vendredi 10 juin 2011

Panic sur Florida Beach

(Matinee)
 
Film de Joe Dante (1993), avec John Goodman, Cathy Moriarty, Simon Fenton, Omri Katz, Lisa Jakub, Robert Picardo, etc.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Il y a des films qui sont comme des déclarations d’amour au cinéma. A travers l’histoire d’un réalisateur qui présente son dernier film en Floride pendant la crise de missiles de Cuba en 1962, Joe Dante, l’auteur de Gremlins, rend hommage à tout un pan de cinéma de série B, mais aussi à ses souvenirs de jeune cinéphile. A l’occasion de sa récente sortie en Blu-Ray et DVD, retour sur Matinee (oubliez le titre français débile), un film méconnu et attachant, qui est probablement aussi un des plus personnels de son auteur.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Bon, c’est pas souvent que sur le Strapontin, on va pondre des articles maousses sur un film en particulier, surtout quand il est méconnu, mais il y a des moments où, comme on dit « la passion doit l’emporter sur la raison » ! Donc certains s’étonneront peut-être qu’on casse le dernier Eastwood rapidos et qu’on consacre un pavé à un truc dont personne n’a entendu parler. Encore une fois, c’est le mode de fonctionnement du Strapontin… A ceci près qu’ici aussi, on a nos réalisateurs favoris, qu’on aime bien les défendre et leur consacrer de la place… en toute objectivité bien sûr ! Premier de la liste : Joe Dante, ladies and gentlemen !
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Joe Dante est un cas à part dans le cinéma américain. Après des débuts dans la série B, le cinéaste est catapulté vers le succès avec Gremlins. Le reste de sa filmographie est surprenant : jamais réellement reconnu par le grand public, Dante alterne les comédies délirantes (L’Aventure Intérieure, Les Banlieusards) et les gros budgets (Small Soldiers, Gremlins 2) avant de se tourner vers des projets indépendants. Tout le cinéma du réalisateur est marqué par un esprit référentiel : Dante est nourri au cinéma de genre et lui rend hommage à tout bout de champ, ce qui rend ses films particulièrement savoureux pour les cinéphiles.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Chacun d’entre eux regorge de clins d’œil, de références cachées, qu’on se régale à décrypter. Pourtant, à aucun moment ces petits détails n’entravent la narration du film. La mise en scène reste toujours formidablement efficace, héritage de ses débuts chez Roger Corman, le pape du low budget. Enfin, le cinéma de Joe Dante est un cinéma familial, comme l’atteste la « troupe » d’acteurs qu’on retrouve régulièrement dans chacun de ses films : Dick Miller, Robert Picardo, William Schallert, Kevin Mc Carthy… Autant d’acteurs issus des films de série B dont le réalisateur se délectait étant enfant.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Et justement, Matinee s’inspire de tous ces films de monstres qui fleurissaient dans les années 50, comme Tarantula ou Them !. L’idée géniale de Dante, c’est d’avoir situé l’action lors de la crise Cubaine, à un moment où les USA vivaient dans la psychose d’une attaque nucléaire russe. C’est dans ce contexte que le réalisateur Lawrence Woolsey vient présenter son dernier film, Mant ! avec toute une batterie d’effets spéciaux destinés à rendre l’expérience cinématographique plus intense.
 
 
 

Matinee mélange allègrement deux sources d’inspiration : les films de S.F. à base d’insectes mutants, et le cinéma de William Castle. Castle est peu connu du public français, c’est un réalisateur qui, dans les années 60, utilisait des « trucs » pour rendre les projections de ses films plus vivantes :  buzzers pour faire vibrer les sièges, distribution de polices d’assurance au public au cas où le film serait trop terrifiant, faux squelettes flottant au-dessus du public… On retrouve pas mal de ces artifices dans Matinee, où Joe Dante crée, un peu comme dans Gremlins 2, le film interactif ultime, reflet d’une époque où les séances de cinéma étaient réellement une expérience communautaire. Les effets sonores du « Rumble-O-Rama » rappelleront à certains l’utilisation du « Sensurround » dans les années 70. C’est donc avec une énorme nostalgie que le réalisateur nous promène dans cette re-création du cinéma tel qu’il se concevait dans son enfance.
 
