(Noah)
Film de Darren Aronofsky (2014), avec Russell Crowe, Jennifer Connelly, Emily Watson, Ray Winstone, Anthony Hopkins, etc…
Darren Aronofsky est l'un des metteurs en scène les plus prometteurs de ces dernières années. Après avoir ouvert les hostilités avec un Pi surprenant, mais surtout un Requiem For a Dream déjà culte (on vous en parle d’ailleurs ici et là), le réalisateur a ensuite suivi un parcours passionnant, dans lequel la prise de risque et l'audace esthétique sont toujours demeurées des éléments fondamentaux. Depuis l'approche minimaliste de The Wrestler jusqu'aux délires paranoïaques de Black Swan, en passant par la mise en images hallucinée de The Fountain, il a su prouver non seulement l'éclectisme de son talent, mais également une approche très visuelle de la mise en scène.
Noé est un projet difficile qu'Aronofsky essayait de monter depuis des années, et qu'il a même décliné sous forme de BD avec l'aide du dessinateur Niko Henrichon. On comprend un peu la frilosité des producteurs, car ce Noé-là n'a plus grand'chose à voir avec ce que la Bible en raconte. Aronofsky en fait un héros à la Mad Max. Oubliez donc d'emblée les tableaux monumentaux à la DeMille : le réalisateur interprète et réinvente la Bible à sa manière et refait le monde dans une approche qui tient à la fois de Ridley Scott pour le réalisme et de Peter Jackson pour le spectaculaire.
Pour être tout à fait honnête, ça vous cueille à froid sur toute l'intro, qui annonce la couleur et met en place son univers sans vraiment se soucier du fait que le spectateur suive ou pas. C'est un monde à mi-chemin entre le post-apocalyptique et la fantasy, où on ne doit pas s'étonner de voir débarquer des géants de pierre qui semblent échappés d'un roman de Tolkien. Mais une fois qu'on a pris ses marques, Noé devient un spectacle foisonnant, dans lequel les personnages créent tout autant la surprise que l'univers visuel.
La première originalité, c'est d'avoir fait de Noé un héros parfaitement haïssable, un homme dépassé par le destin que Dieu envisage pour lui, et qui ira jusqu'à se mettre à dos toute sa famille dans l'accomplissement de la prophétie qui lui a été dévoilée. Russell Crowe, qui ne m'avait jamais vraiment convaincu jusqu'à présent, est remarquable, dans une prestation nuancée, où l'on sent malgré tout que le personnage peut très bien partir en vrille à la moindre occasion.
Bien entendu, le film ne sacrifie pas son côté visuel, loin de là. Les scènes attendues, comme l'arrivée des animaux ou le déluge, bénéficient de l'expertise des techniciens d'ILM et marient le grandiose et le spectaculaire. Mais c'est ailleurs que le film surprend, dans des sentiments humains jusqu’au-boutistes, qui étonnent plus d'une fois par leur violence, et un refus des conventions scénaristiques. Un gros budget oui, mais qui ne tombe pas dans les travers habituels du genre.
Au contraire, Noé reste jusqu'au bout fidèle à une vision très inhabituelle de son héros, bien loin des standards manichéens auxquels Hollywood nous a habitués. Il en résulte, du coup, un film qui manque un peu de chaleur humaine et un héros auquel on aura du mal à s'identifier. Mais cela n'enlève rien aux grandes qualités esthétiques et visuelles de la mise en scène, qui confirment définitivement Darren Aronofsky comme un auteur à suivre.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire