dimanche 25 septembre 2011

L'Odyssée du Hindenburg (The Hindenburg)

Film de Robert Wise (1975), avec George C. Scott, Anne Bancroft, William Atherton, Burgess Meredith, René Auberjonois, Richard A. Dysart, etc.

The Hindenburg a été produit par les studios Universal au plus haut de la vague du film-catastrophe. Et assez paradoxalement, alors que les plus beaux fleurons du genre, comme La Tour Infernale, semblaient plutôt s’orienter vers le cinéma d’action, voici un film qui fait à fond dans le classique et le pépère, et qui l’assume pleinement.
 






On pourra trouver ça plutôt décevant de la part du réalisateur Robert Wise, qui a tout de même signé des classiques inoxydables comme West Side Story, La Mélodie du Bonheur (The Sound of Music) ou bien The Haunting (La Maison du Diable), déjà chroniqué ici même sur le Strapontin. Le scénario ne fait pas dans la nouveauté, ce qui est bien évidemment difficile puisque que l’action s’inspire de faits réels. Tout au plus le film apporte-t’il une hypothèse pour expliquer la catastrophe qui demeure, encore à ce jour, inexpliquée. Un autre challenge consistait à rendre sympathique la plupart des protagonistes, des allemands à la veille de la deuxième guerre mondiale. Le film prend donc le parti-pris de décrire ses personnages  comme conscients de la menace Hitlérienne, alors que cela n’était peut-être pas autant le cas à l’époque.
 
 
 
 
George C. Scott, impeccable comme toujours dans le rôle principal, compose un personnage hanté par le remords après la destruction de Guernica, à laquelle il a participé. Cela aide le spectateur à sinon accréditer, du moins accepter la thèse du sabotage, et donne une ambiance lourde à ce dernier voyage où, en définitive, tout le monde vit dans la peur. Ceci posé, la description des personnages se conforme aux canons du film-catastrophe, bref c’est définitivement sans aucune surprise.



 
Au niveau du rythme, The Hindenburg traîne un peu les pieds. Il faut dire que le parti-pris principal du scénario (l’hypothèse du sabotage) et le cadre de l’action n’autorisent pas beaucoup de débordements, et ceci d’autant plus que le film entend respecter une certaine authenticité historique. Robert Wise s’acquitte plutôt bien de toute la partie strictement descriptive, visant à décrire l’intérieur du dirigeable.
 
 
 
 
 
 
Le contexte politique de l’époque, ainsi que les circonstances ayant mené à l’accident, sont également très documentées. Par contre, on ne peut pas vraiment en dire autant du reste de l’intrigue, qui est mené sur un rythme beaucoup trop plan plan, avec finalement assez peu de péripéties, si ce n'est une séquence de réparation en plein ciel pas franchement palpitante. A signaler, par contre, une splendide partition musicale signée David Shire.







Alors qu’est-ce qui a bien pu séduire le Strapontin dans tout ça, vous demandez vous ? Tout simplement ses effets visuels. Bien avant que l’informatique règne en maîtresse absolue des trucages en tout genre, certains artisans déployaient des trésors d’ingéniosité afin de nous faire croire en l’impossible. Pour The Hindenburg, Universal a mobilisé les piliers de son équipe, qui avaient été très sollicités un an auparavant sur Earthquake (Tremblement de Terre), et plus particulièrement les talents d’Albert Whitlock, l’un des plus célèbres matte painters de la profession.
 
 
 
 
Mais, me demanderez vous, ami lecteur, qu’est ce donc qu’un matte painter ? Eh bien, il s’agit tout bonnement de peintures exécutées sur de grandes plaques de verre, dont une portion est laissée vide afin d’y incruster des prises de vues réelles. Whitlock était le maître incontesté de cet art, et The Hindenburg est, en ce sens, un véritable festival d’effets visuels « à l’ancienne ». Le mélange entre maquettes, fonds animés et éléments peints est sans faute et donne un cachet incroyable au spectacle, rendant à la perfection la grandeur et la majesté du dirigeable.




La séquence de la destruction du Hindenburg utilise les célèbres images d’archives de la catastrophe, entrecoupées de scènes reconstituées. Une habile transition animée nous fait passer de la couleur au noir et blanc et le mélange entre documents d’actualités et scènes reconstituées en studio est remarquable. On regrettera donc d’autant plus que le film se termine ensuite un peu abruptement après cela, un peu comme si on restait indifférent aux conséquences humaines du drame. Deux ou trois scènes pour montrer qui est mort et qui a survécu et hop, c’est torché !







