jeudi 17 mai 2018

Moi, Tonya

(I, Tonya)

Film de Craig Gillespie (2018), avec Margot Robbie, Sebastian Stan, Allison Janney, Caitlin Carver, Julianne Nicholson, etc…

vlcsnap-2018-05-17-22h54m47s113


Si vous vous attendiez à un biopic classique et ronflant sur le fameux incident qui opposa jadis deux patineuses olympiques, oubliez vos a-priori et  passez votre chemin ! Ici, c’est carrément l’opposé ! Tout l’intérêt du film, c’est justement qu’il fait voler en éclats le genre avec cynisme et délectation. Politiquement très très incorrect et fabuleusement drôle, I, Tonya, c’est Fargo chez les Groseille !


vlcsnap-2018-05-17-22h46m49s2Les gens de la génération du Strapontin se souviennent encore certainement de ce fait-divers qui avait défrayé la chronique et confronté deux patineuses rivales, Nancy Kerrigan et Tonya Harding. L’une, Nancy, chouchoute du grand public, l’autre, Tonya, grande gueule qui ne sait pas jusqu’où elle peut pousser le bouchon. Deux compétitrices qui s’affronteront  jusqu’aux Jeux Olympiques. Jusqu’à ce que Nancy Kerrigan se fasse agresser sans raison apparente et blesser à la jambe. Un “accident” manigancé par l’ex-mari de Harding, sans qu’on sache très bien si cette dernière était effectivement impliquée.



vlcsnap-2018-05-17-22h44m21s95I, Tonya refuse d’ailleurs de donner une réponse franche à cette question. Il se dédouane d’ailleurs dès les premières images, en indiquant être basé sur des témoignages bien réels, mais “aucunement ironiques et furieusement contradictoires”. En résumé, les quelques seniors strapontinesques comme votre serviteur, qui ont vécu ces évènements en live et qui s’attendaient à avoir une réponse quant à la culpabilité des uns ou des autres risquent fort de rester sur leur faim. Car le film de Gillespie, sans botter en touche, part dans toutes les directions sauf sur le terrain de l’enquête argumentée.



vlcsnap-2018-05-17-22h28m26s7Tout au contraire, I, Tonya, c’est un joyeux foutoir qui dès le départ ne s’autorise aucune limite dans la vulgarité. On y jure comme des charretiers, on se tape sur la gueule, on se réconcilie, on s’insulte, on se tire même dessus. Bref, plus d’une fois on reste ébahi devant cette galerie de cassos, tout en se disant que c’est juste pas possible et que le réalisateur a forcé le trait. Eh bien non ! Le générique de fin, ce moment traditionnel où tout bon biopic qui se respecte juxtapose les vrais personnages avec ceux du film, est justement incroyable puisqu’on peut constater de visu qu’on n’est vraiment pas loin de la réalité !



vlcsnap-2018-05-17-22h51m06s25C’est donc fabuleusement drôle, dans un esprit qui n’est pas sans rappeler celui des frères Coen façon Fargo, avec des malfrats parfaitement crétins et des dialogues qui crépitent joyeusement dans tous les sens. Les acteurs s’en donnent à cœur joie, en particulier Allison Janney qui compose avec brio le personnage de la mère de Tonya Harding dans un mélange de froideur et de vulgarité. Les Oscars ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisqu’elle a été récompensée comme meilleur second rôle féminin cette année.




vlcsnap-2018-05-17-22h42m04s131Outre son mauvais esprit indiscutable, I, Tonya emballe aussi par la folle énergie de sa mise en scène. Craig Gillespie n’avait pourtant à son actif qu’un autre film inspiré de faits réels, plutôt pépère celui-là, The Finest Hours, qui racontait le sauvetage d’un pétrolier en pleine tempête. On est donc d’autant plus surpris par une réalisation inventive et formidablement rythmée, qui sait intelligemment utiliser les tubes de l’époque pour en faire de beaux moments de cinéma, comme le Goodbye Stranger de Supertramp.




vlcsnap-2018-05-17-22h42m35s9Le film surprend également par la formidable virtuosité des séquences de patinage. Nul besoin d’être fan de ce sport pour être bluffé par le dynamisme incroyable de ces moments forts, servis par un travail de caméra hallucinant et des effets spéciaux aussi discrets qu’indétectables. Le réalisateur a compris qu’elles étaient essentielles à l’histoire, et il sait leur donner leur juste valeur et les mettre sur le devant de la scène. Loin de dépareiller dans un ensemble plus volontiers provocateur, elles ajoutent au contraire un piment supplémentaire à la saveur déconcertante de l’ensemble.



Bref, vous l’aurez compris, le film est un bon gros pied de nez, un monument de mauvais goût assumé qui se joue des étiquettes. Pour reprendre la comparaison d’un critique, I, Tonya, c’est Les Affranchis sur des patins. Gillespie ne possède ni l’abattage ni le talent d’un Scorsese mais son biopic irrévérencieux et mal embouché est une régalante et sacrée bouffée d’air frais dans un genre un peu trop conventionnel et balisé. Coup de cœur strapontinesque certifié !


vlcsnap-2018-05-17-22h35m09s152


Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire