samedi 12 janvier 2013

Cinquième Colonne

(Saboteur)

Film d'Alfred Hitchcock (1942), avec Robert Cummings, Priscilla Lane, Norman Lloyd, Otto Kruger, Alan Baxter, etc...








































Saboteur fait partie de ces films "poursuites" d'Hitchcock, dans lesquels lé héros accusé injustement fuit la police afin de réunir les preuves qui vont pouvoir l'innocenter. C'est une formule qu'il avait testé avec bonheur dans Les 39 Marches ou Correspondant 17, et sur laquelle il bâtira son chef d'oeuvre, La Mort aux Trousses. Peu importent les péripéties rocambolesques, le film est un road movie sous forme de chassé-croisé, presque "un prétexte à faire du cinéma", comme l'aurait dit Truffaut.



Même si son style n'était pas aussi affirmé à l'époque, il y a tout de même de très bonnes choses dans ce Saboteur. Hitchcock n'évite pas certaines situations un peu cliché (l'ermite au fond des bois) et le duo romantique est fidèle aux canons du genre, avec la jeune ingénue qui ne peut pas saquer le héros, mais qui finira tout de même dans ses bras à la fin. Il est très intéressant, en revanche, de constater déjà la grande maîtrise que pouvait avoir le réalisateur du langage cinématographique. Elle émerge de situations parfois banales et transforme un film somme toute assez moyen en démonstration de virtuosité.












Saboteur contient ainsi des moments improbables tellement ils sont énormes, mais que le réalisateur sait malgré tout faire passer avec brio. Il y a déjà, en gestation, cet art de l'idée extravagante poussée jusqu'à l'extrême. Une séquence comme celle de la fusillade dans le cinéma est tellement absurde qu'elle en devient presque casse-gueule. C'est tout l'art d'Hitchcock que d'arriver à traiter ces moments de cinéma sur un ton tellement décontracté et naturel que le spectateur y oublie toute notion de vraisemblance.













Le clou du film, sur la Statue de la Liberté, anticipe brillamment le final sur le Mont Rushmore de La Mort aux Trousses. Malgré ses effets spéciaux datés, la séquence est une formidable réussite, tant sur le plan visuel que sur celui du découpage. Hitchcock y joue assez habilement avec l'identification du spectateur et, comme dans les grands moments de son œuvre,  provoque un suspense formidable à l'aide d'un simple petit détail, qui devient soudainement le pivot de toute une situation dramatique. Un morceau d'anthologie, que l'absence de musique rend plus efficace encore.







Film-charnière entre l'inspiration basique des débuts et les concepts extravagants de ses classiques, Saboteur est un film modeste, mais qui contient déjà les germes de bien des éléments qu'Hitchcock développera par la suite. Il y manque peut-être un peu d'humour, un soupçon de rythme qui l'empêchent de se classer dans le peloton de tête des chefs d’œuvre du réalisateur. Mais en l'état, ce Saboteur est plus qu'estimable et enterre allègrement bien des soi-disant thrillers. "Petit mais costaud", comme dirait la pub!



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