mercredi 2 mai 2012

Contact

Film de Robert Zemeckis (1997), avec Jodie Foster, Matthew Mc Conaughey, Tom Skerritt, James Woods, John Hurt, etc...
 












 
 



Pour une fois qu’un film à gros budget ne prend pas ses spectateurs pour des cons, cela valait le mérité d’être signalé ! Avec Contact, Robert Zemeckis a réussi une véritable gageure : un film de science-fiction intelligent, qui divertit et suscite intelligemment la réflexion.
 
 
Déjà, dès les premières images, on sent que ce Contact va sortir des sentiers battus : un long travelling arrière de la caméra part de la Terre et aboutit aux confins du cosmos. En fond sonore, des bribes de paroles, des chansons, tout un environnement de signaux qui, au fur et à mesure que nous nous éloignons de notre planète, devient plus diffus pour faire place au silence total. A une époque où les bande-son font dans le décibel à outrance, il fallait oser ces quelques instants de silence.
 


 
 
Puis le film nous attache à l’histoire d’Ellie Harroway (Jodie Foster), une scientifique à la recherche de signaux en provenance de l’espace, dans le but d’y identifier une présence extra-terrestre. Elle finira par les découvrir sous la forme d’un message codé qui lui permettra d’embarquer pour un voyage vers l’infini (et au-delà !), dont la conclusion est surprenante à souhait, et a d’ailleurs désarçonné plus d’un spectateur.
 


 

 
La « tête pensante » à l’origine de Contact, c’est Carl Sagan. Pratiquement inconnu en France, ce scientifique américain a touché un très large public avec une série télévisée de vulgarisation scientifique, Cosmos. Développé pendant des années, le scénario du film connut de multiples réécritures, à tel point que Sagan finit par en tirer un roman qui rencontra un beau succès. Puis deux réalisateurs, Roland Joffé et George Miller, se succèderont pendant une phase préparatoire chaotique. La Warner Bros, mise dos au mur par les problèmes et les retards, engagera Robert Zemeckis, qui refusera dans un premier temps, puis acceptera à la condition d'avoir le contrôle artistique total sur le film. Carl Sagan, hélas, ne verra pas les résultats de tous ses efforts. Il décèdera pendant le tournage. Le film lui est dédié.


Les projets à problèmes donnent rarement de bons films. On est donc d’autant plus surpris que non seulement Contact ne porte pas les séquelles d’un développement houleux, mais soit en plus l’un des films de science-fiction les plus stimulants de ces dernières années. Dans le sillage d’une intrigue passionnante, le film soulève toutes sortes de questions sur la science et son rapport avec la religion ou la politique. Sans jamais tomber dans le prêchi-prêcha, Contact touche du doigt toutes les implications que pourrait entraîner son sujet, et s’ancre dans un profond réalisme. Sérieux mais jamais didactique, le film reste avant tout un spectacle, avec tout ce que cela peut supposer de démesure et d’émotion.
 
 
 
Robert Zemeckis est particulièrement à l’aise dans son sujet, et cela se sent à chaque séquence. Démêlant, parfois simplifiant certains détails, il sait constamment rester à la portée de son public et ne pas noyer le spectateur sous du jargon pseudo-scientifique. Réalisateur très visuel, et bénéficiant ici d'une liberté artistique totale, Zemeckis met à profit son habileté à manier les trucages invisibles pour mieux les mettre au service de son histoire. Le film regorge ainsi de séquences formidablement pensées, dont les effets spéciaux très élaborés ne jouent pas l’épate mais s’intègrent naturellement à la narration. Et lorsque le film joue à fond la carte du grand spectacle, le résultat est à la fois irréel et poétique.


 
On a reproché au film de se terminer en queue de poisson, par une séquence spatiale caricaturale. Il fallait effectivement oser prendre à rebrousse-poil les attentes du spectateur, puisqu’en définitive, la recherche de la vie extra-terrestre finit par une quête intérieure, et le « contact » tant attendu est basé sur des représentations enfantines contenues dans l’esprit de l’héroïne. En même temps, ce moment si casse-gueule sait se charger d’une formidable émotion lorsqu’il évoque le père d’Ellie et sa disparition. Le film répond à sa manière aux croyances de chacun et intègre l’élément SF dans des résonnances personnelles. Même si la démarche n’est pas complètement réussie, elle a le mérite d’avoir été tentée et d’émouvoir de façon juste.


