mardi 18 mars 2014

La Tour Infernale

(The Towering Inferno)
Film de John Guillermin et Irwin Allen (1974), avec Steve Mc Queen, Paul Newman, William Holden, faye Dunaway, Fred Astaire, etc…
























Autoproclamé « le plus gigantesque des spectacles », The Towering Inferno représente l’apogée de la vague de films-catastrophe qui submergea Hollywood au milieu des années 70. Avec son casting de valeurs sûres, ses personnages découpés à l’emporte-pièce et ses bons sentiments, le film peut aujourd’hui prêter à sourire. Mais malgré tout et en dépit de ses défauts, il reste, quelque 35 ans après sa sortie, une référence du genre et un sacré spectacle.



A l’origine de The Towering Inferno, il y a surtout un producteur, Irwin Allen. Après un parcours fructueux à la TV (toutes ses séries seront des succès, même si seulement Voyage au Fond des Mers et Au Cœur du Temps seront diffusées en France), il s’oriente vers le cinéma avec un peu moins de bonheur. Ses films d’aventure un brin ringards connaîtront un honnête succès, mais c’est en 1972 qu’il touchera le jackpot. Un concept intriguant (des passagers prisonniers d’un paquebot retourné) et ce sera le jackpot de The Poseidon Adventure (dont on vous reparlera sous peu sur le Strapontin), lançant du même coup la mode du film-catastrophe.





Aussi lorsque la Warner décide d’adapter le roman The Tower, qui relate un incendie dans un gratte-ciel, elle est un peu inquiète d’apprendre qu’Allen a eu la même idée avec un autre bouquin, The Glass Inferno. Donc, plutôt que de rivaliser, les deux major companies décident d’unir leurs forces pour produire le film. Après avoir recruté bon nombre de stars, le tournage est réparti entre plusieurs équipes. Une principale, sous la responsabilité du réalisateur John Guillermin, se chargera des scènes classiques avec acteurs, alors qu’Irwin Allen dirigera toutes les séquences d’action. Enfin, une troisième équipe se chargera des effets spéciaux et une quatrième des prises de vues aériennes.





Le résultat, on le connaît, et si le film tient encore bien la route, c’est en particulier grâce au travail sur les cascades et les effets spéciaux. Pour ce qui est du reste, il faut bien avouer que The Towering Inferno se roule parfois dans les clichés les plus éhontés, avec des personnages très (trop) stéréotypés : le chef des pompiers (Steve Mc Queen), bon gars tout le temps sur le qui-vive, le brave architecte (Paul Newman) qui reconnaît ses responsabilités dans la catastrophe, le vilain promoteur (William Holden) et son encore plus vilain gendre (Richard Chamberlain), qui ont sacrifié la sécurité à la rentabilité…


 

 
On ne peut pas dire que le scénario brille par sa finesse ni par son intelligence, et les dialogues sont à l’avenant, avec des traits d’humour lourdement appuyés. La direction d’acteurs n’a jamais été le fort d’Irwin Allen. C’est même à se demander s’il n’embauchait pas volontairement des comédiens multi-oscarisés pour justement s’épargner cette besogne. Il ne faut donc surtout pas attendre des merveilles, ni au niveau de l’interprétation, ni au niveau de l’intrigue. On reste constamment au niveau d’un cinéma « à la papa », parfaitement calibré. Bien entendu, les dialogues fustigent gentiment les responsabilités des urbanistes et des architectes, et tressent des lauriers aux pompiers, quoi de plus normal ?



Pourtant, malgré toutes ces casseroles, The Towering Inferno réussit tout de même à emporter le morceau et à demeurer une référence du genre. A cela plusieurs raisons. Le scénario, tout d’abord. Même si le script de Stirling Silliphant n’a rien de révolutionnaire, il a l’intelligence de respecter une unité de temps, de lieu et d’action, à la différence des films comme Tremblement de Terre, qui s’éparpillaient. Le cadre de l’action, ensuite, n’offre aucune porte de sortie aux personnages, et rend toute tentative de secours extrêmement périlleuse. Malgré l'étendue de l'action, le film entretient un sentiment de danger d'autant plus efficace que la menace du feu est telle que n'importe qui peut s'y identifier. Ensuite, l’enchaînement des péripéties les plus diverses et variées est particulièrement bien géré et arrive à soutenir l’attention sur une durée de projection de près de 3 heures, ce qui n’est pas négligeable.




Sur le plan technique, le film tient ses promesses. A l’aide de maquettes démesurées et de modèles radiocommandés, il parvient à rendre crédible les péripéties les plus invraisemblables, aidé il est vrai par un impressionnant travail sur les cascades. Les séquences d’incendie, tournées au ralenti pour des impératifs techniques, acquièrent parfois une certaine démesure plutôt grandiose, aidées par une excellente partition musicale de John Williams. Et assez curieusement pour un spectacle aussi pépère, le film fait parfois preuve d’un sadisme assez déconcertant, comme dans la séquence où Robert Wagner et sa maîtresse périssent dans l’incendie de leur bureau.




