Film de Francis Ford Coppola (1979) avec Marlon Brando, Martin Sheen, Robert Duvall, Larry Fishburne, Frederic Forrest, etc.
C’est un film de guerre qui ne ressemble à aucun autre, une vision hallucinée et démente de la guerre du Vietnam, une odyssée initiatique. A l’occasion de sa sortie en Blu-Ray, retour sur le chef d’œuvre de Coppola.
Ce qui fait toute l’originalité du film, c’est que malgré son budget pharaonique, il a su rester une œuvre profondément personnelle, un véritable film d’auteur. Coppola a payé cher son indépendance. Produit sous la bannière de sa compagnie American Zoetrope, Apocalypse Now obligera son réalisateur à sacrifier tous ses biens afin de pouvoir mener l’aventure à son terme. Et alors que des bruits circulent sur un hypothétique désastre financier, une copie de travail (ce qu’on appelle un work in progress) sera présentée au Festival de Cannes… pour remporter quelques jours plus tard la Palme d’Or !
D’emblée, ce qui surprend, dans le film, c’est son rythme contemplatif. Soutenu par la voix off de Martin Sheen, c’est un itinéraire au cœur de l’enfer. Le film brûle ses plus belles cartouches dès le départ, avec des séquences estomaquantes d’efficacité. La charge des hélicoptères est un formidable moment de cinéma, tant par sa mise en scène que par l’énormité des moyens mis en œuvre. Ensuite, le film devient plus introspectif. Chacune des étapes du voyage nous emmène dans une ambiance toujours plus pesante et onirique, jusqu’à la rencontre avec le Colonel Kurtz, auquel Marlon Brando prête sa stature mythique.
Enfin, Apocalypse Now reste encore à ce jour une référence dans le domaine du son. Je dirais même que c’est ce qui lui donne sa véritable personnalité. Le bruit synthétisé des pales d’hélicoptère est devenu la véritable signature sonore du film. Avant que la moindre image n’apparaisse sur l’écran, ce son d’hélico qui traverse la salle grâce aux prodiges du Dolby Stéréo est le véritable précurseur du son 5.1. Il nous embarque dès le départ dans le cauchemar de Willard, au gré d’un mixage à la fois tonitruant et subtil.
Pour achever de donner une identité à part entière à son film, Coppola a conçu une bande musicale totalement novatrice. En collaboration avec son père Carmine Coppola, il a fait appel à un groupe de musiciens experts en synthétiseurs et à une armada de percussionnistes pour travailler sur le concept musical du film. Le résultat est une partition expérimentale, un collage audacieux, tour à tour grandiloquent et minimaliste. L’élément le plus évident et le plus célèbre de ce patchwork sonore, c’est bien évidemment le morceau The End des Doors, qui ouvre et clôt le film et sert admirablement ces scènes au cours desquelles Willard perd tout contrôle.
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| L'apparition clin d'oeil de Francis Ford Coppola |
Plus de 12 ans après, le documentaire Hearts of Darkness reviendra sur l’épopée qu’a constitué le tournage. A partir d’images collectées par le femme du réalisateur, le film brosse un portrait saisissant, bien au-delà du making of classique. On y découvre un Coppola au bout du rouleau, prêt à tous les sacrifices afin de mener à bien son incroyable aventure. Tous les problèmes du tournage y sont évoqués, il y a même des moments particulièrement saisissants, comme celui où Martin Sheen pète littéralement les plombs lors du tournage dans la chambre d’hôtel.
Enfin, dernière pièce du puzzle : en 2001, Apocalypse Now Redux sacrifie à la mode des versions longues et propose près de 50 minutes inédites. Le film dans son montage brut faisait près de 5 heures, cela attise donc la curiosité de bien des cinéphiles. Pourtant, à l’arrivée, il faut bien reconnaître que cette nouvelle version n’apporte rien de fondamentalement nouveau au film, et que les coupes effectuées en 1979 ne nous ont pas privés de moments essentiels. Le rythme en souffre, et il est clair que la version Redux est parfois languissante.
L’intérêt que pourront lui trouver les fans du film, c’est de découvrir des moments inédits, des addendums qui sans en modifier le sens profond, prolongent l’expérience sans véritablement la modifier. Les scènes réintégrées accentuent le côté insolite, sans doute même un petit peu trop, et il est clair que, malgré tout, le montage de 1979 demeure la version de référence par son juste équilibre entre les différentes facettes du film. Pour ceux qui voudraient prolonger l'expérience, je signale tout de même que près de 45 minutes de scènes coupées additionnelles sont disponibles sur l'édition DVD de la version Redux ou le récent Blu-Ray. Des années après sa réalisation, Apocalypse Now demeure toujours aussi saisissant, original et novateur qu’à sa sortie. Rarement grand spectacle et film d’auteur auront cohabité avec autant de talent, pour livrer une vision hallucinée de la guerre du Vietnam qui ne ressemble à aucune autre.
Le Trombinoscope
Martin Sheen remplace au pied levé Harvey Keitel, renvoyé après quelques semaines. C’est l’occasion pour cet excellent acteur de second plan de trouver le rôle de sa vie. Marlon Brando fait (magnifiquement) du Brando l’espace de quelques scènes et Dennis Hopper en fait des caisses (comme d’habitude) en photographe déjanté. Le reste du casting est composé d’inconnus à l’époque, dont certains deviendront célèbres : on reconnaîtra Larry Fishburne dans The Matrix, ainsi qu’un jeune débutant nommé Harrison Ford ! … Enfin, pas complètement débutant puisque le premier Star Wars était déjà passé par là deux ans auparavant.
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| Martin Sheen |
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| Marlon Brando |
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| Robert Duvall |
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| Dennis Hopper |
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| Frederic Forrest |
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| Sam Bottoms |
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| Albert Hall |
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| Larry Fishburne |
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| G.D. Spradlin |
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| Harrison Ford |
Le Générique Alternatif
Quand Apocalypse Now a été présenté en salles, le film ne comportait pas de générique de fin, du moins dans la version présentée à Cannes, ainsi que sur les copies 70 mm. Par contre, dans sa version 35 mm (la plus diffusée), le film en comportait un, qui défilait sur des images de bombardement du repaire de Kurtz. Coppola et son chef opérateur Vittorio Storaro avaient juste filmé l'explosion de leurs décors avec des caméras infra-rouges et, trouvant le résultat intéressant, l'avaient utilisé comme générique.
Mais du coup, pas mal de spectateurs ont perçu la séquence comme un épilogue au film, dans lequel Willard aurait ordonné la destruction du site, ce qui n'était pas du tout dans les intentions du réalisateur. Afin d'éviter toute ambiguïté, le générique a été modifié et se déroule désormais sur fond noir. La séquence figure comme bonus sur les DVDs du film.
Un petit mot, enfin, sur l'édition Blu-Ray du film, qui propose le film dans son montage initial ainsi que que dans sa version Redux, mais également le documentaire Hearts of Darkness. Un disque entier est également consacré à des suppléments passionnants et exhaustifs, qui couvrent pratiquement tous les aspects de la production. C'est aussi l'occasion de découvrir le film dans son format d'image initial, les précédentes éditions vidéo ayant été légèrement recadrées à la demande du directeur de la photographie (à noter, la mention quelque peu abusive de Harrison Ford dans les interprètes principaux, alors qu'on ne le voit que quelques minutes!).

















Faudra qu'on se le voit la prochaine fois que je passe à Orléans.
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