lundi 31 décembre 2012

Phantom of the Paradise

   Film de Brian De Palma (1974), avec William Finley, Paul Williams, Jessica Harper, Gerrit Graham, George Memmoli, etc..
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 








 

Phantom of the Paradise fait partie de ces films tellement énormes qu’on ne sait pas par quel bout les prendre ou comment les appréhender. C’est un spectacle tellement riche et foisonnant qu’i vous en colle plein mirettes à la première vision. Et, comme tous les chefs d’œuvre, il est impossible de mettre une étiquette précise dessus : film fantastique ? film musical ? film d’horreur ? Satire ? Il est tout à la fois et constitue sans aucun doute l’un des films les plus forts et les plus originaux de son auteur, Brian De Palma.

 
La grande originalité de Phantom of the Paradise, c’est de brasser de nombreux thèmes issus du fantastique au sein d’une intrigue touffue et délirante. A la base,  le film raconte l’histoire d’un brave musicien sans le sou, Winslow Leach (William Finley), tombant entre les griffes de Swan (Paul Williams), un producteur sans scrupules, qui va tenter de le déposséder de sa musique et de celle qu’il aime. La trame est connue, c’est celle du Fantôme de l’Opéra. Pourtant, Brian de Palma va la revitaliser en lui greffant toutes sortes d’influences qui vont faire de son film un patchwork délirant et vertigineux.
 
 
 
 
 
 
 
Avant tout, Phantom of the Paradise est une satire sans pitié de l’industrie du disque, de la manière dont elle exploite et broie les artistes pour satisfaire les besoins d’un public qui en demande toujours plus. De Palma fustige sans pitié la société du spectacle, prête à tout (jusqu’au meurtre) pour créer du divertissement. Le film date de près de 40 ans mais n’a jamais été aussi actuel. Lorsque Swan dit : « un assassinat live à la télé nationale, c’est du spectacle ! », c’est une réplique qui fait froid dans le dos, mais qui sonne étonnamment juste lorsqu’on pense aux dérives voyeuristes d’une télévision qui gomme de plus en plus les limites entre spectacle et réalité.
 
 
 
 
 
Le scénario fait habilement la jonction avec le mythe de Faust, et emmène le film encore plus loin sur le terrain du fantastique. Le simple contrat de l’artiste et de la maison de disques devient un pacte diabolique, qui engage son signataire corps et âme jusqu’à la mort. Subtilement, il modernise également une référence au Portrait de Dorian Gray : la bande vidéo devient ainsi le dépositaire de la jeunesse éternelle, et vieillit à la place de ceux qui ont signé le pacte. Là encore, De Palma stigmatise une industrie pour laquelle la beauté et l’apparence sont devenues des exigences. L’artiste n’est plus au service du public, il en est la victime.
 
 
 
 
 
 
 
 
L’image de l’oiseau est prédominante dans le film, que ce soit avec le masque du Phantom, qui évoque un rapace ou avec les noms mêmes de Swan (le cygne) et de Phoenix. Assez significativement, le logo de la maison de disques de Swan représente un oiseau mort. Cette simple image résume en fait toute l’essence de Phantom of the Paradise : c’est l’innocence et la beauté qui sont détournées, vidées de leur contenu, puis exterminées. Dans les thèmes qu'il aborde, le film préfigure la noirceur et le cynisme des films suivants de De Palma.
 
 
 
 
 
Cette diversité au niveau de l’inspiration est littéralement transcendée par une mise en images ultra-originale et très diversifiée. De Palma expérimente dans tous les styles et ne se refuse aucun effet, aussi démesuré soit-il. Travellings circulaires ou en poursuite, split-screen, cadrages vertigineux, tout y passe avec un brio communicatif. On y sent constamment le plaisir de filmer, d’expérimenter, et d’en mettre plein la vue et même si certaines références semblent un peu faciles, elles sont brillamment portées par l’enthousiasme d’une mise en scène inventive et hyper-efficace.
 
