclut un cycle placé sous le signe du cinéma de genre… d’où peut-être la déconvenue de certains fans qui attendaient un véritable feu d’artifice, alors que le film préfère aborder son sujet sur un mode mineur et discret.





vlcsnap-2018-12-02-16h29m41s62Bien évidemment, tout cela ne se déroule pas sans fausses pistes. Cronenberg prend même un malin plaisir à égarer le spectateur dans une intrigue biscornue qui se sait pas où elle va, reflet même d’un univers de jeu où on doit trouver ses marques pour gagner la partie. Mais ici, les enjeux sont flous, volontairement mal définis pour que le public s’y perde, puis se laisse prendre par la main et au final manipuler. On se promène dans eXistenZ, c’est le but du jeu, et c’est aussi ce qui pourra rebuter ceux qui y chercheront une narration plus cadrée.





vlcsnap-2018-12-02-16h43m22s88Dans sa conclusion, eXistenZ révèle sa véritable nature. L’aspect religieux, esquissé au début du film, prend alors toute sa signification au cours d’un épilogue qui rebat les cartes. De la religion au fanatisme, il n’y a qu’un pas, et eXistenZ trouve alors des résonnances inattendues, qui sont encore plus troublantes à l’heure actuelle. Mais Cronenberg, malin, n’est pas là pour tomber dans le prêchi-prêcha. Au contraire, il se permet un dernier pied-de-nez, un ultime jeu de miroirs, renvoyant le spectateur au beau milieu des faux-semblants.





C’est cet univers, esquissé mais pas vraiment défini, qui fait tout le prix d’eXistenZ. D'entrée de jeu, il ne cherche pas à rivaliser avec le visuel délirant des univers virtuels qu’il décrit (The Matrix, sorti quelques mois auparavant, avait déjà placé la barre très haut dans ce domaine), mais créée au contraire un subtil décalage, qui lui permet de lancer des pistes de réflexion sur le jeu et tout ce qui gravite autour. C’est une approche déconcertante mais sacrément intelligente, qui a le mérite de se replacer avec adresse dans les courants d’inspiration Cronenbergiens.  eXistenZ, sous ses dehors de film mineur et convenu, est une méditation sur le virtuel, qui n’a rien perdu de son originalité, et dont certains échos résonnent encore plus violemment aujourd’hui. Tordu et génial.



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Le Trombinoscope

Reconnaissance critique oblige, de nombreux acteurs “établis” veulent désormais travailler avec David Cronenberg. On retrouve donc, au générique d’eXistenZ plusieurs visages connus, comme Ian Holm ou Willem Dafoe, ainsi que Jude Law, qui venait d’être révélé par Gattaca ou bien Christopher Eccleston, découvert dans Petits Meurtres entre Amis de Danny Boyle. Pour le rôle principal, le choix de Jennifer Jason Leigh ajoute une dimension particulière, car l’actrice a toujours choisi d’incarner des personnages atypiques. Enfin, on notera la présence dans le casting de Robert A. Silverman, un acteur canadien, fidèle de Cronenberg, puisqu’on le retrouve dans pas mal de ses premiers films.


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Le Générique

Les génériques, chez Cronenberg, c’est toujours quelque chose de particulier. Le réalisateur les envisage comme une sorte de vestibule pour le spectateur, qui abandonne son univers pour rentrer dans celui du film. Il accorde donc une importance toute particulière à ce moment qui prépare le public en établissant l’ambiance. Celui d’eXistenZ a été réalisé par la société canadienne Cuppa Coffee Animation, et concu par Robert Pilichowski, assisté de Margaret Lee. Il reprend les motifs du film, en mettant l’accent sur les matières, par opposition au film qui va nous entraîner dans un univers totalement virtuel.