On retrouve certains échos de The Poseidon Adventure, mais de manière finalement assez subtile, les structures des deux films étant différentes. Là où le premier reposait sur un itinéraire de survie dans un cadre inhabituel, le second est bâti à la fois sur la progression du sinistre et sur les tentatives des personnages pour y échapper. Irwin Allen y fait toutefois référence dans la séquence de l’escalier de secours, mais également dans le découpage, tout le film étant rythmé par des courtes séquences d’explosion qui agissent presque comme des ponctuations dans le récit.

 

 

Le final, à la fois démesuré et énorme, est le point d’orgue du film, mais aussi quelque part de l’œuvre d’Allen, qu’on surnommait le Master of Disaster. Steve Mc Queen, Paul Newman, William Holden et Fred Astaire sont noyés pour de vrai sous des trombes d’eau, le réalisateur conclue son épopée catastrophiste par une séquence apocalyptique pleine de bruit et de fureur. C’est l’apogée d’un certain cinéma-spectacle des années 70, réalisé à l’ancienne et garanti sans image de synthèse. Quelque part, The Towering Inferno, même s’il est à des lieues de la perfection technique des effets actuels, marque le triomphe de cette approche traditionnelle du cinéma, avec ses aspects un peu gauches et loupés qui confèrent au film un véritable capital de sympathie.



Il y aurait beaucoup à redire sur le film et sur ses défauts, ainsi que sur le fait de transformer une tragédie en spectacle (un aspect encore plus évident après les évènements du 11 septembre). C’est ce mélange de démesure et d’imperfection, de maîtrise technique et de crétinerie, de grand spectacle et de nanar qui fait tout le prix de The Towering Inferno. Un mélange que son producteur ne saura hélas pas retrouver dans ses films suivants, et qui reste paradoxalement à ce jour une des plus belles réussites du genre.











Arrêts sur Images
 


Les Effets Spéciaux

A une époque où les images de synthèse n’existaient pas, beaucoup de techniques différentes ont été utilisées pour donner vie au gratte-ciel et à l’incendie du film. Tout d’abord, les matte paintings (ou peintures sur verre) ont permis de superposer des acteurs sur des fonds peints, ou d’insérer carrément la Tour de Verre dans le panorama de San Francisco.



 


Les séquences où intervient le feu ont été tournées sous la supervision de plusieurs conseillers appartenant aux pompiers de Los Angeles et San Francisco. Les cascadeurs qui devaient « prendre feu » étaient équipés de protections et utilisaient un gel spécial pour la combustion. Comme ils ne pouvaient supporter les flammes que pendant un temps limité, Irwin Allen a eu l’idée d’utiliser le ralenti afin de maximiser la durée de ces séquences. Cet impératif technique a finalement servi le film puisque, ces scènes étant muettes et sans effets sonores, elles sont intégralement soutenues par la musique, qui renforce leur impact dramatique. Des mannequins ont également été utilisés dans certaines séquences, comme celle où la secrétaire de Robert Wagner se jette par la fenêtre. La main plaquée sur le visage aide à dissimuler l’illusion.






Ensuite, l’essentiel des effets repose sur une maquette aux proportions gigantesques (près de 30 mètres). Elle était équipée de mécanismes qui permettaient d’y mettre le feu, en dosant du propane, de l’acétylène et de l’air afin de pouvoir maîtriser la coloration des flammes. Les différents éléments tels que le feu et l’eau ont été filmés à des vitesses élevées, afin de produire un effet de ralenti qui leur donne davantage de volume.






Plusieurs étages de la tour ont été reconstitués à une échelle plus importante, ce qui permettait des effets plus réalistes. De plus, une équipe aérienne a été utilisée dans certains plans.





La très grande hauteur de la maquette a également permis d’utiliser des angles en plongée qui renforcent l’impression de vertige. La caméra était alors fixée sur une nacelle montée sur un bras articulé, ou pour certains plans, sur un hélicoptère. Le fait que l’action se déroule la nuit permet de masquer l’arrière-plan, qui aurait pu trahir l’aspect maquette de l’ensemble.






Le film combine également plusieurs techniques différentes. Certains plans, nottament une bonne partie de la séquence de sauvetage depuis le Peerless Building, ont été réalisés sur fond bleu, et combinent les acteurs avec la maquette de la tour.







Des modèles réduits radiocommandés ont aussi utilisés, comme dans la scène où l’hélicoptère doit déposer Steve Mc Queen sur le toit de l’ascenseur extérieur.







La destruction de la salle de réception a été réalisée en live, sur un plateau surélévé et spécialement équipé pour pouvoir être inondé. Aucun des acteurs principaux ne sera pas doublé pendant la séquence, et même Fred Astaire, avec plus de 70 ans au compteur, encaissera sans broncher le déluge de plusieurs tonnes d’eau. Pour plus de sécurité, sept caméras seront utilisées pour filmer l’action en une seule prise, le décor étant détruit par l’inondation.