 
 
 
 
 
 
 
En même temps, Phantom of the Paradise possède un caractère un peu bricolé. Film produit en dehors des grands studios (il sera racheté par la Fox qui le distribuera), on y sent parfois des moyens limités. Loin d’être un défaut, ils contribuent au contraire à lui conférer un style unique et beaucoup de caractère. Dans sa liberté de ton et ses personnages hors-normes, c’est un film indépendant dans le meilleur sens du terme, dont la profonde originalité est sans équivalent dans l’œuvre pourtant très riche de Brian de Palma.
 


 
 
La musique joue aussi un rôle prépondérant dans le film. Les chansons, composées par Paul Williams, sont l’occasion de se moquer gentiment de certains genres musicaux, que ce soit le glam-rock façon Kiss (Somebody Super Like You) ou la surf music (Upholstery), mais elles restent dans la continuité de l’esprit du scénario. Les textes sont directement inspirés du mythe de Faust, ou bien dans la lignée satirique de l’œuvre, comme ce Goodbye Eddie Goodbye, où une rockstar se suicide afin de vendre encore plus de disques (même si c’est pour une bonne cause, en l’occurrence pour aider sa sœur malade). Les trois groupes qui apparaissent dans le film (Les Juicy Fruits, les Beach Bums et les Undead) sont d'ailleurs joués par les trois mêmes acteurs, ce qui renforce le caractère très "fabriqué", interchangeable, presque industriel de la musique telle qu'elle est dépeinte ici.
 
 


L’émotion est également au rendez-vous, avec des scènes fortes et puissantes, comme celle où le Phantom assiste impuissant à la séduction de celle qu’il aime. Ou bien Old Souls, véritable moment de grâce où la belle Phoenix chante pour la première fois devant son public. Difficile également d’oublier la séquence du mariage, point d’orgue du film, dont le style visuel chaotique et désordonné scelle le destin des personnages. Avec un sens imparable de la construction, de Palma nous entraîne toujours plus loin dans le fantastique au gré d’une intrigue aux échos vertigineux.
 

 
Un tel mélange de styles ne tiendrait pas une seconde si le film se prenait ne serait-ce qu’unes seconde au sérieux, et De Palma l’a compris. Il parsème son film de personnages pittoresques (l’inégalable Beef, admirablement campé par Gerrit Graham), de petites touches humoristiques et de dialogues qui font mouche. C’est parfois de l’humour très noir, mais le réalisateur ne force jamais inutilement le trait. Au contraire, le dosage est suffisamment subtil pour rendre le spectateur complice, afin qu’il accepte avec davantage de facilité les éléments fantastiques du film.

 
 



 
 
Vertigineux mélange de styles, Phantom of the Paradise fait partie de ces films tellement riches qu’ils se revoient toujours avec le même plaisir, et dont on voudrait citer chaque détail, tant il regorge de créativité. En se réappropriant de grands thèmes du fantastique et en les intégrant dans une mise en images baroque et excessive, Brian de Palma livre un film unique en son genre, un chef d’œuvre d’inventivité et d’humour, dont il n’arrivera que très rarement à retrouver le ton décalé et outrancier. Enorme.


 
 



Arrêts sur Images
(à ne lire qu'après avoir vu le film)
 
 
 
Le Trombinoscope
Ah, que c'est bien, ces films qui proposent un trombinoscope en guise de générique de fin! D'abord parce que ça donne moins de boulot à votre blogueur favori, et ensuite parce que c'est toujours bien d'attirer l'attention du public sur certains acteurs, à plus forte raison quand ils ne sont pas très connus, comme ici. William Finley, comédien fétiche de De Palma, trouve ici le rôle de sa vie. Son interprétation est juste, émouvante, un peu gauche, il est juste formidable. On le reverra dans plusieurs "petits" films du réalisateur et plus récemment dans Le Dahlia Noir, avant son décès, au début de cette année. Paul Williams fera davantage carrière comme musicien, récoltant même au passage un oscar pour sa collaboration avec Barbra Streisand sur le remake de A Star is Born. Jessica Harper, après des débuts remarqués chez Woody Allen et Dario Argento, mènera un parcours également très discret. On l'a revue plus récemment dans Minority Report. Enfin, parmi les autres, Archie Hahn, qui joue un des musiciens, fera une belle carrière dans de petits rôles. On le revoit d'ailleurs assez souvent dans les films de Joe Dante.