 
Une grande partie de la réussite du film repose sur les épaules de Jodie Foster. Avec sa carrière un peu atypique, elle ressemble beaucoup au personnage d’Ellie, à la fois fragile et déterminée. Tous les aspects les plus intimes et personnels de l’histoire reposent sur la conviction de l’actrice et elle livre vraiment une performance extraordinaire. Son monologue final, dans lequel elle tente d’expliquer ce qu’elle a vécu à une assemblée incrédule, est un moment vraiment admirable et chargé d’émotion. Pourtant tout aussi périlleux que la séquence de la rencontre proprement dite, il est sublimé par une performance simple et forte.


 
Belle réussite également, sur le plan musical : Alan Silvestri, compositeur attitré du réalisateur, livre ici une partition pleine de finesse et de sensibilité. Si la musique évoque parfois celle de Forrest Gump, Silvestri sait renforcer avec talent certaines séquences-clé comme celle du départ d’Ellie ou du sabotage de la machine. Seul élément un peu daté du film, certains effets spéciaux (la machine et ses anneaux) paraissent un peu justes et trahissent leur origine infographique.
 
 
 


Contact est donc à marquer d’une pierre blanche dans un genre où il était devenu presque habituel de rester au ras des pâquerettes. Sans posséder l’ampleur d’un 2001, le film de Zemeckis est très ambitieux (trop, diront certains) dans sa volonté de manier de grandes questions philosophiques ou théologiques. Et même s’il n’apporte pas de réponses, il a au moins le mérite d’inciter à la réflexion, ce que bien peu de films du genre ont fait avant lui. Contact désarçonne par son côté atypique et son mélange de réalisme, de poésie et de fantastique. Même s’il n’atteint pas toujours son but, il reste tout de même passionnant de bout en bout et reste à coup sûr l’une des œuvres les plus singulières de son auteur.

 


Le Trombinoscope :
Casting très divers et varié pour  ce film. Robert Zemeckis, fort du succès de Forrest Gump, a pu obtenir pas mal de pointures, dont James Woods et Angela Bassett, pourtant dans des rôles secondaires. Le film fait également un clin d’œil à Alien, dont il récupère deux acteurs, Tom Skerritt et John Hurt. Hurt, dont on ne dira jamais assez quel formidable acteur il est, excelle dans le rôle d’une sorte de Howard Hughes de l’ère spatiale. Jake Busey campe un méchant qui n'est pas sans rappeler celui qu'il interprétait dans The Frighteners, 3 ans auparavant, et enfin William Fichtner, un second rôle qu'on a toujours du plaisir à retrouver, est très émouvant dans le rôle du collègue aveugle d'Ellie.

Jodie Foster
Matthew Mc Conaughey
Tom Skerritt
John Hurt
James Woods
William Fichtner
Jake Busey

David Morse
Angela Bassett
Jenna Malone
Max Martini
Tucker Smallwood
Thomas Garner

 

 

Arrêts sur Images:


L'Ouverture:
Le début de Contact prend volontairement le contrepied de ce qui a pu se faire en matière de SF: pas de musique, mais un signal sonore strident, composé de bribes d'émissions de radio, de chansons, de discours. La caméra recule de manière vertigineuse depuis la Terre en passant par le système solaire et les galaxies, et les ondes radio semblent s'évanouir au fur et à mesure que nous nous éloignons. La dernière partie est ainsi complètement muette, jusqu'à ce toutes ces visions se transforment en une lueur qui s'avère être un reflet dans l’œil d'Ellie enfant.



 
Les effets spéciaux « invisibles » :
Robert Zemeckis a toujours été un réalisateur très visuel et friand de défis techniques. Il est aussi spécialiste des effets spéciaux « invisibles », qu’il utilise pour accentuer l’impact d’une scène. L’un des plus beaux exemples dans Contact est la séquence de la mort du père d’Ellie. C'est une sorte de trompe l'oeil qui se remarque à peine: la séquence nous la montre en train de courir pour aller chercher des médicaments, jusqu’à ce qu’on se rende compte que la scène était en fait reflétée dans le miroir de l’armoire à pharmacie.
 
 
La scène a été filmée en deux fois : d’abord l’armoire tapissée d’un écran bleu, puis le reflet d’Ellie, dont les déformations ont été ajoutées par infographie.
 
 
 
La manipulation des images d’archives :
Contact continue les expérimentations de Forrest Gump, dans lequel Zemeckis avait inséré l’acteur Tom Hanks dans un film d’archives avec le président Kennedy. Ici, c’est l’image de Bill Clinton qui a été utilisée. La Maison Blanche, pourtant mise au courant du projet en amont, a moyennement apprécié le tour de passe-passe et a fait savoir par ses porte-paroles que l’image du président ne devait pas donner matière à ce genre de bidouillages.

