jeudi 7 mai 2015

Sugarland Express

(The Sugarland Express)

Film de Steven Spielberg (1974), avec Goldie Hawn, William Atherton, Michael Sacks, Ben Johnson, Gregory Walcott, etc…

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Parmi tous les films de Steven Spielberg, on parle très peu, trop peu de Sugarland Express. Et ça se comprend un peu, car c’est un des rares films du réalisateur qui n’ait pas connu une carrière particulièrement flambante au box-office. Ensuite, on n’y trouve pas vraiment non plus les petits détails si typiques du style Spielbergien. C’est au contraire un film hésitant et pas très sûr de lui, malgré pourtant une indéniable aisance dans la mise en scène. Il faut donc le prendre davantage comme un galop d’essai que comme une œuvre à part entière.


vlcsnap-2015-04-28-12h34m40s193Spielberg a 26 ans quand il réalise Sugarland Express. A son actif, juste un téléfilm (mais quel téléfilm): Duel, qui a tellement enthousiasmé le public et la critique qu’il se verra distribué en salles à l’étranger, où il consacrera le réalisateur. A un point tel que les pontes d’Universal lui mangent dans la main, et que, du coup, lorsqu’il insiste pour mettre en scène le film, on ne lui dit pas vraiment non, bien que plusieurs personnes doutent (à raison) du potentiel commercial du film. Il est vrai qu’avec le recul, connaissant les thèmes fétiches du réalisateur, il est difficile de voir ce qui a bien pu l’accrocher dans cette adaptation d’un fait divers réel.


 

vlcsnap-2015-04-28-12h32m11s35Le film raconte la cavale d’un couple de délinquants qui prennent en otage un flic dans le but de récupérer leur enfant, dont on leur a retiré la garde. Dès le début, Sugarland Express se définit comme un road movie, qui se préoccupe davantage de croquer des vignettes pittoresques que d’essayer d’humaniser des personnages auxquels on peine à s’identifier. Le choix de Goldie Hawn n’est pas non plus totalement judicieux, tant l’actrice n’est jamais réellement parvenue à se défaire de l’image de blondinette rigolote qu’elle trimballe de film en film. C’est dommage, car le trio qu’elle forme avec William Atherton (qui joue son mari) et Michael Sacks (le flic) fonctionne plutôt bien.



vlcsnap-2015-04-28-12h47m25s247Sugarland Express est plus efficace lorsqu’il décrit tout ce petit monde qui gravite autour des fugitifs. Les flics d’abord, avec un Ben Johnson fidèle à lui-même en policier intègre et débonnaire. Puis il y a tout le barnum médiatique qui se met en place autour de la cavale, l’occasion pour Spielberg de moquer gentiment et sans cynisme exagéré cette tendance bien américaine. Pour un peu, on se croirait presque chez Robert Altman, avec cette insistance sur les médias et l’élan populaire suscité par la situation.




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Déjà, on sent à l’œuvre, dans la réalisation, un sens de la mise en place et de la narration, même s’il est rendu moins évident par la nature de l’histoire. Il y a quelques jolis moments inattendus, comme celui où le couple trouve refuge sur le parking d’un vendeur de voitures et se marre en regardant un dessin animé. L’espace de quelques minutes, Spielberg parvient à humaniser ses personnages et montre leur fragilité face à une situation qui leur échappe. La fin, radicale et sans concession, est brutale et nous laisse sur le bas-côté, concluant le film sur une note amère et sans réelle conclusion. On est décidément loin des grandes poussées d’émotion auxquelles le réalisateur se laissera aller par la suite.


A l’époque de sa sortie, Sugarland Express avait été reçu par la critique comme la confirmation des bonnes promesses de Duel, le film ayant même été présenté en compétition officielle au Festival de Cannes, où il a décroché le prix du meilleur scénario. Aujourd’hui, il apparait comme une œuvre à part dans la filmographie de Spielberg, une parenthèse qui surprend par la sècheresse de son style et sa tonalité de road movie décalé.


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La Mise en Scène

Bien que moins virtuose que dans ses films suivants, la patte de Steven Spielberg est bien présente dans Sugarland Express, mais de manière plus diffuse. On sent déjà une habileté indéniable à mettre en valeur l’action, comme le prouve par exemple le découpage de la séquence d’action chez le vendeur de voitures. On peut voir que dans le choix des angles, l’accent est mis sur les coups de feu eux-mêmes et les impacts par terre, qui sont mis en valeur par un cadrage au ras du sol. L’alternance des angles de prises de vues (hauts pour les coups de feu, bas pour les impacts) renforce le dynamisme de la séquence.

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Une séquence est aussi particulièrement frappante par son dynamisme, c’est celle où la camionnette de la télévision fait une embardée après qu’on lui ait tiré dans les pneus. L’effet est accentué en faisant venir le véhicule directement vers le spectateur. L’idée de violence et d’énergie est transmise là encore par un cadrage très bas, avec une embardée dans un étang qui provoque un éclaboussement de la caméra (et donc, d’une certaine manière, du public). Là encore, on remarque que le style de Spielberg vise essentiellement à maximiser l’impact de l’image en plaçant le spectateur le plus près possible de l’action.


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Spielberg expérimente, un peu comme Brian De Palma, la juxtaposition de deux actions différentes dans un même plan.

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Le film reprend même le fameux effet Vertigo, qu’on retrouvera également dans Jaws, avec un étirement de la perspective qui garde dans le champ un élément visuel indispensable, ici la présence du tireur.

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Sugarland Express marque la première collaboration entre Spielberg et le chef opérateur Vilmos Zsigmond, dont on retrouvera le remarquable travail quelques années plus tard dans Rencontres du Troisième Type. Sa photographie est ici très discrète, mais toujours efficace dans ses compositions et la touche particulière qu’elle apporte aux séquences nocturnes. Pour la petite histoire, c’est dans ce film qu’on réalisait pour la première fois un panoramique dans une voiture en mouvement, ce qui était rendu particulièrement difficile par le volume énorme des caméras Panavision de l’époque.



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La Musique

vlcsnap-2015-04-28-13h00m43s61Juste un petit mot sur la musique, davantage pour aspect anecdotique que pour sa valeur réelle. Sugarland Express est en effet la première d’une très longue et fructueuse collaboration entre Spielberg et le compositeur John Williams. Seulement, vous aurez beau chercher chez votre disquaire favori, impossible de mettre la main sur l’album ! C’est en effet la seule B.O. qu’il ait composée pour le réalisateur qui ne soit pas disponible sur disque. Il semblerait, à ce qu’on dit, que John Williams lui-même ne tienne pas à ce qu’un CD soit édité. Il faudra donc se rabattre sur plusieurs compilations (dont la plus connue, The Spielberg/Williams Collaboration, chez Sony Classical), qui proposent de courts extraits de la partition ou bien sur les bootlegs au son plutôt crade qui circulent à droite à gauche.

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