 
 

L’introduction
Compte tenu de son ton très particulier, le film se devait de plonger le spectateur dans le bain dès le début, mais comment ? De Palma a donc utilisé une narration dont le ton étrange place directement le film sur le terrain du conte fantastique, en créant toute une aura de mystère autour des personnages. A noter que la voix en VO est celle de Rod Serling, le créateur et présentateur de la série The Twilight Zone.


 
 
 
 
Le Découpage
Même dans ses premiers films, De Palma possédait déjà un grand talent dans la construction et la mise en place de ses séquences-clé. L’accident de Winslow est un exemple parfait: le réalisateur, tout en lui imprimant un rythme implacable, sait rester d’une grande clarté, en montrant successivement  le danger et l’impuissance du héros pour y échapper.


 

 
En soi, l'accident lui-même est totalement irréaliste, mais De Palma court-circuite l'incrédulité du spectateur en mettant en avant l'intensité de la situation. La scène est sur-découpée et axée sur des détails qui renforcent l'impuissance du personnage principal.


 

 
A noter que, de manière assez symbolique, Winslow est "défiguré" par l'instrument qui est à la base de la chaîne discographique. On pourra y voir une métaphore de l'artiste broyé par la machine commerciale, et une préfiguration de l'intrigue, puisque sa musique va se retrouver pervertie par Swan. Pour la petite histoire, De Palma a coupé un plan très bref à la limite du gore, qui montrait Winslow émergeant de la presse à disques. La scène elle-même a été tournée dans une usine de jouets qui appartenait à la famille du producteur Edward R. Pressmann.
 
 
Le split-screen
Effet de style cher à De Palma, le split-screen permet de donner au spectateur deux points de vue (ou plus) sur une même action. Il participe à la richesse visuelle du film, mais peut paraître moins efficace, un peu plus brouillon que dans Sisters ou Carrie. Il peut aussi s’avérer perturbant pour le spectateur, qui ne sait pas toujours où regarder ni quelle action suivre. Dans la chanson Upholstery, le split-screen n’apporte finalement pas grand-chose au suspense lié à la bombe. La scène est d’ailleurs une sorte de clin d’oeil/hommage au plan générique du film d’Orson Welles, La Soif du Mal.
 

 
La démultiplication des écrans lors de la scène finale est beaucoup plus efficace : De Palma égare volontairement le spectateur en offrant davantage de points de vue, mais il est clair que c’est celui lié au tueur que le public va ensuite privilégier au détriment des autres. 

 

 
L’effet est beaucoup plus efficace dans la séquence ou le Phantom espionne Swan et Phoenix. La scène devient un jeu de miroirs ou le voyeur devient lui-même observé.
 
 
 
 
Hitchcock
Brian de Palma a toujours cherché à revisiter la scène de la douche de Psychose, et la variation qu’il en livre dans Phantom of the Paradise est sans doute la plus surprenante et la plus réussie de toutes, grâce à sa chute complètement inattendue. Le réalisateur joue sur les attentes du spectateur, qui sait que le Phantom est un personnage incontrôlable et potentiellement dangereux, mais il désamorce complètement la tension avec une trouvaille totalement saugrenue : la ventouse. Mention particulière au petit gloussement de Beef qui conclut la scène.