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existenzshoreLa Musique

Comme d’habitude, le réalisateur a eu ici recours à son compositeur fétiche, Howard Shore, avec qui il collabore depuis The Brood. Et comme toujours, le mariage entre image et musique fonctionne parfaitement. La composition de Shore, avec ses accords répétitifs, établit dès le générique une ambiance hypnotique, grave et comme toujours chez Cronenberg, marquée par un ton profondément triste et mélancolique. Moins spectaculaire et flamboyante que la partition de The Fly, celle d’eXistenZ peut paraître plus aride et moins inspirée. Elle est en revanche parfaitement adaptée à l’univers troublant du film, où les repères de la réalité s’effacent et ne sont pas clairement définis.

L’album de la B.O. (RCA Victor 09026 63478 2) est devenu une rareté, mais propose une expérience ensorcelante qui en fait l’un des points forts de la collaboration Shore/Cronenberg. Attention, toutefois, ceux qui ne connaissent du compositeur que les envolées lyriques de Lord of The Rings risquent fort d’être décontenancés, voire déçus par le caractère plus intimiste et sombre de cette partition.



Le Clin d’Oeil

Cronenberg n’est pas un familier des citations et des clins d’oeil, mais on en trouve tout de même un dans eXistenZ, sous la forme d’un jeu, Hit by A Car, qui, si l’on en croit l’accroche publicitaire, “vous met dans le siège du conducteur”. C’est bien évidemment une auto-citation de Crash, que le réalisateur avait signé quelques années plus tôt.


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La Rencontre

C’était le 27 novembre dernier à Paris, en présence de David Cronenberg et d’Howard Shore. Une master class d’autant plus précieuse qu’il est rarissime (pour ne pas dire exceptionnel) de confronter à cette occasion un réalisateur et son musicien. Organisée conjointement par l’UCMF (Union des Compositeurs de Musique de Film) et la SACEM, cette rencontre a été l’occasion pour le metteur en scène de réaffirmer l’importance de la contribution de son compositeur, au gré d’anecdotes savoureuses et passionnantes.



Compte tenu de la durée de l’évènement (une petite heure et demie), il ne leur a pas été possible de couvrir en détail toutes les facettes de leur collaboration, mais on sent à chaque instant le profond respect que se portent mutuellement ces deux énormes artistes.


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L’intégralité de la master class est disponible (en anglais non sous-titré) ici, sur la page Facebook de l’UCMF.
Et pour la minute fan, il a même été possible d’échanger après la rencontre avec David Cronenberg et Howard Shore, qui se sont gentiment prêtés au jeu des dédicaces et des selfies.



dimanche 8 juillet 2018

Les Indestructibles

(The Incredibles)

Film de Brad Bird (2004), avec les voix de Craig T. Nelson, Holly Hunter, Sarah Vowell, Spencer Fox, Jason Lee, etc…

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A la base des The Incredibles, il y a, comme dans tous les Pixar, une idée géniale, du genre de celles dont on se demande pourquoi on n’y avait pas pensé avant. En clair, les super-héros sont des gens comme les autres. Ils sont confrontés aux mêmes problématiques que vous et moi, sauf qu’ils doivent sauver la veuve, l’orphelin, son chat, voire accessoirement le monde. Pas facile après une journée de boulot comme agent d’assurances.



vlcsnap-2018-07-04-21h47m10s29A l’époque de la sortie du film, on n’était pas encore ensevelis sous les Marveleries à répétition. Les Spiderman de Sam Raimi avaient commencé à poser quelques timides jalons, mais on n’en était pas encore au stade de l’avalanche actuelle de super-héros aux super-pouvoirs. Un cadre idéal pour une déclinaison originale du concept. Car si The Incredibles fonctionne si bien, c’est qu’il marie avec habileté plusieurs genres disparates : la chronique familiale, le héros obligé de dissimuler sa véritable identité et les pouvoirs extraordinaires qui vont avec, le film d’espionnage spectaculaire façon James Bond, le film d’aventures… Tout cela est allègrement brassé par un Brad Bird qui signait ici, après l’excellent Géant de Fer, des débuts flamboyants.



