mardi 28 février 2012

Assaut (Assault on Precinct 13)

Film de John Carpenter (1976), avec Austin Stoker, Darwin Joston, Laurie Zimmer, Nancy Loomis, Charles Cyphers, etc..
 















Même s’il paraît un tantinet daté aujourd’hui, Assault on Precinct 13  a tout de même été un film fichtrement influent pour toute une génération de scénaristes. Il a surtout, à sa sortie, assis la réputation de son réalisateur, John Carpenter, après que le fameux Halloween l’ait révélé. Eh oui, comme en France on ne fait rien comme les autres, il a fallu attendre le carton monumental de ce dernier pour que les distributeurs se décident à sortir son tout premier film.

Si effectivement Assault on Precinct 13 a parfois des allures de film fauché, ce n’est pas par hasard : réalisé avec un budget dérisoire, il compense ces limites avec un sens de la mise en scène parfaitement imparable. John Carpenter y pose les bases de son style, avec des personnages luttant contre une menace aveugle et incontrôlable. Son film est un véritable melting pot de plusieurs genres hétéroclites, auquel il sait pourtant donner une cohérence et  une efficacité particulièrement bluffante.



A la base, Assault on Precinct 13 n’est ni plus ni moins qu’un western (le titre initial, The Anderson Alamo, accentuait encore davantage ce parallèle), pratiquement une transposition urbaine de Rio Bravo. Toute l’intelligence de Carpenter, c’est d’arriver à digérer des influences très fortes, puisque le film est très marqué par le style d’Howard Hawks, et d’en faire pourtant quelque chose de totalement nouveau. On est au-delà de l’hommage et plutôt dans une logique de compréhension d’un style. Carpenter a su garder de Hawks cette manière de typer les personnages à travers quelques lignes de dialogue. Cela apporte un ton particulier au film, qui témoigne un réel attachement à ses personnages.


Outre cette influence très westernienne, Assault on Precinct 13 récupère aussi à son profit une ambiance directement héritée de La Nuit des Morts-Vivants de Romero. La menace présentée par le gang apparaît comme implacable, et le comportement des assaillants est tellement peu explicité dans le film qu’il ne semble obéir à aucune loi ni aucune logique. Comme il le fera avec Halloween, Carpenter joue avec l’espace et situe l’action à la lisière du fantastique, en jouant sur des situations qu’il déforme au point de les rendre irréelles. Le gang devient du coup une entité presque surnaturelle contre laquelle la lutte des personnages principaux devient désespérée et presque sans issue.


On appréciera également la manière dont Carpenter prépare l’action à l’aide d’une ou deux séquences particulièrement violentes. L’agression sur le vendeur de glaces est un exemple de découpage et de rythme, et le réalisateur brave les tabous et joue avec les nerfs du spectateur en y faisant intervenir un élément totalement innocent (la petite fille) et en poussant la scène à l’extrême. Si le procédé n’est pas en soi particulièrement nouveau, il accentue le côté implacable de ce qui suivra. Il faut noter au passage que le réalisateur rencontrera des problèmes avec la censure, et que le film fût même amputé de quelques plans jugés too much lors de sa sortie en France.


On pourra critiquer le côté un peu léger de certaines séquences, en particulier la facilité avec laquelle les personnages se débarrassent des membres du gang en faisant mouche pratiquement à chaque fois. Cela contribue à renforcer l'aspect totalement irréaliste de la menace du gang, mais prête souvent à sourire. Le film est parfois victime de la maigreur de son budget, mais il sait dans certaines occasions contrebalancer ce manque de moyens par des idées savoureuses: la scène quasiment surréaliste où le commissariat est mitraillé au silencieux est un exemple d’ingéniosité. Enfin,  il faut mentionner la musique, composée au synthétiseur par John Carpenter lui-même. Si son impact ne vaut pas les BO futures d’Halloween ou de The Fog (il faut reconnaître qu'elle a aussi un peu vieilli), elle pose les bases de l’illustration musicale minimaliste typique du réalisateur.






Si l’on excepte Dark Star, gentille pochade de SF qu’on aimerait bien voir sortir dans notre beau pays, Assault on Precinct 13 est une splendide déclaration d’intention de la part d’un réalisateur qui pose calmement et adroitement les bases de son futur cinéma. On retrouvera beaucoup d’échos dans les futures œuvres de Carpenter, mais le film saura également inspirer de belles réussites, comme l’excellent Nid de Guêpes de Florent-Emilio Siri, et même un remake, signé en 2005 par Jean-François Richet. A la fois rigoureux, solide et original, c’est un petit classique à lui tout seul et définitivement l’un des films les plus réussis de son auteur.  



Le Trombinoscope:
Les acteurs, pratiquement tous inconnus, jouent le jeu à la perfection. Même si ce ne sont pas des performances oscarisables, ils donnent une réelle épaisseur à leurs personnages. On reconnaîtra, dans la distribution, des visages qui réapparaitront dans les films suivants de Carpenter (Nancy Loomis, Charles Cyphers). Le réalisateur prend également un malin plaisir à utiliser la jeune actrice Kim Richards, star chez Disney, pour la placer dans un contexte ultra-violent.
Austin Stoker
Darwin Joston
Laurie Zimmer
Charles Cyphers & John J. Fox
Martin West
Kim Richards
Nancy Loomis

En vidéo :
On ne peut pas vraiment dire qu’ait été particulièrement gâté par les éditions vidéo française, en particulier lors de sa sortie en DVD : première édition en format recadré (du scope en plein écran), à l’image dégueulasse, et qui plus est dans son montage censuré… Heureusement, le récent blu-ray (et l'édition DVD correspondante) a remis les pendules à l’heure en proposant la version intégrale du film dans une belle copie, avec des bonus courts mais intéressants (extrait de conférence, commentaire audio, photos, storyboards…). L'occasion idéale pour découvrir un film rarement diffusé, malgré son indéniable réputation.



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