 
 

Swan Song
Une des conséquences les plus évidentes d’avoir pioché son inspiration un peu partout, c’est que De Palma a du faire face à plusieurs actions en justice au moment de la sortie du film. L’une d’entre elles a des conséquences visibles à l’écran : le label de Swan s’appelait initialement Swan Song, comme celui du groupe Led Zeppelin. Ni une ni deux, ce dernier en a interdit l’utilisation. Swan Song est donc devenu Death Records, et toutes les mentions d’origine ont été masquées plus ou moins adroitement par des caches reprenant le logo de l’oiseau mort ou bien coupées au montage. Les moyens alloués aux effets optiques étant dérisoires compte tenu du budget, cela donne des incrustations du logo très détectables et pas franchement esthétiques.

 
 

 
Le final
Point d’orgue du film, la séquence du mariage se démarque radicalement du reste du film sur le plan visuel, avec une captation très proche de celle du reportage. Elle a d’ailleurs été confiée à deux cameramen, Robert Elfstrom et James Signorelli, qu’on peut d’ailleurs apercevoir dans certains plans. L’utilisation de la caméra portée, ajoutée à l’emploi d’objectifs déformants, crée une ambiance survoltée, savamment renforcée par le montage de Paul Hirsch. De Palma avait déjà expérimenté ce genre de technique dans un de ses précédents films, Dionysus in 69, où il avait filmé en temps réel la représentation d'une pièce de théâtre, Les Bacchantes, d'Eurypide, par une compagnie new-yorkaise.
 
 
 
 
 
The Hell of It
A l’origine, cette chanson était prévue pour accompagner la séquence de l’enterrement de Beef, mais faute de moyens, cette dernière ne fût jamais tournée. Brian De Palma recyclera donc la chanson pour le générique final, qui prend la forme d’une présentation des acteurs, mais aussi d’un récapitulatif des meilleurs moments du film. La fin étant très dramatique et intense, cela permet au public de se sortir du film, tout en gardant en mémoire des moments plus légers.


 
Petit détail amusant: dans l'équipe technique, on relève le nom d'une décoratrice qui deviendra célèbre, comme actrice cette fois (et toujours grâce à Brian De Palma): Sissy Spacek.


 


Culte
Bien que la 20th Century-Fox ait dépensé des fortunes pour acquérir les droits du film, ce dernier se vautrera lamentablement aux USA. La faute, à ce qu’on dit, à une campagne publicitaire maladroite, qui ne mettait pas assez l’accent sur le côté fantastique du film, mais insistait au contraire sur l’aspect musical. La réputation de Phantom of the Paradise, débutera chez nous, en France, où le film récoltera le Grand Prix du fameux Festival d’Avoriaz. Sans cartonner au box-office, il restera à l’affiche très très longtemps à Paris, mais connaîtra également (sans qu’on comprenne très bien pourquoi !) un gros succès dans la ville canadienne de Winnipeg ! Depuis, des réunions de fans ont lieu, avec la participation de la plupart des têtes d’affiches du film. Enfin, signalons dans cette rubrique un superbe site dédié au film, The Swan Archives, qui est une véritable mine d’informations, et sur lequel on peut même trouver des prises coupées ou alternatives. Hautement recommandé.


 
 
 
En vidéo
Phantom of the Paradise s’est créé une bonne partie de sa réputation en vidéo, rien d’étonnant, donc, à ce qu’il ait été bien traité dans le catalogue de la Fox. Après une édition basique, la surprise viendra pourtant de l’éditeur français Opening, qui réédite le film en 2004 dans une superbe édition DVD sur deux disques. Le morceau de choix de cette nouvelle édition, c’est un reportage de près d’une heure, Paradise Regained, qui revient en détail sur le film en compagnie de nombreux intervenants (Brian De Palma, William Finley, Paul Williams, Jessica Harper…). Passionnant, même si moins détaillé que les making of à la Laurent Bouzereau. 


