Difficile de trouver projet plus curieux que The Shadow : l’adaptation d’un serial ou autrement dit d’une série à épisodes, qui a quand même été déclinée sous forme de nouvelles, puis de BD, puis d’émission de radio… le tout dans les années 30-40. Pourtant, le personnage jouit d’une véritable popularité aux Etats-Unis, et c’est probablement ce qui a décidé les producteurs à tenter le coup sur le grand écran. Après tout, pourquoi pas ? A l’époque, les héros de BD commencent à cartonner au cinéma, Marvel n’avait pas encore envahi le marché, et on se tournait plutôt vers des adaptations de comics très classiques, comme l’ont prouvé des tentatives plus ou moins fructueuses comme Dick Tracy ou The Rocketeer.
On ne peut donc pas vraiment dire
que The Shadow avait toutes les
cartes en main pour séduire les foules, du moins à l’extérieur des USA, et le
film s’est gentiment ramassé au box-office. Pourtant, il faut reconnaître que, s’il est loin d’être un chef d’œuvre, il possède néanmoins d’indéniables
qualités qui en font un spectacle très plaisant, à défaut d’être complètement innovateur. Bien sûr, Alec Baldwin, dans le rôle
principal, est aussi crédible qu’une endive. Bien sûr, le méchant est aussi
impressionnant qu’une assiette de raviolis, mais peu importe. Le scénario, à
base de domination mondiale, a déjà été vu et revu cent fois. Alors quoi ?
Eh bien, malgré tout, on se laisse prendre au jeu, malgré la grosseur des
ficelles et les péripéties archi-convenues.
C’est sur le plan visuel que The Shadow se démarque. Russell
Mulcahy, le réalisateur, avait fait forte impression dans les années 80 avec
des films comme Razorback ou Highlander, avant de sombrer dans la
confection de sombres nanars. C’est donc une petite renaissance à laquelle on
assiste ici, avec une mise en scène inventive et stylisée. Le film mise à fond
sur son design rétro, formidablement appuyé par la direction artistique
impeccable de Joseph Nemec III et la photo de Stephen H. Burum. Les effets
visuels, à la fois classiques et innovants pour l’époque, renforcent une
intrigue parfois un peu boiteuse.
Le charme finit par agir, et si
on est loin d’une petite réussite comme The
Rocketeer, The Shadow séduit par
son absence de prétention et son aspect visuel . A l’opposé des autres films du
genre, son côté pépère et nonchalant pourra en agacer certains. C’est du cinéma
de Papa, du serial qui, loin de
renier ses origines, sait aller à contre-courant des tendances pour imposer peinardement
un certain spectacle à l’ancienne.
C’est ce mélange de savoir-faire
pépère et de stylisation old school qui fait tout le prix de The Shadow. Comparé aux films de super-héros survoltés qui défilent sur les écrans à l'heure actuelle, celui-ci pourra paraître dépassé et limite ringard. A une époque où l'image de synthèse commençait tout juste à révolutionner le grand écran, on y savoure le ton désuet d'un certain cinéma Eighties. Moins typé que les Batman de Tim Burton, The Shadow n'est certainement pas un classique, mais une curiosité à
découvrir.
The Shadow a tout de même le mérite d’un casting qui, s’il n’est
pas exceptionnel, contient suffisamment de « gueules » pour séduire
le cinéphile moyen. Outre la présence de Penelope Ann Miller, dont le
Strapontin ne se plaindra pas, on retrouve l’excellent John Lone (découvert
avec L’Année du Dragon de Cimino et
trop rare depuis), plus Ian Mc Kellen, Peter Boyle et Tim Curry.
La photographie
L’un des atouts principaux du
film. Elle est signée Stephen H. Burum, qui a très souvent travaillé pour Brian
de Palma. On retrouve ici son goût pour les cadrages inventifs et les couleurs
très saturées, qui apportent au film un lustre et un éclat visuel indéniables.
Burum utilise également la technique du split-field, chère à de Palma, qui permet de garder la netteté sur deux plans différents.
Les Effets Spéciaux
Combinaison de techniques
anciennes et nouvelles, les effets de The
Shadow renforcent l’identité
visuelle très forte du film. Maquettes et incrustations sont brillamment
utilisées, de même que des peintures sur verre particulièrement réussies.
Le film utilise également les
images de synthèse pour les séquences mettant en scène le Phurba, une sorte de
poignard vivant particulièrement difficile à manier et dont le manche est une tête de divinité. La technologie en était
alors à ses balbutiements, et le résultat paraît aujourd’hui un peu daté.
La Galerie de Miroirs
Petit hommage (ou clin d’œil) à La Dame de Shangaï d'Orson Welles, la séquence a en fait été considérablement remaniée. Originellement, les miroirs devaient refléter des images du passé du Shadow et le décor était beaucoup plus complexe. Malheureusement, il fût détruit par un tremblement de terre, ce qui obligera la production a refaire la scène en catastrophe, sur un mode plus économique.
Même si elle ne figure pas au
panthéon des chefs d’œuvre de son auteur, la musique de Jerry Goldsmith mélange
avec bonheur des tonalités classiques avec des effets de synthétiseur, au gré d’une
orchestration très variée. La partition est peut-être un peu trop marquée par l’influence
du Batman de Danny Elfman, au
travers d’un thème sur-exploité, mais elle sait se distinguer par certaines
touches bienvenues, comme par exemple un impressionnant travail sur les
percussions et des tonalités orientales. L'album original (quasiment introuvable à l’heure actuelle) ne
proposait que 30 minutes de musique, au profit de chansons parfaitement
dispensables, mais le label Intrada a récemment édité sur un double CD l'intégrale de la partition, qui peut être commandée ici
Le DVD
Le film n’est pas très bien servi
par un transfert bon mais sans plus. La section sonore, en revanche, est bien
meilleure, avec un Dolby Digital qui exploite à fond les effets directionnels
liés au personnage (voir la séquence du pont). Pour mémoire, le film est un des premiers à utiliser le DTS. On est donc un peu surpris qu’il n’apparaisse pas parmi les configurations possibles Etant donné qu’il s’agit d’un
titre de fond de catalogue Universal, le menu est fixe et vraiment très moche, et les
suppléments inexistants. Néanmoins, un blu-ray un peu mieux fourni serait dispo
en Allemagne… et donc bientôt peut-être chez nous !
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