vendredi 17 juin 2011

Les Nerfs à Vif

(Cape Fear)

Film de Martin Scorsese (1991), avec Robert De Niro, Nick Nolte, Jessica Lange, Juliette Lewis, Joe Don Baker, Illeana Douglas, etc...


























Quand on parle de Scorsese, il est de bon ton de saluer Goodfellas (Les Affranchis), Mean Streets ou bien Taxi Driver. Eh bien, sur le Strapontin, vu qu’on ne fait rien comme les autres, on va vous parler d’un Scorsese bien commercial, Cape Fear (Les Nerfs à Vif). Retour sur un bon gros film de commande, certes, mais virtuose.









Il y a des pointures, dans le cinéma, qui pourraient presque filmer n’importe quoi et le rendre intéressant. Enfin, presque, parce que quand Scorsese réalise Gangs of New York, le résultat est bof bof. Néanmoins, il arrive parfois que, dans le cadre d’une commande, un réalisateur arrive à se trouver tellement à l’aise dans son sujet que son plaisir de filmer devient évident, et du coup, jubilatoire pour le spectateur. C’est un peu ce que j’ai ressenti avec Cape Fear.






Remake d’un film somme toute assez moyen signé par ce bon tâcheron qu’était Jack-Lee Thompson, Cape Fear est produit par Amblin, la compagnie de production de Spielberg. On raconte même que ce dernier devait initialement le réaliser. L’intrigue ? Elle est toute simple : un détenu fraîchement sorti de prison (Robert De Niro) va pourrir la vie de l’avocat (Nick Nolte), qui l’a fait enfermer quelques années plus tôt. La base pour un thriller carré et hyper-efficace.







Autant j’avais un peu de mal avec les premiers Scorsese, autant depuis quelques années je trouve son œuvre passionnante. Il a développé, au long de ses films, un sens du visuel et de la mise en scène (certains diront de l’effet) comparable au style de Brian De Palma. Avec Cape Fear, il est comme un poisson dans l’eau, tant l’intégralité du film n’est qu’un gigantesque exercice de style.








La pierre angulaire du film, c’est l’interprétation de Robert De Niro. Dans le role de Max Cady, il campe un méchant véritablement monstrueux, capable du pire, mais aussi suffisamment malin pour jouer avec les nerfs de son ennemi sans pour autant se faire prendre. De Niro livre une performance énorme, et on sent clairement que son vieux complice Scorsese a pris plaisir à lui laisser la bride sur le cou.




Face à lui, Nick Nolte et Jessica Lange sont fidèles à eux-mêmes, mais c’est la jeune Juliette Lewis qui emporte le morceau dans le rôle de la fille de l’avocat. Son jeu fragile fait des merveilles face à un De Niro dévastateur, et leur scène de « séduction » est un des grands moments du film.










Cape Fear est également très marqué par une influence Hitchcockienne. Le superbe générique de Saül Bass réinvente ceux du Maître du Suspense par une recherche esthétique inédite : jeu sur les reflets, visages déformés (certains provenant du générique de Seconds, déjà chroniqué par ici) forment une introduction qui place dès le début, la barre très haut.








Quelques images extraites du générique d'Elaine et Saül Bass



Hitchcock est également présent par le biais de la musique oppressante de Bernard Herrmann, qui fût pendant des années son compositeur fétiche. Scorsese a eu l’idée ingénieuse de reprendre la partition de la première version de Cape Fear et de l’adapter à son remake. Le travail d’adaptation musicale, réalisé par Elmer Bernstein, est impressionnant de justesse, à tel point qu’on a réellement l’impression que la musique a été véritablement écrite pour le film. Il y a même un petit clin d’œil assez savoureux, puisque Scorsese recycle également des extraits de la partition de Torn Curtain (Le Rideau Déchiré), qui  a été en son temps rejetée par Hitchcock.




Sur le plan stylistique, Cape Fear est un vrai régal. Scorsese ne se refuse aucun effet, si gros soit-il. On dit de certains films qu’ils sont des prétextes à faire du cinéma, et on peut effectivement dire que c’est le cas ici, tant l’histoire progresse et se nourrit de ces effets de mise en scène.








En caricaturant, on pourrait dire qu’il s’agît de manipulation du spectateur. J’y vois plutôt un hommage au vocabulaire Hitchcockien, et à sa manière d’impliquer le spectateur dans le film. Scorsese va au-delà et invente sa propre grammaire, parfois appuyée certes, mais il y a derrière elle un tel plaisir de mise en scène que ce simple film de commande en devient un véritable show.

  


Il est certain que Cape Fear pêche par certaines facilités. Sur la fin, le film vire vers des péripéties too much et des invraisemblances qui foutent un peu en l’air l’ambiance pesante que Scorsese avait si brillamment distillée dans sa première partie. Toute la conclusion sur le bateau me paraît un peu inutile, à l’opposé de la tension si efficace du début. Scorsese ne semble pas aussi à l’aise dans le spectaculaire. Il s’acquitte de ce final avec talent mais sans éclat particulier. De Niro va toujours plus loin dans le déglingué et le réalisateur fait concrètement revenir ses acteurs à l’état sauvage, ce qui enfonce un peu inutilement le clou, on avait déjà compris.




Il serait bien évidemment un peu mesquin de ne retenir de l’œuvre de Scorsese que cette œuvre bien huilée et un tantinet putassière. Le Strapontin reviendra d’ailleurs sur les véritables points forts de sa filmographie. Mais puisque nous sommes là pour parler de plaisir de cinéma, le fait est que ce Cape Fear, tout film de commande qu’il est, en procure suffisamment pour mériter une place à part dans notre petite anthologie perso.























Le Trombinoscope
Hormis les têtes d'affiche dont nous venons de parler, il y a quelques acteurs à remarquer dans Cape Fear: l'efficace Joe Don Baker, et aussi Illeana Douglas (qu'on retrouve d'ailleurs dans pratiquement tous les films récents de Scorsese). Enfin, en forme de clin d'oeil, on trouve aussi Gregory Peck, Robert Mitchum et Martin Balsam dans des petits rôles. Pourquoi clin d'oeil ? Simplement parce qu'ils jouaient tous les trois dans la première version du film, réalisée en 1961.

Robert De Niro
Nick Nolte
Jessica Lange
Juliette Lewis
Joe Don Baker
Illeana Douglas
Robert Mitchum
Martin Balsam
Gregory Peck

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