 
 
 

 

Tout ce qui fait le succès de Matinee, c’est son authenticité dans l’émotion. Rarement dans sa filmographie, Dante nous aura donné des scènes aussi justes et touchantes que celles qui se déroulent dans la famille de Gene, le jeune héros, dont le père est mobilisé pendant la crise des missiles. La scène où la mère regarde ses films de famille est une manière différente de parler du pouvoir d’émotion des images.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L’évocation du cinéma par Lawrence Woolsey est aussi un moment très fort : il motive ses « troupes » (caissière, ouvreuses, projectionniste) comme s’ils participaient à un moment d’une importance capitale. Jamais le dialogue ne sonne faux. Il y a même un très beau monologue où la caméra se promène dans la salle et célèbre toute la magie du cinéma. Tous ces petits moments finement observés finissent de donner un ton mi-poétique, mi-nostalgique qui fait tout le prix du film.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
On pense beaucoup à Ed Wood, le film de Tim Burton, qui, de la même manière, rendait hommage à ces « petits maîtres » du cinéma américain, sans rabaisser la qualité (pourtant parfois discutable) de ce qu’ils faisaient. Joe Dante a même recréé, avec Mant !, un savoureux film dans le film qui parodie avec malice les monster movies de ces années-là. Et si tant est que Matinee est plein de petites notations humoristiques et de clins d’œil, le réalisateur n’oublie jamais qu’il raconte une histoire avant tout.
 
 
 
 
 
 
 
Outre la sympathique galerie de personnages que le film décrit avec talent, on sent que Matinee est pétri de souvenirs et de cette passion de gosse que pouvait être celle de son réalisateur quand il était ado. Quelque part, le film pose aussi la question de ce que le cinéma est devenu : un industrie où la prise de risque est minimale. Dans son interview, Dante explique combien la production et le marketing de son film ont été difficiles, car il s’agissait d’un projet hors normes. C’était il y a 8 ans, et on ne peut pas dire qu'Hollywood en ait produit beaucoup depuis…
 
 
 
 
 
 
Matinee, c’est un fait, n’est pas un film qui « parlera » à tout le monde. En caricaturant à l’extrême, on pourrait presque dire qu’il s’agit d’un « cinéma
de geek » tant il fait appel à une certaine culture que ne possède pas forcément le spectateur lambda. Toute la force du film, c’est de dépasser cela pour en faire une méditation nostalgique, à la fois drôle et émouvante, sur la puissance de fascination du cinéma. Qu’elle sonne aussi juste n’est pas un des moindres mérites de ce film singulier et très personnel.
 
 
 
 

 

 

 

 

 

 

 
 
Le Trombinoscope
 
Le trombi d’un film de Joe Dante, c’est toute une histoire ! Comme je l’ai précisé, on retrouve souvent les mêmes visages dans ses films, un peu comme une troupe d’amis qui le suivrait de manière régulière. Un trombi donc peut-être un peu long car en plus de ces potes, Matinee contient aussi pas mal d’acteurs pas connus du tout et tous très bons. Pour la petite histoire, la plupart des acteurs qui apparaissent dans Mant! n'ont pas été crédités au générique et ont accepté de tourner gratos, par amitié pour le réalisateur. On note également la première apparition d'une débutante devenue célèbre depuis: ... Naomi Watts!



John Goodman
Cathy Moriarty
Simon Fenton
Jesse Lee Soffer
Lisa Jakub
Lucinda Jenney
Omri Katz
Kellie Martin
Belinda Balaski
Robert Picardo
Kevin Mc Carthy
Robert Cornthwaite
Dick Miller
John Sayles
William Schallert
Naomi Watts et Archie Hahn
 

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