 
 

vendredi 21 décembre 2012

The Dark Knight Rises

Film de Christopher Nolan (2012), avec Christian Bale, Tom Hardy, Anne Hathaway, Morgan Freeman, Gary Oldman, etc...

 

Ça m'épate toujours de voir à quel point Batman bénéficie d'une côte d'amour en acier trempé auprès du public US. Cela doit bien faire la troisième fois que le personnage est repris sur le grand écran, et à chaque fois, ça ne loupe pas, c'est le carton assuré! La Warner n'allait donc pas se priver d'une manne substantielle et on a donc remis le couvert il y a quelques années pour ce qu'on appelle désormais un reboot: en clair, on reprend tout à zéro, avec des acteurs et un metteur en scène différents. Pourtant, on ne peut pas dire que Batman Begins ait particulièrement cartonné, du moins en France. Peu importe, on a sur-vendu The Dark Knight comme le nec plus ultra du film de super-héros, et finalement ça a plutôt bien pris.
 
 
 
Soyons honnête: Batman selon Christopher Nolan, c'est bien, mais ça n'a rien de révolutionnaire non plus. The Dark Knight reposait essentiellement sur les épaules de Heath Ledger, dont la performance dans le rôle du Joker était à la fois glaçante et totalement imprévisible. Sinon, on ne peut pas dire que le film en lui-même faisait particulièrement dans la nouveauté. Au contraire, il étirait le concept, en empilant deux méchants dans une intrigue touffue. Mais en soi, rien de révolutionnaire. Nolan, qu'on avait déjà remarqué avec Memento et Insomnia, ne semble pas trop à son aise dans l'action et du coup la saga a pris une tournure différente du petit monde macabre à la Burton.
 
 
 
 
Batman, maintenant, emprunte à la fois à James Bond et à la S.F., avec un arsenal de gadgets au sujet desquels on ne se pose même plus la question de la vraisemblance. A ceci près que les codes sont différents: la séquence pré-générique ne montre plus les exploits du héros, mais ceux du bad guy. Sinon, en soi, le principe dramatique n'est pas nouveau: on fait descendre le personnage principal le plus bas possible dans la déchéance, avant son retour triomphal. Donc du coup, Bruce Wayne est ruiné, passé à tabac, emprisonné, bref la totale, et pendant ce temps, Gotham City est mise à feu et à sang.
 
 
 
The Dark Knight Rises, comme son prédécesseur, en fait trop. En plus du méchant, Bane, on a rajouté Catwoman, plus tout plein de personnages nouveaux, bref il en faut pour remplir 2 h 45 de projection. Y'a même Marion Cotillard, c'est dire! Le casting donne un peu l'impression d'avoir été recyclé d'Inception, mais bon... Manque plus qu'Ellen Page et Di Caprio, tiens! Question spectacle, on se paye un effondrement de stade, pas mal d'explosions et bien entendu le quota de poursuites, à pied, à cheval, en batmoto (terrible!) ou en batmobile.
 
 


 
Mais finalement, dans The Dark Knight Rises, la mayonnaise ne prend pas si bien que ça. Quelque part, le Batman de Tim Burton fonctionnait parce qu'il s'appuyait sur un univers à la limite de la B.D. Ici, l'approche réaliste peut encore passer quand elle s'appuie sur un méchant charismatique comme le Joker et qu'elle ne mise pas à fond sur les gadgets. Mais malgré la performance de Tom Hardy, Bane est loin de porter le film sur ses épaules, et Anne Hathaway en Catwoman ne parvient pas à faire oublier Michelle Pfeiffer.
 
 


Soyons honnêtes: The Dark Knight Rises vaut tout de même largement mieux que les blockbusters décérébrés façon Transformers. Il se classe même parmi les réussites de ce sous-genre qu'est devenu le film de super-héros. Mais il manque quand même pas mal d'éléments pour en faire un vrai grand film, à commencer par la vision d'un véritable metteur en scène. Il manque à Christopher Nolan, malgré toute l'admiration que je peux avoir pour certains de ses films, un véritable univers bien à lui. A prendre donc pour ce qu'il est, c'est-à-dire un super-spectacle qui a au moins le bon goût de ne pas considérer son public comme un ramassis de crétins. C'est déjà ça.