vlcsnap-2018-07-04-21h49m50s40Car ni une ni deux, on y va franco, on met le pied au plancher et on essaie de faire aussi bien, sinon mieux que ses modèles. The Incredibles s’affranchit très vite des limites du film d’animation pour taper dans le plus grand que nature, l’entertainment démesuré. Que ce soit dans le rythme ou dans la réalisation, Bird fait aussi bien, sinon mieux que tous les films dont il s’inspire. Dans un sens, ce n’est pas bien compliqué, vu que les films d’action ont suivi depuis des années une course à la surenchère qui les rend plus proches de films d’animation que d’autres œuvres plus classiques. Du coup, tout ce qui est action hypertrophiée et péripéties invraisemblables passe comme une lettre à la poste. Mieux, le film peut gentiment se moquer de ces clichés sur un ton décalé et savoureux, qui introduit instantanément une formidable complicité avec le spectateur.



vlcsnap-2018-07-04-21h44m01s232Alors oui, revu aujourd’hui, les graphismes du film peuvent paraître un peu datés. En près de 15 ans, la puissance de calcul des stations graphiques a ouvert des possibilités visuelles, en particulier au niveau des détails. Du coup, les personnages semblent légèrement simplistes au niveau du trait par rapport à ce qui se fait maintenant, ils semblent bruts de décoffrage et pas toujours peaufinés. Mais là encore, cela participe d’une esthétique globale dans laquelle l’inventivité du design rattrape le coup. J’en veux pour preuve la conceptrice des costumes, qui ressemble à un croisement improbable entre Chantal Thomass et un minion.




vlcsnap-2018-07-04-21h51m53s252Si on veut vraiment chipoter, il y a quelques coups de mou dans l’intrigue, un fin inutilement rallongée et un méchant qui n’est pas toujours aussi réussi qu’on le voudrait et qui tape plus sur les nerfs qu’autre chose. La musique de Michael Giacchino est un bel hommage aux partitions bondiennes de John Barry, tantôt aventureuse, tantôt jazzy, mais tartinée comme elle l’est jusqu’à l’écœurement, elle ne sert pas forcément aussi bien le film qu’elle l’aurait dû.





Mais bon, trêve de pinaillages : tel quel, The Incredibles en remontre largement à toute une génération de blockbusters et file direct un sacré coup de vieux au bon vieux film d’action des familles. Bourré jusqu’à la garde de péripéties à couper le souffle, il dépoussière le genre avec humour et décontraction. Une recette que Brad Bird transposera d’ailleurs avec succès en live dans le 4ème volet de la série Mission Impossible, et qu’on espère retrouver à la puissance dix dans la suite qui sort ces jours-ci. Hautement jouissif, donc.



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Le Générique

Comme toujours dans les films de Brad Bird, le générique est un moment très spécial, un petit film à part entière qui prolonge l’univers visuel du film. Selon le directeur de la photo Andrew Jimenez, il a été concu comme “une déclinaison en 2D d’un univers en 3 dimensions”. Les personnages y apparaissent sous forme d’esquisses très stylisées, toujours dans un esprit très pop art cher au réalisateur. En plus du directeur photo, se sont partagés le boulot sur cette séquence le responsable digital Louis Gonzalez, l’artiste de production Mark Cordell Holmes et le concepteur des personnages Teddy Newton.


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lundi 2 juillet 2018

Downsizing

Film d'Alexander Payne (2017), avec Matt Damon, Christoph Waltz, Kristen Wiig, Hong Chau, Neil Patrick Harris, etc…

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La première réaction qu’on peut avoir devant Downsizing, c’est de se demander s’il était réellement fait pour un réalisateur comme Alexander Payne. Payne, c’est de la comédie douce-amère, de l’étude de caractères en demi-teinte, assaisonnée d’humour et d’humanité. Pour preuve de belles réussites comme The Descendants ou Nebraska. Donc, le voir à la tête d’une comédie à l’argument science-fictionnesque, forcément ça coince un peu, ça titille la curiosité, mais pas nécessairement dans le bon sens.


