samedi 18 février 2012

Pink Floyd - The Wall

Film d'Alan Parker (1982), avec Bob Geldof, Christine Hargreaves, Eleanor David, Kevin Mc Keon, Bob Hoskins,etc...
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Alors que le cinéma peine à trouver des sources d’inspiration originales, j’ai toujours été un peu surpris qu’il ne cherche pas du côté de la musique pour se renouveler. Bon, c’est clair que ce n’est probablement pas en tapant dans le répertoire de Céline Dion ou de Florent Pagny qu’on trouvera de la matière, mais plutôt en allant chercher du côté des concept albums. Mais, cher lecteur, te demanderas-tu à raison, qu’est ce qu’un concept album ? Eh bien, il s’agît de disques qui racontent une histoire, à différencier cependant de ceux qui sont conçus à la base pour servir de support à un spectacle. C’était un genre assez à la mode dans les années 70, où les grands groupes progressifs, genre Genesis ou Yes, se sont essayés à la discipline avec plus ou moins de bonheur. La seule tentative que le Strapontin se remémore, c'est le fameux (mais pas toujours réussi) Tommy de Ken Russell, dont ceux qui l'ont vu ont sans doute gardé un souvenir ému d'Ann-Margret et de ses fayots sauce tomate!
 
 
 
 
Mais nous nous égarons! Donc, en 1979, Roger Waters, bassiste de Pink Floyd, propose à son groupe deux idées d’album, dont l’un est pratiquement autobiographique : ainsi naît The Wall qui demeure, quoi qu’on en pense, l’un des disques les plus marquants du groupe. Dans le sillage du disque, Pink Floyd monte une tournée pharaonique, qui, compte tenu de sa taille démesurée, ne se produira que dans quelques rares salles à travers le monde. Le stade suivant sera l’adaptation cinématographique. D’abord envisagé comme une représentation filmée du show, le projet va évoluer vers quelque chose de beaucoup plus ambitieux. Avec le succès naissant du vidéoclip, The Wall, ou plutôt Pink Floyd The Wall va trouver sa forme définitive : 90 minutes sans dialogue, la narration étant intégralement assurée par les chansons de l’album.
 
 
 
 
 
On pense ce qu’on veut d’Alan Parker. C’est un cinéaste pas toujours subtil, avec une prédilection pour les effets choc, qui l’a fait plus d’une fois tomber dans la facilité. D’où une filmographie en dents de scie où le très bon (Mississipi Burning) côtoie le franchement moyen (Midnight Express, Angel Heart), avec quelques pépites inattendues comme Birdy ou Shoot The Moon. Bref un ensemble plutôt hétéroclite, des sujets qu’il gère avec plus ou moins de bonheur et d’aisance. Mais, quelque part, sans être un véritable auteur, Parker n’est ni un cinéaste complètement commercial, ni un réalisateur indépendant, ce qui explique pourquoi il finira par participer au projet, dont il reconnait pourtant, des années plus tard, garder un très mauvais souvenir. Roger Waters n’est pas quelqu’un de facile, et le tournage du film sera particulièrement difficile. Les tensions sont déjà vives au sein du groupe Pink Floyd (ils se sépareront d’ailleurs après un ultime album, The Final Cut) et ceci n’arrange  pas les choses. Le contenu très violent n’est pas non plus facile à gérer, Parker se laissant parfois déborder par le caractère extrémiste de certains figurants. Le film est un vrai parcours d’obstacle, jusqu’à sa présentation, en séance spéciale au festival de Cannes 1982.
 
 
 

Difficile d’oublier le souvenir de ma première projection du film cette année-là. Comme pas mal de monde à l’époque, j’ai été bluffé par le punch de la réalisation, par cette mise en images à la fois agressive et inventive d’un disque que je connaissais littéralement par cœur. Dès les premières images, ce portail qui cède sur les premières mesures de In The Flesh, Pink Floyd The Wall vous emmène pour un trip que vous n’êtes pas prêts d’oublier. Il faut, c’est certain, bien connaitre le disque pour pleinement apprécier le film.
 
 
 
 
 
 
 
Cette histoire de rock star déjantée qui finit par pêter les plombs pourrait nous être totalement étrangère, or c’est tout le génie de Roger Waters que d’avoir réussi à y intégrer des sentiments profondément humains. En analysant la folie de son héros, qui se coupe petit à petit du monde extérieur, The Wall nous renvoie à notre propre aliénation, qui est aussi notre protection. Musicalement, c’est une œuvre très forte mais également pleine d’émotion, où les moments forts côtoient l’inattendu, tel ce procès final qu’on jurerait presque inspiré par Kurt Weill.


 
 

 
On serait presque tenté de dire qu’avec une matière aussi riche, Alan Parker n’a plus grand’chose à faire, si ce n’est apporter son sens de l’image-choc et son style percutant. Sur le plan technique, Pink Floyd The Wall est véritablement très réussi, enrichi par l’excellent travail de Peter Biziou sur la photographie, qui exploite intelligemment le format Scope. La bande sonore est aussi très réussie. En 1982, on en était encore aux balbutiements du Dolby Stéréo, mais le design du son, supervisé par James Guthrie, est particulièrement impressionnant, avec des basses ravageuses et des effets de spatialisation parfois très réussis (il faut rappeler que le groupe s’était fait une réputation sur la qualité sonore de ses concerts, donc cela n’est pas complètement fortuit). Le film marie également avec beaucoup d’adresse les différents styles, incorporant habilement les incroyables séquences animées de Gerald Scarfe. C’est un patchwork incroyable d’images fortes, mises en scène avec une incroyable efficacité.
 