On l’aura compris : en dépit de ses qualités, The Hindenburg est un film plutôt moyen dont le seul défaut est de ne pas appartenir à son époque. Cela fait partie des films qui vous fascinent étant jeune et auxquels on trouve tout plein de défauts pas mal d'années plus tard. En 1976, la vague des films-catastrophe arrive à son terme, et le cinéma de Papa a fait place au ton plus réaliste du cinéma US des années 70. Pas de place donc pour ce film au ton désuet qui ne trouva pas son public… mais auquel le Strapontin voulait tout de même rendre un petit hommage.






A la sortie du film, l'Universal n'a pas vraiment su comment vendre le film. Le rythme était visiblement trop lent pour le public des films-catastrophe, habitué à davantage d'action. De plus, la durée conséquente (plus de 2 heures) était un handicap. The Hindenburg a donc été exploité dans plusieurs montages différents. La version actuellement disponible en DVD n'est pas la même que celle exploitée en salles lors de la sortie du film en France. Il est d'ailleurs assez curieux de noter que la seule séquence qui casse un peu la lenteur du film (la réparation) a été considérablement remontée et raccourcie. De plus, une séquence de music-hall, dans laquelle deux passagers se moquent ouvertement du Führer, ne figure pas sur les copies françaises. Sans compter plusieurs scènes rajoutées aux diffusions télé du film aux USA. Malheureusement, compte tenu de la réputation de The Hindenburg, il y a peu d'espoir de voir exploitée en vidéo une copie complète. En attendant, on peut se rabattre sur l'édition DVD, à la qualité moyenne, mais qui a l'avantage de présenter plusieurs scènes coupées.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Enfin, pour ceux qui maîtrisent bien l'anglais et voudraient approfondir l'extraordinaire travail sur les effets visuels, le Strapontin ne peut que recommander la lecture de cet excellent article, très documenté et abondamment illustré.

vendredi 16 septembre 2011

Red

Film de Robert Schwentke (2010), avec Bruce Willis, Morgan Freeman, John Malkovich, Mary-Louise Parker, Helen Mirren, etc.

Franchement, c'était plutôt alléchant, tout ça: un casting de rêve, un scénario sympa (des ex-agents de la CIA sont menacés par leur ex-organisation)... et puis non. Oh, bien sûr, ça pète dans tous les sens, y'a des explosions achment spectaculaires, des cascades de la mort qui tue, et pour les home-cinémaniaques, ça défouraille de partout en 5.1! Alors quoi ? Le réalisateur Robert Schwentke (déjà auteur de l'impérissable Flight Plan) se paume dans les scènes explicatives, enchaîne des péripéties dont on se contrefiche, et oublie de donner un tant soit peu de corps à ses personnages. Et surtout, pour un film qui se vend comme une comédie, euh, on n'aurait pas oublié l'humour en route, par hasard ? ... A moins que le fait de voir Helen Mirren tirer à la mitrailleuse lourde en robe de soirée suffise à vous faire tordre de rire, c'est plutôt poussif en dépit de quelques idées sympathiques. Red n'a ni la verve insolente d'un film de Tarantino, ni l'humour d'un Guy Ritchie. Restent le charme de Mary-Louise Parker (une actrice qu'on aimerait décidément voir un peu plus souvent) et la présence de Richard Dreyfuss (qui vieillit plutôt bien!) et d'Ernest Borgnine (qui vieillit plus que bien!). C'est peu, mais apparemment suffisant pour que le film trouve son public et qu'on nous inflige un Red 2 très prochainement. 

lundi 12 septembre 2011

Desperate Housewives






















Ceux qui suivent encore et qui ne sont pas définitivement endormis près du radiateur doivent se souvenir qu’au Strapontin, on n’est pas vraiment fans de séries TV. Certes, votre humble rédacteur doit confesser quelques faiblesses pour de bonnes vieilles séries vintage des années 60 ou 70, mais de ce qui se fait récemment… nenni ! Pourtant, c’est pas faute qu’on nous rabâche les oreilles avec les séries actuelles qui, à en croire les spécialistes, rivalisent d’inventivité et de talent avec le cinéma actuel.
Mouais …
Sous l’affectueuse pression de ses amis et collègues, Le Strapontin a donc fini par s’y mettre. Passons sur 24, auquel nous consacrerons un papier un de ces quatre, et attardons-nous donc sur le fameux Desperate Housewives.