vlcsnap-2018-05-22-22h00m58s27Pourtant, l’idée de base de Downsizing est loin d’être stupide, même si elle est abracadabrante. On y reprend l’idée de la miniaturisation, qui avait fait les beaux jours du Voyage Fantastique ou de L’Aventure Intérieure, sauf qu’ici, elle est ici envisagée sous un angle purement écologique. A savoir qu’un être humain réduit à la taille d’une souris produira forcément moins de déchets qu’à sa taille normale. Une approche astucieuse et parfaitement en phase avec les préoccupations éco-responsables actuelles, donc.




vlcsnap-2018-05-22-21h59m02s182La première partie de Downsizing se suit d’un œil amusé, en grande partie à cause de l’excentricité de son point de départ. Parce que sinon, en soi, c’est le schéma classique du couple en route vers un avenir qu’il croit paradisiaque et qui va inévitablement déchanter à un moment où à un autre. Difficile, déjà, de reconnaître la patte d’Alexander Payne dans cette description amusante mais pas non plus exceptionnelle. L’humour goguenard et discret de ses précédents films a disparu, et on se retrouve devant une comédie on ne peut plus classique mais pas forcément inspirée.




vlcsnap-2018-05-22-22h06m45s168Une fois Matt Damon réduit, le film prend un virage inattendu. L’ami Matt va se retrouver avec Christoph Waltz comme voisin, donc vous imaginez la suite. Personnellement, j’avais bien aimé Waltz chez Tarantino, mais depuis, ses personnages répétitifs d’excentrique déjanté ont un peu tendance à me fatiguer. Donc on ne peut pas vraiment dire que j’entamais la seconde partie dans les meilleures conditions.





vlcsnap-2018-05-22-22h06m03s247Mais bon, je suis mauvaise langue, car finalement, Waltz n’est pas ce qu’il y a de pire dans le film. Je dirais même qu’il est intelligemment dirigé et évite d’en faire trop. Par contre, je ne sais pas très bien dans quelles conditions Payne a conçu Downsizing, il semble même avoir eu carte blanche pour faire le film qu’il voulait… mais il faut bien admettre que le scénario semble avoir été le dernier de ses soucis. Pour preuve, dans sa seconde partie, le film s’affaisse lamentablement pour aller encore plus loin dans le discours écolo.




vlcsnap-2018-05-22-22h14m22s162On vire donc dans une semoule environnementaliste baba qui n’est ni convaincante, ni drôle, un comble quand on connaît le ton narquois et qui habite les films de Payne. En plus, on ne peut pas dire que le jeu terne de Matt Damon aide beaucoup, même s’il reste fidèle à lui-même. Par contre, difficile d’en dire autant du personnage interprété par Hong Chau, une sorte d’activiste chinoise reconvertie en femme de ménage. Un peu limite quand toute la deuxième partie du film repose sur elle.




Ca fait un peu mal au cœur d’être obligé de descendre un metteur en scène dont on commençait à apprécier l’univers, mais il faut bien avouer que Downsizing laisse perplexe. Au-delà de l’originalité de son pitch, le film ne va nulle part, peine à développer ses quelques bonnes idées et surtout manque cruellement de ce regard espiègle qui faisait tout l’intérêt des films précédents d’Alexander Payne. Un loupé, donc, mais qui ne nous empêchera pas d’attendre son prochain avec impatience.