 
 

Le point faible du film, c’est sa deuxième partie. Autant la première misait sur l’identification du spectateur, autant la seconde donne l’impression de le laisser sur le bas-côté. C’est une chose de s’identifier à la déchéance d’un personnage, c’en est une autre de saisir les délires facho d’une rock star. Le film donne l’impression d’être victime de son manque de moyens et manque singulièrement d’ampleur visuelle dans sa deuxième partie, un peu comme si Parker avait brûlées toutes ses cartouches dès le début sans rien garder en réserve pour la suite.
 
 
 
 
 
 
Malgré quelques moments forts (Comfortably Numb, The Trial), on retombe très vite sur une imagerie tellement répétitive qu’elle aboutira même à la suppression d’une chanson (Hey You – voir l’article sur le focus), signe que le film a atteint ses propres limites. Dommage pour certains morceaux, comme l’excellent Run Like Hell, qui ne sont pas du tout mis en valeur par une illustration choc mais finalement très quelconque.


 
 
 


 
On l’aura compris, Pink Floyd The Wall n’est pas le chef d’œuvre qu’il aurait pu être. Mais en l’état, c’est tout de même une curiosité plus que digne d’intérêt et un film unique en son genre, tant par son concept clipesque que par son incroyable noirceur. C’est, pour le Strapontin, un souvenir d’adolescence, le genre d’expérience qui scotche à un certain âge, mais dont on finit par voir tous les défauts au fur et à mesure que les années passent.  Génial dans sa première partie, juste bien dans sa seconde, mais complètement allumé tout du long.

 

 
 
 
 
 
Le Trombinoscope
Roger Waters avait un temps envisagé de tenir le rôle de Pink, le héros, mais compte tenu de la teneur autobiographique du film (et aussi d’un bout d’essai paraît-il désastreux !), il a préféré déléguer. C’est donc Bob Geldof, chanteur du groupe The Boomtown Rats (et futur organisateur du Live Aid), qui tiendra la vedette, imposant davantage un physique qu’une véritable personnalité d’acteur. Parmi les autres acteurs, pratiquement inconnus, on reconnaîtra Bob Hoskins dans un tout petit rôle.
 


 
Bob Geldof
Eleanor David
Christine Hargreaves
Kevin Mc Keon
Jenny Wright
Alex Mc Avoy
Bob Hoskins
 
 


Le DVD
Pink Floyd The Wall a connu des fortunes diverses en vidéo. Assimilé davantage à un clip qu’à un véritable film, il sera édité de manière plutôt désastreuse en VHS (format plein écran et image toute pourrie) avant de trouver enfin ses lettres de noblesse en DVD. Enfin, presque, parce que la toute première édition avait tout de même omis le sous-titrage français des chansons, qui est absolument indispensable à la bonne compréhension de l’intrigue. Tir rectifié depuis, dans une édition remarquable, qui intègre des scènes coupées, un commentaire audio, des reportages d’époque et un fascinant documentaire rétrospectif.

 
 
 

 
Hey You !
Victime du manque de substance de la deuxième partie du film, la chanson Hey You, pourtant une des plus belles de l’album, ne résistera pas aux ciseaux des monteurs, ce qui prouve que visiblement, les auteurs étaient bien conscients du déséquilibre qui existait au sein du film. Certaines images de la chanson seront réutilisées sur d’autres morceaux, en particulier sur Another Brick in the Wall Part III.
 
 
 
 
 
 
La photographie
Assez curieusement, pour un film qui se conçoit comme un clip, la photo et le montage de The Wall ne sont pas vraiment « clipesques ». Il y a beaucoup d’invention et de belles trouvailles visuelles dans les cadrages de Peter Biziou, qui restent malgré tout fidèles à un certain réalisme, de façon à accentuer le contraste avec le côté excessif des animations.
 
 
 
 

 
Les animations
Elles sont l’élément le plus original du film. Au départ conçues par Gerald Scarfe pour être projetées en concert pendant la tournée, elles ont été étoffées pour les besoins du film. Outre leur caractère provocateur et violent, elles marquent par leur style visuel très soigné, notamment dans l’utilisation du pastel pour la colorisation, qui a été entièrement réalisée à la main.

 
 

 
 
Il faut également noter l’incroyable travail sur le morceau Empty Spaces/What Shall We Do Now, avec des transitions particulièrement spectaculaires, qui rivalisent aisément avec les effets de morphing actuels.


 
 



 
La B.O.
Oui, mais allez vous me dire, elle existe déjà, la B.O. : c’est l’album original ! Euh, pas tout à fait, car il y a quand même quelques petites différences, suffisamment en tout cas pour qu’on puisse avoir envie de réécouter chez soi cette nouvelle version. Déjà, il y a un inédit plutôt chouette en intro, When The Tigers Broke Free, puis il y a quelques morceaux substantiellement modifiés (Mother, Bring The Boys Back Home), voire rallongés (Empty Spaces, prolongé par une excellente section inédite What Shall We Do Now ?). Un album de la BO a même été annoncé au moment de la sortie du film sous le titre The Final Cut, mais le projet sera abandonné, et Pink Floyd récupèrera le titre pour son album suivant, le dernier avec Roger Waters. Seul When The Tigers Broke Free sortira en 45 tours single, avec Bring The Boys Back Home (version film) en face B. What Shall We Do Now, qui est en fait une chanson non retenue sur l’album original, sera pourtant jouée sur scène et il faudra donc attendre la parution récente du live de la tournée 1980 Is There Anybody Out There pour pouvoir en profiter.

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