 

jeudi 20 décembre 2012

Kill Bill - Volume 2

Film de Quentin Tarantino (2003), avec Uma Thurman, Michael Madsen, Daryl Hannah, David Carradine, Michael Parks, etc...
















Et revoilou Tarantino pour le second volet de sa saga pleine de kung-fu et de baston ! D’entrée de jeu, on ne peut pas dire que l’attente était à son paroxysme, tant le premier film avait clairement tracé son parcours : la vengeance de l’héroïne contre ceux qui l’ont trahi, ça donnait nettement la cartographie du film, un sentiment que le réalisateur accentuait d’ailleurs en découpant son film en chapitres. Donc y’avait-il de la place pour la surprise dans ce Kill Bill – Volume 2 ?


Oui, dans une certaine mesure. On peut effectivement dire que le rythme est très différent et beaucoup plus relâché dans cette seconde partie. Il fallait oser, surtout après avoir quasiment saturé le premier épisode de combats divers et variés. Kill Bill – Volume 2 est effectivement beaucoup plus long que le 1, mais en définitive, il n’optimise pas vraiment ce temps supplémentaire. Au contraire, tout donne l’impression d’être rallongé, étiré, sans que cela ne serve obligatoirement le film.



Tarantino alterne donc quelques rares séquences d’action avec des tunnels de dialogue pas forcément indispensables. Pas des répliques qui aident à définir les personnages ou à faire naître l’émotion, loin de là. Non, ce sont juste des échanges verbaux qui n’ont vraiment rien d’exceptionnel, ni même de spirituel, et qu’on aurait zappé dans n’importe quel autre film. Franchement, qu’est-ce qu’on en a à foutre que Michael Madsen se fasse remonter les bretelles parce qu’il est en retard à son taf  et qu’il porte un chapeau de cow-boy? Ca ne fait pas avancer le schmilblick d’un pouce, mais ça dure et ça dure… pour rien !



Le reste du film est à l’avenant, et même lorsque Beatrix rencontre enfin le mythique Bill, son mentor, ce ne sont que banalités sur la vie, les super-héros, tout ça…  On croirait entendre une discussion entre geeks là où on attendait une confrontation délirante. Bref, que Tarantino ait voulu volontairement casser le rythme, d’accord, mais on a un peu l’impression qu’il a manqué d’inspiration pour aller jusqu’au bout. Dans ses longueurs, ce volume 2 annonce ce que le réalisateur fera avec son incursion grindhouse, Death Proof, pas vraiment du lourd hélas.



Pourtant, l’espace de quelques séquences, ce deuxième épisode retrouve le punch du premier. La séquence de combat dans la caravane entre Uma Thurman et Daryl Hannah est un morceau d’anthologie. Tarantino tire intelligemment parti de l’exigüité du décor et monte la séquence sur un rythme infaillible. Il y a également un joli clin d’œil au film de George Sluizer, L’Homme Qui Voulait Savoir. Enfin, le duel final tant attendu entre Bill et Beatrix est anti-spectaculaire, mais repose sur une idée plutôt bienvenue.



Cela ne rachète pas une surabondance de longueurs et une intrigue tellement mince qu’elle a du mal à tenir la distance. Assez curieusement, le film torche trop rapidement des passages qui auraient pu être intéressants (la formation de Beatrix par le grand maître Paï Meï) pour ensuite meubler avec des dialogues complaisants et inutiles. Cela fait de ce Kill Bill pris dans sa totalité un film déséquilibré, parfaitement enthousiasmant dans sa première partie, mais plutôt foiré dans sa seconde. Un demi-échec, ou une demi-réussite, c’est selon.


mardi 18 décembre 2012

Love Actually

Film de Richard Curtis (2003), avec Hugh Grant, Liam Neeson, Emma Thompson, Alan Rickman, Laura Linney, etc...
















