Film de Damien Chazelle (2016), avec Emma Stone, Ryan Gosling, John Legend, Sonoya Mizuno, Rosemarie DeWitt, etc…
Je sais pas vous mais moi j'en ai bouffé, du LaLaLand en ce début d'année. Et que la critique en tartine un max sur les formidables qualités du film, et que les nominations à l'Oscar pleuvent littéralement (14 en tout, un record !) et que, bien évidemment, il rafle dans la foulée 6 statuettes, presque 7 s'il n'y avait pas eu cette bourde monumentale qui l'avait donné lauréat du meilleur film à la place de Moonlight. Bref, pour tout spectateur normalement constitué, et à moins d’émigrer sur Mars, c'était carrément l'overdose, la hype dans tout ce qu'elle a de plus gonflante et qui faisait de ce LaLaLand le film à fuir.
C'était d'autant plus bêta que j'avais plutôt bien aimé le précédent film de Damien Chapelle,
Whiplash (dont le Strapontin vous parle d'ailleurs
ici). Parmi ses nombreuses qualités, j'avais été impressionné par la manière dont le réalisateur faisait vivre la musique, qui était un élément essentiel de l'intrigue. Donc forcément, à l'annonce d'une comédie musicale, on en salivait d'avance. Un enthousiasme pourtant un peu douché par une bande-annonce plutôt quelconque, qui ne faisait pas franchement envie. Alors que tout le monde applaudissait le grand retour de la comédie musicale, on n'était pas franchement convaincu ni emballé.
Mais bon, il faut toujours lutter contre ses aprioris, on a donc testé
LaLaLand à froid. Déjà, ça commence plutôt mal avec un numéro musical pendant un embouteillage. La chorégraphie est sympathique, les comédiens s'en donnent à cœur joie... un seul souci, mais de taille : la musique ne suit pas. Aucune mélodie n'accroche vraiment l'oreille ni ne reste en tête, un peu gênant quand on voudrait révolutionner le genre, car l'intendance a du mal à suivre. C'est d'autant plus dommage que la mise en scène de Chazelle est habile et colorée, avec des décors pastel et des couleurs qui pètent mais sans faire dans le mauvais goût et des plans-séquences de malade propres à faire fantasmer les geeks cinéphiles.
C'est en définitive davantage l'alchimie entre les deux interprètes principaux qui emballe l'affaire. Ca et une peinture très bien vue du monde des petits comédiens, qui galèrent dans l'attente de l'audition de leur vie. Il y a d'ailleurs une très belle scène au cours de laquelle Emma Stone se donne à fond au cours d'une audition, jusqu'à nous émouvoir jusqu'aux larmes... alors qu'en face d'elle, la responsable de casting n'en a pas grand chose a battre. Un joli moment qui questionne, un peu comme dans
Whiplash, la notion de talent et la manière dont il est il est exploité. Donc, même s'il ne nous charme pas forcément par son aspect musical,
LaLaLand sait le faire par d’autres moyens.
Mais alors, vous allez me dire, qu’est-ce que c’est que ce film qu’on nous vend comme la comédie musicale ultime et qui n’assure même pas un cachou dans ce registre ? Patience, jeune padawan, on y vient. En fait, le charme de
LaLaLand prend son temps pour agir et surprend plus d’une fois en nous faisant de l’œil là où on ne l’attend pas. Et petit à petit, le versant musical du film s’impose avec délicatesse, sans avoir l’air d’y toucher, l’espace de quelques formidables séquences, bourrées de poésie, comme celle du planétarium. Ailleurs, c’est un duo au piano entre les deux interprètes principaux qui fait naître l’émotion. Avec, toujours, ce talent que possède Chazelle pour faire de la musique non pas un simple accompagnement, mais une partie intégrante de l’histoire des personnages.
Difficile, donc, de ne pas succomber lors d’une conclusion magnifique, qui rebat les cartes et change radicalement notre perception du film. Davantage qu’une belle idée de mise en scène, c’est un moment extraordinaire et formidablement émouvant pendant lequel
LaLaLand prend son véritable souffle et toute sa signification. C’est dans ce genre d’instant d’exception que le film dépasse son cadre étriqué et nous fait oublier ce que le reste du film peut avoir de convenu et d’ordinaire. Chazelle va alors beaucoup plus loin que le cadre du simple film musical pour s’octroyer une parenthèse formidable aussi bien par sa forme que par son contenu.
Cet épilogue est tellement touchant et juste, mais surtout c’est une si belle idée de cinéma qu’elle transfigure littéralement le film. Si tout le reste avait été du même tonneau, on aurait sans aucun doute tenu le chef d’œuvre que tout le monde a essayé de nous vendre. Malheureusement, tel quel,
LaLaLand, malgré ses indéniables qualités, se loupe sur l’essentiel : la musique. Quand on ressort d’une comédie musicale sans aucun air qui vous trotte dans la tête, c’est qu’il y a clairement un problème. Et c’est d’autant plus dommage que Damien Chazelle possède un talent indéniable pour la marier à l’image.
Mais bon, tout cela n’est peut-être aussi qu’une affaire de génération, mais le fait est que sur le plan mélodique, la musique actuelle ressemble davantage à du travail d’arrangeur que de véritable musicien (cela est d’ailleurs souvent vrai en matière de simple partition musicale). Mais cela est un autre débat, qui dépassent le cadre du film. Avec des chansons béton, LaLaLand aurait été un chef d’oeuvre. Là, c’est juste un bon film, traversé par des superbes éclairs d’émotion et d’inventivité. Ce qui n’est déjà pas si mal.
Le Retour du Cinémascope
Surprise ! A la différence de pratiquement tous les films actuels, qui sont captés en numérique, LaLaLand a été tourné sur pellicule. Et pas n’importe laquelle, puisqu’il a remis sur le devant de la scène le Cinémascope, un procédé qui n’avait pas été utilisé depuis 1967 (si on excepte le dessin animé Anastasia, qui s’en est servi en 1997). Résultat : un ratio d’image un peu plus large que le scope classique, et, pour ce qui est du support film, un meilleur rendu des couleurs.
Petit clin d’œil sympathique de fin, le logo “The End”, avec une police reprise des grands classiques des années 50, avec la petite mention “Made in Hollywood, USA” qui va bien.
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