lundi 24 avril 2017

Sing Street

Film de John Carney (2016), avec Ferda Welsh-Peelo, Lucy Boynton, Jack Reynor, Mark Mc Kenna, Maria Doyle Kennedy, etc…

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Oui, je sais, ca a déjà été fait et refait. Les films sur la formation d'un groupe, on connaît, on a déjà donné. Et pourtant, comme ça, tout d'un coup, bam, arrive l'inattendu, le petit film qui vous fait de l'œil et finit par vous faire craquer par sa pêche et son originalité, le film dans lequel vous vous retrouvez et qui vous parle. Vous l'aurez compris, Sing Street est de ceux-là. Retour sur une petite pépite qui a malheureusement fait un passage éclair dans les salles en fin d’année dernière.

 

 
vlcsnap-2017-05-01-16h19m37s236On ne s'en rend pas toujours compte mais à lire les souvenirs de musiciens des eighties, ceux qui sont devenus nos héros musicaux ont démarré petit. Ils savaient parfois à peine jouer d'un instrument et ont appris sur le tas, en montant leur groupe avec des potes. C'est le postulat de départ de Sing Street, qu'on pourrait presque résumer comme une version ado des Commitments, sauf qu'il est finalement beaucoup plus que ca. Ça commence de manière très classique, à l'école chez les curés, et hop le héros monte un groupe sur un coup de tête, juste pour plaire à une fille. C'est leur itinéraire ou plus précisément celui du chanteur, Conor, qu'on va suivre.
 
 
 
 
 
vlcsnap-2017-05-01-16h12m45s197Toute l'originalité de Sing Street c'est qu'il a bien compris que la création musicale s'enrichissait en permanence des influences des uns et des autres, mais surtout de la musique du moment. Là encore, le film joue l’humilité, puisque l’inspiration du groupe provient des disques que Conor découvre, ou plus précisément ceux que son frère exhume pour lui. Et c’est inévitablement une grosse bouffée de nostalgie qu’on se prend lorsque les jeunes découvrent les albums de Cure, Jam, Duran Duran ou Hall & Oates. Cela donne lieu à de savoureuses petites scènes, où le groupe bricole ses clips en alignant tous les clichés en vogue à l'époque.
 
 
 
 

vlcsnap-2017-05-01-16h25m53s140Outre la description bourrée d’humour des différents personnages, Sing Street bénéficie également d’une bande musicale particulièrement réussie. C'est tellement rare dans ce genre de films qu'il faut vraiment saluer le choix des tubes utilisés, mais surtout la qualité des compositions originales. Les différentes chansons du groupe réussissent l’exploit de sonner comme si elles avaient écrites par des amateurs, tout en laissant transparaître ce qui a pu les inspirer. Et le fait est que le résultat est sacrément bon, avec des airs qui vous restent en tête, en particulier l’excellent Drive Like You Stole It, une merveilleuse variation sur le riff du Maneater de Hall & Oates, et qui cristallise dans une magnifique séquence le groupe et ses à-côtés tels que Conor les rêve. En quelques minutes, l'espace d'une belle citation de Retour Vers Le Futur, le film prend toute sa dimension de feel good movie et s’envole littéralement.


 

vlcsnap-2017-05-01-16h48m48s70Il y a aussi beaucoup de finesse et de tendresse dans la description des personnages secondaires, comme celui du frangin de Conor, passionné de musique qui n’a jamais sauté le pas pour monter son groupe, mais qui en connaît suffisamment pour guider son petit frère dans ses découvertes musicales et devenir en quelque Sorte son mentor. C’est aussi l’occasion pour John Carney de brosser le portrait attachant d'une famille au bord de la rupture, puisqu'il y est aussi question de divorce à une époque où ce dernier n'était pas encore légalement admis en Irlande. Bref, l'arrière plan social, malgré ses allures de déjà-vu, est on ne peut plus attachant.

 

 

vlcsnap-2017-05-01-16h22m46s82On sent à chaque instant que le réalisateur a puisé dans son vécu et ses souvenirs pour construire son histoire et ses personnages (le film est d’ailleurs dédié “aux frangins, partout”) et cela confère à Sing Street un ton à la fois familier et authentique. Ajoutons à cela de belles découvertes au casting, en particulier Freda Welsh-Peelo, qui est une véritable révélation dans le rôle principal. Non seulement il se sort avec brio de toutes les parties vocales (il chante lui-même toutes les chansons du groupe) mais il apporte au personnage de Conor à la fois fragilité et caractère. A ses côtés, Lucy Boynton  fait des débuts remarqués, et Jack Reynor est franchement excellent dans son rôle de grand frère.

 

On peut rechigner contre certaines facilités, notamment une fin trop résolument optimiste, dont on se demande par quel bout il faut la prendre (le réalisateur a d'ailleurs précisé qu'il ne l'avait pas voulue comme pleinement réaliste). Mais peu importe. Sing Street parle à nos souvenirs d'ados avec une sincérité et un humour qui en font une des plus belles découvertes de ces derniers mois et l'un des plus belles réussites du genre. Coup de cœur certifié, donc !