Honnêtement, sans les efforts déployés par ma chère et tendre pour me convertir, j’aurais laissé de côté. Un ou deux épisodes visionnés à la va-vite, hors contexte, ça ne m’avait pas vraiment convaincu, bien que je reconnaisse que la série possédait de l’humour et un bon sens du rythme. Et puis, finalement, un beau jour, c’est décidé : le Strapontin prend le taureau par les cornes et on attaque la saison 1 !




Et là, franchement, je dois dire que j’ai été scotché par la qualité de la série. Ce que je prenais pour une sitcom vaguement plus intelligente que les autres se révèle être une passionnante comédie de mœurs, a mi-chemin entre American Beauty et Twin Peaks. Desperate Housewives, en fait c’est la version sérieuse des Banlieusards. D’ailleurs, la série utilise exactement le même décor de rue (ici baptisée Wisteria Lane), mais tout comme le film de Joe Dante, elle repose sur la paranoïa qui se crée entre voisins lorsque des évènements étranges se produisent dans leur quartier. Cependant, là où Dante faisait dans la caricature, le feuilleton joue sur une ambiance à la David Lynch, avec des apparences ne sont jamais ce qu’elles semblent être, des personnages louches et des tonnes de secrets enfouis – au propre comme au figuré. En somme, dans ce petit monde, aucun des protagonistes n’est réellement sans tâche, chacun trimballe sa dose de secrets ou de tares. C’est un univers à la Blue Velvet, mais en beaucoup plus soft et en largement moins dérangeant : le mystère est posé dès les premiers épisodes, et la série brode ensuite autour des différents personnages principaux, soit 4 couples différents. Chacun d’entre eux est très typé, mais ils sont confrontés à des problèmes qui sont suffisamment proches des préoccupations de chacun (l’éducation des enfants, la vie professionnelle, le couple…) pour que le spectateur se sente concerné. Desperate Housewives brode ainsi des petits quiproquos, sur un rythme trépidant qui ne laisse pratiquement pas de répit au spectateur. On passe très rapidement d’une histoire à une autre, sans pour autant que la série ne paraisse fragmentée ou artificielle. Au crédit des scénaristes (et en particulier de son créateur Marc Cherry), il faut reconnaître un vrai talent pour typer en quelques répliques leurs personnages et développer ce genre de micro-situations qui font tout le sel de la série.





Ce qui distingue également Desperate Housewives, c’est justement sa tonalité douce-amère, juste un peu cynique mais pas trop, et son principe de narration. La série s’ouvre sur un suicide, et tous les épisodes seront commentés par la voix off de la morte Marie Alice Young. Si le procédé de faire raconter l’histoire par un mort n’a rien de bien nouveau (souvenons-nous de Sunset Boulevard), son utilisation ici est très judicieuse. La voix intervient en début d’épisode, pour introduire de nouveaux personnages, et à la fin, pour donner comme une petite leçon de vie à partir de ce qui vient de se passer. C’est ce commentaire tantôt malicieux, tantôt franchement cynique, fortement inspiré d’American Beauty, qui donne à Desperate Housewives toute sa personnalité. C’est même parfois franchement émouvant, lorsque des petites phrases en apparence banales trouvent soudain une résonance personnelle chez le spectateur. Chacun y superpose non seulement ce qu’il vient de voir, mais aussi ce qu’il a pu ressentir à un moment donné de sa vie, et ce n’est pas une des moindres qualités de cette série que d’avoir su créer par ce biais une sorte d'intimité avec son public.






Il y en aurait encore beaucoup à dire, que ce soit au sujet de l’excellent générique animé (un collage qui mélange peinture classique et pop art), ou de la musique malicieuse et sautillante de Danny Elfman et Steve Jablonsky. La série a définitivement trouvé ses marques et navigue toujours aussi habilement entre intrigue policière et comédie de mœurs, tout en maintenant une qualité d'écriture assez extraordinaire. Quelques "gueules" du cinéma US, comme William Atherton, Lesley AnnWarren, Michael Ironside ou Richard Roundtree, commencent à y faire des apparitions, ce qui chatouille la fibre cinéphilique de votre serviteur, bref... Gageons donc que nous en reparlerons sous peu sur Le Strapontin!