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jeudi 7 juin 2018

Au-Delà de nos Rêves

(What Dreams May Come)

Film de Vincent Ward (1998), avec Robin Williams, Annabella Sciorra, Max Von Sydow, Cuba Gooding Jr, Rosalind Chao, etc…

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What Dreams May Come fait partie des ces films qui avaient tout pour eux dès le départ : une star reconnue (Robin Williams), un metteur en scène atypique (Vincent Ward) et une adaptation d’un des meilleurs romanciers américains dans le domaine du fantastique (Richard Matheson). Pourtant, à l’arrivée, on ne peut pas vraiment dire que le résultat soit à la hauteur de ses ambitions.


vlcsnap-2018-06-04-21h33m18s254Les films sur la vie après la mort, c’est bien évidemment très très casse-gueule. Et pour cause, personne n’en est revenu pour en livrer une description détaillée. Donc chacun y raccroche un peu tout et n’importe quoi, au gré de ses croyances ou de son éducation. Et puis, la mort, ce n’est pas vraiment fun non plus. Pas franchement ce que recherche le public, à moins qu’on ne lui propose par exemple Patrick Swayze en âme égarée et Whoopi Goldberg en voyante.




vlcsnap-2018-06-04-21h32m28s232Donc déjà, What Dreams May Come partait avec un handicap de taille, celui d’un sujet pas du tout vendeur, bien qu’il ait été imaginé par l’excellent Richard Matheson. Au Strapontin, on est fan de Matheson, mais beaucoup moins de sa veine romantico-fantastique. Donc déjà, l’affaire était mal engagée. Quand en plus on a l’idée un peu absurde d’engager une star de la comédie en la personne de Robin Williams, on se demande ce qui a pu passer par la tête des producteurs quand ils ont monté le film.




vlcsnap-2018-06-04-21h35m13s91Entendons-nous bien, j’aime beaucoup Robin Williams, qui a maintes fois prouvé qu’il pouvait être un formidable acteur dramatique. Mais il avait aussi, dans ses débuts du moins, tendance à en faire un peu trop en glissant à tout bout de champ des petites vannes ou des effets comiques hors-sujet (même l’excellent Dead Poets Society n’y échappe pas). Il n’y a guère que chez Nolan (Insomnia) ou dans l’atypique One-Hour Photo qu’il abandonne complètement ce genre de tics.




vlcsnap-2018-06-04-21h38m37s95Donc forcément, Williams n’était pas ce qu’on pouvait imaginer de mieux dans un film sur la mort. Même si, au final, l’acteur lève le pied sur le comique et préfère jouer le gars trop cool, on n’est pas loin de l’erreur de casting. Idem pour la belle Annabella Sciorra, qui malgré son joli minois, n’arrive jamais à sublimer véritablement un personnage pourtant très riche. L’actrice a beau se donner à fond, elle ne parvient jamais à réellement nous faire vibrer. Le film peine à trouver le ton juste, comme le prouve d’ailleurs le remplacement d’Ennio Morricone à la musique par un Michael Kamen qu’on a connu plus inspiré.



vlcsnap-2018-06-04-21h36m34s123Reste quoi, en définitive ? Des effets spéciaux qui, à l’époque de la sortie du film, avaient fortement impressionné, à tel point que le film avait reçu son seul et unique Oscar dans cette catégorie. Depuis, les prodiges de l’image de synthèse ont quelque peu tempéré l’impact de cette réussite. Revu aujourd’hui, What Dreams May Come parait surtout très daté avec ses effets façon Photoshop et ses visions saint-sulpiciennes du Paradis. Et on n’évite pas non plus les gags foireux et inutiles, comme la scène embarrassante où Williams est copieusement arrosé par la fiente d’un oiseau. Comme quoi, même dans l’au-delà, on peut encore se faire chier dessus !



vlcsnap-2018-06-04-21h42m39s156Ca pourrait passer si le film trouvait un point de vue, une ligne directrice et se décidait à tirer vraiment partie de son sujet. Parce qu’en définitive, tout ce que Robin Williams fait dans l’au-delà, c’est se lancer à la recherche de ceux qu’il aime. C’est maigre. Le travail sur le visuel n’est utilisé que comme un procédé un peu facile pour faire de l’image spectaculaire (la femme de Robin Williams peint, donc c’est logique, le brave Robin se retrouve dans un univers qui ressemble à une peinture), et seul la séquence des Enfers, avec son imagerie forte, sort réellement du lot.