Bon OK, ça va probablement faire grincer les dents de quelques-uns, mais le Strapontin va s’octroyer un petit détour par la comédie romantique. Vous savez, ce genre de film qu’on étiquette « films de nanas » et que les mecs fuient généralement comme la peste. Pourquoi être sectaire, dans le fond ? Comme dans tous les genres, il y a du bon et du mauvais, et il se trouve que ce Love Actually est plutôt une bonne surprise.

Film choral qui se balade parmi les destinées d’une poignée de personnages, Love Actually a au moins le mérite de l’exubérance. Ce ne sont pas loin d’une dizaine d’histoires que le film brasse allègrement et avec une habileté certaine. Richard Curtis, le réalisateur, est loin d’être un novice, puisqu’il possède un sacré palmarès en tant que scénariste : Quatre Mariages et un Enterrement, Bridget Jones, Coup de Foudre à Notting Hill… Excusez du peu !





Bien entendu, comme souvent dans ce genre de film, les différentes histoires individuelles sont plutôt inégales, et il est clair que Love Actually aurait probablement gagné à en élaguer certaines. Mais Richard Curtis est un malin, et son casting top moumoute fait des merveilles. Du coup, même si les intrigues sont parfois un peu neu-neu ou bancales, les acteurs rattrapent le coup, aidés il faut bien le dire par des dialogues aux petits oignons et un vrai sens de la comédie. Ca reste tout du long d’une classe très british, sans se vautrer dans les effets faciles ou le comique de bas étage.


Du coup, Love Actually dépeint de jolis portraits : Emma Thompson en épouse délaissée, Laura Linney qui essaie de se reconstruire avec la charge de son frère handicapé, Liam Neeson en veuf digne qui aide son jeune fils à conquérir la fille de ses rêves, Bill Nighy en rockstar ringarde sur le retour... C’est mignon sans être gnan-gnan, romantique sans tomber dans l’émotion facile, et qui plus est, la bande-son cartonne bien, avec un choix de chansons plutôt inspiré. Il n’y a guère que le numéro de Rowan Atkinson, en rupture de Mister Bean, qui fasse un peu tache avec son humour pas franchement light.



Bien sûr, on est loin d’un Magnolia, et il manque au film un vrai tempérament de metteur en scène. Cela n’exclut pas quelques jolis moments et une finesse certaine, que ce soit dans l’humour ou dans l’émotion. Love Actually veut peut-être un petit peu trop en faire à se vendre comme la comédie romantique, le feel good movie ultime. Mais dans les limites qu’il s’est fixées, il honore brillamment son contrat, avec simplicité, grâce, humour et sans la moindre prétention.  C’est suffisamment rare pour être signalé.

vendredi 14 décembre 2012

Kill Bill - Volume 1

Film de Quentin Tarantino (2001), avec Uma Thurman, Lucy Liu, Daryl Hannah, Vivica A. Fox, Julie Louise Dreyfus, etc...



 

 

 

 

 

 

 

 




Quentin Tarantino, voilà quelqu’un qui a le mérite de ne pas faire l’unanimité. Loué par les uns, conspué par les autres, le cinéaste divise. Un peu comme si on lui jalousait cette habileté à faire un cinéma malgré tout jouissif à partir d’une culture essentiellement basée sur des nanars ou des films d’exploitation. Tarantino cinéaste parle à toute cette franche de cinéphiles qui a assidument fréquenté les salles de quartier pour des westerns spaghetti ou des films de kung-fu. Tout de suite, ça limite un peu le créneau.