 

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mercredi 12 avril 2017

Quelques Minutes après Minuit

(A Monster Calls)

Film de J.A. Bayona (2016), avec Lewis Mc Dougall, Felicity Jones, Sigourney Weaver, Toby Kebbell, Ben Moor, etc…

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Du réalisateur J.A. (pour Juan Antonio) Bayona,  on connaissait surtout The Impossible (d'ailleurs chroniqué ici sur votre blog préféré), un film-catastrophe hyper-réaliste qui, s'il n'était pas totalement réussi, évitait tout de même les clichés propres au genre. Mais de là à s'attendre à cette magnifique surprise qu'est A Monster Calls, franchement, on en reste un peu sur le cul. Avec ce film, le réalisateur impose un univers original et surprenant, et signe surtout une petite perle d'émotion.

 
 
vlcsnap-2017-04-17-18h07m34s109Déjà, d'entrée de jeu, A Monster Calls refuse la classification et les étiquettes. Ça ressemble à un film pour enfants, mais la thématique est résolument adulte, puisqu'on y parle de deuil, de perte de l'être cher. Il fallait ainsi oser braver les étiquettes, et pas certain du coup que le film ait trouvé son public puisqu'il faut tout de même une certaine curiosité voire une grande disponibilité d'esprit pour appréhender cet univers. Ceci d'autant plus que A Monster Calls n'abat pas ses cartes tout de suite et qu'il faut un certain temps pour que les rouages de l'intrigue se mettent en place.
 
 
 
 
 
vlcsnap-2017-04-17-18h13m35s183Une fois les enjeux posés, le film prend alors son envol, et on comprend petit à petit que ces échanges entre un petit garçon et un monstre bienveillant ne sont ni plus ni moins qu'une véritable psychanalyse à laquelle s'abandonne le jeune héros. Ah ! Là je te vois venir, ami lecteur, à te demander avec perplexité si le film en question ne serait pas un traquenard ou un pensum intello ! Eh bien pas du tout ! La magie de A Monster Calls, c'est justement qu'il déploie toutes ces idées passionnantes sans avoir l'air d'y toucher, et surtout en gardant une fraîcheur d'esprit constante. Jamais démonstratif, le film s'enrichit au contraire d'une dimension émotionnelle d'autant plus forte qu'elle se base sur la richesse des sentiments.
 
 
 
 
vlcsnap-2017-04-17-18h18m04s21La description des personnages et du cadre n’échappe pas non plus, dans un premier temps, à certains clichés, comme la belle-mère acariâtre ou la méchante brute de cour de récré. C’est pour mieux les dépasser ensuite. Ils deviennent alors des éléments essentiels dans l’évolution du héros. A ce propos, il faut louer ici l’extraordinaire travail d’acteur du jeune Lewis Mc Dougall, qui se sort avec les honneurs d’un rôle difficile. On est également bien content de retrouver Sigourney Weaver dans un véritable rôle, où elle ne se contente pas juste d’imposer une présence, mais arrive à faire vivre son personnage l’espace de quelques belles scènes.
 
 
 
 
vlcsnap-2017-04-17-18h10m16s166Sur le plan visuel, A Monster Calls est également une belle réussite. Le monstre, auquel donne vie la voix de Liam Neeson, est une merveille de design, remarquablement caractérisé par d’excellents effets numériques. Le film fait également la part belle à l’animation avec trois récits enchâssés dans l’intrigue, dont l’esthétique à la fois enfantine et stylisée est un vrai bonheur. De plus, loin d’être plaqué sur le reste, cette conception graphique s’intègre à l’ensemble, trouvant sa justification dans les dernières minutes. Rares sont les films récents qui sont arrivés à intégrer de manière aussi intelligente le visuel et le contenu symbolique.
 
 
 
 
Le film parlera différemment à chacun selon son propre vécu et si certains critiqueront un final à la Spielberg où tout le monde sort son mouchoir, j’y vois au contraire une émotion vraie, la conclusion superbe et parfaite d’un itinéraire hors du commun et pourtant si familier. On pense souvent au Labyrinthe de Pan, cet autre fleuron de la fantasy transalpine, pour ce mélange entre fantasmagorie enfantine et concepts adultes. Prototype même du film impossible à cataloguer (et donc d’autant plus difficile à conseiller !), A Monster Calls est un petit chef d’œuvre qui mérite en tout cas amplement la découverte.
 
 
 
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Le Générique

Habilement stylisé, le magnifique générique du film prépare bien entendu le spectateur à l’esthétique très particulière des trois récits que le monstre va raconter au jeune héros. Mais de manière beaucoup plus subtile, il sait aussi évoquer l’arrière-plan psychanalytique avec l’utilisation de tâches de peinture qui se changent en différentes formes, ce qui rappelle le fameux test de Rorschach, dans lequel les taches sont utilisées pour évaluer le profil psychologique d’un sujet. Le générique est signé Karin Fong et Grant Lau, deux graphistes du studio de design Imaginary Forces, dont on ne compte plus les créations exceptionnelles (se7en, par exemple).

 

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Clin d’Œil

Liam Neeson, qui prête sa voix au monstre, est également présent dans le film sous la forme très discrète d’une photo de famille. C’est en effet lui qui incarne le grand’père du jeune héros. Un joli clin d’œil à l’acteur, auquel chacun pourra, s’il le désire, rattacher une signification symbolique par rapport au déroulé de l’intrigue.

 

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