La Musique
 
Bien avant que Jaws ou Star Wars ne le propulsent vers la célébrité, John Williams avait déjà collaboré plusieurs fois avec Irwin Allen, en particulier sur l’excellente partition de The Poseidon Adventure. Il était donc logique que le producteur lui demande de travailler sur cette nouvelle production. La musique est assez différente du style actuel du compositeur, elle est beaucoup plus sombre, retenue, discrète dans ses effets et son utilisation (il y a à peu près 50 minutes d’accompagnement sur 2 h 45 de film). En même temps, elle sait parfois occuper le devant de la scène. Le superbe générique (Main Title), de près de 5 minutes, est vraiment remarquable, par son approche rythmique et sa tonalité héroïque. De même, Trapped Lovers, qui accompagne la mort de Robert Wagner et de sa maîtresse, possède des moments assez grandioses, et le long morceau qui suit la préparation des charges pour le final est remarquable dans ses ruptures de ton et la façon dont il unifie différentes actions parallèles.

La musique a été éditée au moment de la sortie du film, dans un album qui reprenait les principaux morceaux du film, mais faisait quand même la part belle à pas mal de morceaux d'easy listening plutôt dispensables. Il faudra attendre une récente édition sur le label FSM pour pouvoir découvrir la partition dans son intégralité. Edition hélas épuisée car tirée à 3000 exemplaires, et s’arrachant sur le Net à des prix défiant toute concurrence. Autant pour la démocratisation de la musique de film !






Le Logo
 
L’aspect publicitaire du film est assez inhabituel pour un film de genre comme celui-ci. A l’époque, des designers comme Saul Bass avaient commencé à utiliser des graphismes particuliers et des logos pour les titres de films, mais cela n’était pas encore très courant. L’originalité de l’approche d’Irwin Allen, c’est de résumer à l’aide d’une seule image stylisée tout le sujet du film. The Poseidon Adventure avait utilisé cette formule avec succès, et The Towering Inferno continue dans le même sens. Notons également que le design du titre lui-même reflète le cadre « incendiaire » du film, avec un lettrage qui semble déformé par la chaleur.





Scènes coupées et version longue

Comme c'est parfois le cas sur les chaînes de TV américaines, le film a été diffusé dans une version plus longue que la version cinéma. Cela ne signifie pas que le montage final n'était pas conforme aux désirs d'Irwin Allen, cette "version longue" n'utilisant que des prises alternatives ou des éléments d'intrigue parfaitement dispensables. Vu la différence flagrante de qualité entre les éléments coupés et le reste du film, elle n'a donc pas été reconstruite pour l'édition en vidéo. Bien que ce métrage supprimé représente près de 45 minutes, il ne contient rien d'essentiel .A titre de curiosité, on pourra le visionner sur l'édition DVD collector ou le blu-ray du film.




En vidéo

Le film a connu des fortunes diverses en vidéo, surtout en France, à cause de sa production partagée entre deux studios, la Fox gérant la distribution aux USA et la Warner pour le reste du monde. La première édition parue en Amérique ne comportait aucun bonus, puis le film a été réédité plusieurs années plus tard dans une somptueuse édition collector… qui n’a malheureusement pas franchi l’Atlantique ! Warner, dans notre beau pays, se contenta d’une édition basique à l’image plutôt bonne qui (outre l’absence de bonus), n’avait qu’un seul défaut : un nouveau doublage français particulièrement exécrable, la VF originale (et culte… Marcel Bozzuffi y doublait Newman) étant passée à la trappe…





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Surprise : lorsque le blu-ray Warner sort en France, il reprend pratiquement le contenu de l’édition collector Fox… et il y a de quoi faire ! Documentaires rétrospectifs, commentaires audio (non sous-titrés hélas), scènes coupées, bref largement de quoi rassasier le fan le plus exigeant. Ajoutons que, si la terrible VF refaite est toujours là, la qualité du transfert image est vraiment épatante, et rend du coup cette édition pratiquement indispensable pour tout fan du film qui se respecte.

3 commentaires :

  1. J'ai acheter ce film en DVD il y maintenant plusieurs années parce que je n’arrêtais pas de le voir et revoir avec ma version K7 vhs que j'avais enregistré a la télé dans les années 80 (j'adore le duo mc Queen et Newman). Et je suis soulager de voir que vous aussi vous trouver que ce nouveau doublage son est exécrable. pour ma part je n'ai pas pus regarder le dvd a cause de ça (vraiment impossible) paul newman perd totalement de son charisme avec ce doublage lamentable. c'est dommage ma K7 vas finir par casser a force de tirer dessus !

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  2. Mais pourquoi diable changer les doublages des films cultes qui ont tant marqués nôtre petite enfance ? Steve McQueen perd énormément de sa superbe avec cette voix qui ne correspond absolument pas à ce que les français étaient habitués à entendre ! Cela est très dommage. Sinon rien à dire sur la qualité d'image. Mais voilà, ses fichus nouveaux doublages, grrrrr!

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  3. ta boite de commentaire est trop petite

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