Ca le limite d’autant plus sur Kill Bill, qui se veut d’emblée une bonne grosse saga de vengeance tellement touffue qu’elle a été éclatée en deux films. Enfin si on veut. Quand on sait que le film est produit par les frères Weinstein, bien connus pour leur sens aigu du commerce, ça ne choque pas. Après tout, pourquoi faire payer le public pour un film quand on peut le faire payer pour deux ? Mais bon, le Strapontin s’égare. C’est juste un petit coup de gueule afin d’éviter que le moindre film qui dépasse 3 heures ne soit obligatoirement saucissonné pour engrosser les distributeurs.


 


 
Avec Kill Bill, Tarantino entre de plain pied dans le monde du cinéma d’exploitation. On pourra regretter qu’il abandonne ses films de gangsters à la construction savante. C’était un peu devenu la marque de fabrique de son cinéma, mais après tout c’est le signe d’une certaine volonté de renouvellement, alors pourquoi pas ? L’inconvénient, c’est que le film ne parlera pas forcément à tout le monde. Mais là encore, belle prise de risque en choisissant de jouer à fond la carte du référentiel et de l’hommage.
 
 
 



Au Strapontin, je le dis tout net, on n’est pas trop client des films de kung-fu, du cinéma bis et des nanars de série Z. C’est donc avec un œil assez critique que nous nous sommes plongés dans les deux volumes de ce Kill Bill. Et il faut avouer que le résultat est plutôt réussi, tout simplement parce que Tarantino reste malgré tout un fichu réalisateur. Passons sur la structure narrative chamboulée, un peu héritée de Pulp Fiction, le film surprend par l’aisance de sa mise en scène, et la façon décontractée avec laquelle le réalisateur gère le contenu de sa saga.


 


 
Le film est axé sur un massacre perpétré pendant un mariage. C’est l’itinéraire de la seule survivante, Beatrix Kiddo ou plus familièrement The Bride (Uma Thurman), pour débusquer et se venger de ceux qui l’ont trahi. Bon d’accord, le scénario tient sur un timbre-poste et ne fait pas dans la complexité. C’est presque une excuse pour faire du cinéma, et accumuler du même coup les figures de style les plus impressionnantes. Kill Bill est un exercice de mise en scène, ni plus ni moins, dans lequel il ne faut chercher ni la cohérence ni la vraisemblance.


 


 
Partant de là, le résultat est plus ou moins heureux, avec de beaux moments, mais aussi d’autres plus faibles. On appréciera le clin d’œil évident à De Palma avec la séquence de l’hôpital, réalisée en split screen, mais on retrouve également son influence dans plusieurs cadrages à la verticale. Le film n’a pas non plus peur de mélanger les styles, passant du manga à des ambiances plus oniriques au risque de la cohérence. Les choix musicaux sont aussi très audacieux, avec des morceaux à l’opposé les uns des autres, qui forment pourtant un patchwork surprenant, où Bernard Herrmann cohabite avec Nancy Sinatra.
 
 
 

                                                                                                                               
On pourra être moins accroché par les – trop – nombreux combats qui parsèment ce premier volume. Chorégraphiés au millimètre, Tarantino les rend volontairement irréels en jouant la carte du too much. C’est un véritable festival de décapitations et de membres sectionnés dans des geysers d’hémoglobine, et en dépit de la mise en scène parfaitement maîtrisée, ça devient un peu répétitif à la longue. Heureusement, le réalisateur se ressaisit et transforme le duel final avec Oren-Shi en véritable moment de grâce, là encore soutenu par une musique décalée (Santa Esmeralda et son disco hispanisant !)  



 
Sur sa première moitié, ce Kill Bill se tient donc plutôt bien. Ca part un peu dans tous les sens, mais c’est constamment maîtrisé, et surtout, porté par l’enthousiasme incroyable de la mise en scène. Même si, au final, le film parlera davantage au geek qui a bien repéré que le survet d’Uma était bien le même que celui de Bruce Lee dans Le Jeu de la Mort. Mais bon, ça c’est un autre débat…