Bien évidement, on s’en serait douté, le film a été un bide commercial cinglant. C’est dommage, car What Dreams May Come est très ambitieux, c’est un fait. Mais il loupe complètement le coche et peine à captiver ou à former un tout cohérent, et surtout, il se perd dans les méandres d’une histoire d’amour à laquelle on a du mal à croire. C’est donc une bizarrerie à découvrir à titre de curiosité pour son visuel époustouflant, et à laquelle le suicide récent de l’acteur ajoute une dimension assez troublante.


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dimanche 3 juin 2018

Kramer Contre Kramer

(Kramer Vs. Kramer)

Film de Robert Benton (1979), avec Dustin Hoffman, Meryl Streep, Justin Henry, Howard Duff, Jane Alexander, etc…

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Honnêtement, qui aurait pu parier qu'un film racontant un divorce cartonnerait aux  Oscars et au box-office ? Kramer Vs. Kramer est un film important non seulement par la reconnaissance à laquelle il a eu droit mais aussi parce que c'est l'un des premiers films à aborder de front un phénomène de société qui était encore, il y a quelques années, marginalisé. S'il n'évite pas la larmichette facile, Kramer Vs. Kramer a au moins le mérite de mettre les cartes sur table de manière honnête.



vlcsnap-2016-08-16-15h32m51s247C'est sur que quand on vous propose Dustin Hoffmann en père courage, flanqué d'un gamin choupinou en diable, c'est difficile de résister, même si le film accumule tous les clichés du genre. Forcément, on se dit que la loi de l'emmerdement maximum va se déchaîner contre le brave Dustin et que ce cadre dans une agence de pub va mettre sa carrière en danger et comprendre que la vraie vie, c'est sa famille. Même en parlant d'un sujet a priori touchy, Kramer Vs. Kramer reste très prévisible, ça fait partie du jeu.








vlcsnap-2016-08-16-15h40m19s136Et pourtant, le film est sauvé par un beau travail d'écriture. Robert Benton, avant de passer à la mise en scène, était un scénariste réputé (il a travaillé entre autres sur Bonnie and Clyde) et cela se sent dans des dialogues naturels et jamais forcés. Il y a même quelques beaux personnages, comme celui de la voisine, jouée avec beaucoup de tact par la trop rare Jane Alexander. Enfin, Meryl Steep, dans ses débuts, endosse le rôle délicat de l'épouse démissionnaire avec beaucoup de sensibilité. Quant à Dustin, il est fidèle à lui-même, c'est à dire indéboulonnable dans plusieurs scènes faciles en apparence. Son interaction avec le jeune Justin Henry est un petit miracle de justesse, auquel l'improvisation apporte beaucoup.




Dans sa seconde partie, Kramer Vs. Kramer vire au film de procès, avec ses habituels effets de manchette et surtout la performance solide d'Howard Duff, excellent dans le rôle de l'avocat. Il y a quelques beaux moments d'émotion, une conclusion un peu manipulatrice, bref le spectateur ne sera certainement pas malmené par une réalisation qui, si elle n'évite pas un bon nombre de clichés, sait tout de même garder une certaine fraîcheur. Robert Benton ne confirmera hélas pas ce joli coup d'essai avec ses films suivants.



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Premiers Pas

Les cinquantenaires de la génération du Strapontin se souviendront avec émotion de cette excellente actrice qu’est JoBeth Williams, et qui fût révélée par Poltergeist avant d’entamer une carrière discrète principalement constituée de seconds rôles. D’entrée de jeu, pour ses débuts dans le rôle de la secrétaire du brave Dustin, Robert Benton ne la ménagera pas, l’affublant au passage d’une paire de lunettes très seventies et particulièrement moche. Comme si cela ne suffisait pas, elle aura également droit à une scène particulièrement gratinée avec le petit Justin Henry. Regardez le film et vous comprendrez. Qu’est-ce qu’il faut pas faire pour percer à Hollywood !


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