 
 
 
L’attentat :
C’est le premier véritable moment fort du film, et il est principalement raconté du point de vue d’Ellie, qui devient le pivot de la séquence. Au début, elle est filmée de manière assez neutre, parmi le groupe de techniciens qui l'entoure, puis la caméra va la cadrer en plan de plus en plus serré au fur et à mesure que la tension monte. Son visage devient en quelque sorte le seul point de repère du spectateur, et la charge émotionnelle est d'autant plus grande qu'on sait qu'elle aurait pu être à la place du pilote de la capsule. Comme le veut le principe Hitchcockien, il faut d’abord donner une longueur d’avance au public, en lui faisant repérer avant tout le monde la présence du terroriste, sur lequel Zemeckis a attiré brièvement notre attention à plusieurs reprises. Puis c’est au tour d’Ellie d’identifier la menace et d’échafauder un plan pour le neutraliser, plan dont on pense qu’il a réussi jusqu’à ce que l’explosion survienne. Cette dernière est d'abord montrée de très loin, puis sur un moniteur télé, comme pour accentuer l'impuissance des techniciens qui en sont témoins. Le réalisateur coupe ensuite sur un plan large de la foule pour montrer la destruction, dont l’impact visuel est renforcé par la taille des débris et l’impressionnant nuage de fumée qu’ils soulèvent.

 
 
Le voyage :
C’est la séquence la plus spectaculaire du film, et elle comporte une assez grande variété d’effets spéciaux, qui rendent à la fois la sensation de vitesse mais aussi celle d’étirement du temps et de l’espace, avec des effets de filage sur le visage de Jodie Foster. Les effets spéciaux ont été réalisés par la société néo-zélandaise Weta, qui ont depuis assuré un travail monumental sur la trilogie du Seigneur des Anneaux. On peut dire que Contact a été leur "carte de visite" aux USA, car ils ont prouvé qu'ils pouvaient faire aussi bien (sinon mieux) que bon nombre de compagnies aussi réputées qu'ILM ou Digital Domain.


Un autre effet très discret, avec ce pendentif (une boussole) qui flotte en apesanteur. Il a été réalisé en images de synthèse et combiné avec des plans de l'actrice.
 
 
Le film utilise très discrètement le morphing lorsque Ellie, en apesanteur, a des visions dans sa capsule. Avec subtilité, les traits de Jodie Foster se métamorphosent en ceux de Jenna Malone, qui joue Ellie enfant. A noter que les deux actrices n'ont pas la même couleur d'yeux dans la réalité: d'où un autre effet numérique très discret pour gommer cette différence.
 
 
 
La plage :
Repoussoir pour beaucoup de spectateurs, la séquence de la plage, où se situe le « contact », est volontairement irréelle, dans la mesure où elle « matérialise » en quelque sorte le rêve d’enfant d’Ellie (on peut d'ailleurs apercevoir dans le film un dessin qui la représente). En ce sens, elle va contre les attentes du public, qui reste persuadé à ce stade du film que le voyage de l’héroïne est bien réel, alors qu’il ne s’avère être qu’une émanation de son univers intérieur.

 
La totalité de la séquence a été tournée sur fond bleu. La société d’effets spéciaux ILM a ensuite créé un panorama artificiel à 360° dans lequel ont ensuite été incrustés les acteurs.

2 commentaires :

  1. Un de mes films de chevet.

    Ce fut très agréable à l'époque, de découvrir un film qui incitait à la réflexion, dans la masse des blockbusters de SF. Et je ne me lasse pas de le revoir de temps à autres.

    Il est clair que ce n'est pas un produit formaté, et qu'il a du avoir du mal à rencontrer son public. Et je pense que ça serait encore plus difficile maintenant, quand on voit la plupart des films produits... Pour l'anecdote, même si ça date d'il y a 10 ans, je me rappelle encore d'avoir vu 2001 au ciné, et que la salle s'est vidée de son public jeune au fur et à mesure de la projection (la place coûtait 2 euros)

    Je suis particulièrement fan de la scène du témoignage d'Ellie/Jodie après son voyage, où la performance de l'actrice laisse voir que le personnage de scientifique cartésienne, rationnelle et sceptique, a été profondément bouleversée par son voyage.
    Et par un habile renversement de situation, elle se trouve dans la même difficulté à faire admettre à son auditoire ce qu'elle a vécu, que lorsqu'elle écoutait le personnage de Matthew Mc Conaughey lui parler de sa foi en Dieu.

    RépondreSupprimer
  2. o_O
    Wow !! Contrairement à ce que montre la date, je ne me suis pas levé au milieu de la nuit pour écrire ce commentaire... On dirait que le système de commentaire est calé sur à l'heure californienne ^^

    En tous cas, merci au Strapontin d'avoir parlé de ce très bon film. :)

    RépondreSupprimer