vendredi 30 novembre 2012

L'Ile des Adieux

(Islands in the Stream)

Film de Franklin J. Schaffner (1977), avec George C. Scott, Claire Bloom, David Hemmings, Julius Harris, Hart Bochner, etc...




















 




Franklin J. Schaffner a toujours été considéré, à tort, comme un metteur en scène mineur. C’est pourtant l’auteur de deux chefs d’œuvre inattaquables, je veux parler de La Planète des Singes (l’original, le seul, l’unique, d’ailleurs chroniqué sur ce blog) et de Patton. Deux véritables classiques, dans lesquels il existe malgré tout une touche personnelle indiscutable, ce qui était, jusqu’à une certaine époque, tout de même assez rare sur de gros films de studio. Ensuite, Schaffner a vivoté entre plusieurs projets plus ou moins réussis, livrant une adaptation honnête du best-seller d’Henri Charrière, Papillon, avant que sa carrière ne pique un peu du nez à la fin des années 70.



Islands in the Stream est assez inhabituel dans le paysage du cinéma américain des années 70. C’est un film « à l’ancienne », qui arrive à une époque où toute une nouvelle génération de jeunes réalisateurs révolutionne de fond en comble l’industrie et impose de nouvelles règles. Qui plus est, c’est l’adaptation d’un recueil de nouvelles d’Ernest Hemingway, publié après sa mort, à partir de manuscrits retrouvés par sa veuve. Ceci explique en partie la nature un peu éclatée de la narration, qui divise l’histoire – et du même coup le film - en trois chapitres : The Boys, The Woman et The Journey, dont le fil rouge serait le personnage de Thomas Hudson.





C’est dans la description de Hudson que le film réussit le mieux. Magnifiquement interprété par George C. Scott, il vit reclus et isolé de tous sur une petite île du Pacifique. Chacun des segments de l’histoire raconte comment il s’ouvrira au monde extérieur, d’abord grâce à ses enfants, puis à son ex-femme, et enfin par la prise en charge de réfugiés de guerre.








Des trois histoires, la plus émouvante est celle en rapport avec les trois garçons. En dépit de certains clichés dans les rapports familiaux, le film fait preuve d’une grande sensibilité dans la description des liens qui se retissent peu à peu entre Hudson et l’un de ses fils, David. Le point culminant est une séquence de pêche à l’espadon, au cours de laquelle l’enfant va jusqu’au bout de ses limites pour se montrer digne de son père. C’est une très belle séquence, même si on regrette qu’elle soit un peu gâchée par l’utilisation trop voyante d’images d’archives ou d’effets spéciaux miteux.





Les deux autres segments sont beaucoup moins convaincants. Malgré la présence de Claire Bloom, le second ne semble pas très bien savoir où il va et se perd en scènes de dialogue trop académiques. La troisième partie, qui se voudrait la plus ambitieuse, semble victime d’un manque de moyens. La mise en scène reste très fonctionnelle, un peu comme dans Papillon, et ne possède ni le souffle ni l’énergie des meilleurs films de Schaffner.







Néanmoins, Islands in the Stream est sauvé de temps à autre par de beaux moments épars, qui hélas ne forment jamais un véritable tout. Le film évoque brillamment et simplement la proximité et la menace de la guerre dans ses premières séquences, comme cet instant où Hudson et ses enfants voient couler un navire en feu sur l’horizon. Malheureusement, il est trahi par son manque de moyens lorsqu’il s’agit d’intégrer concrètement cette idée à la narration et c’est le gros défaut du film.






On ne peut cependant nier la profonde sensibilité d’Islands in the Stream. C’est ce que Truffaut avait coutume d’appeler un « grand film malade », un projet dont on ne peut remettre en cause ni la sincérité, ni l’engagement du réalisateur, mais qui manque son but, faute d’un investissement concret de la part du studio qui l’a produit. Schaffner avait coutume de dire que ses héros n’étaient pas à leur place dans leur époque. On pourrait en dire autant de son film, à contre-courant des modes, qui malgré ses imperfections, mérite indiscutablement d’être redécouvert.  







Le Trombinoscope
C’est dit, le Strapontin est définitivement fan de George C. Scott, et on applaudit donc des deux mains sa performance pleine de sensibilité. A ses côtés, on retrouve l’excellent David Hemmings et les fans de James Bond reconnaitront Julius Harris, qui campait un méchant mémorable dans Vivre et Laisser Mourir. Enfin, Hart Bochner, ici dans un de ses premiers rôles, s’illustrera bien des années plus tard dans le fameux Piège de Cristal.


George C. Scott
Claire Bloom
David Hemmings
Michael-James Wixted
Hart Bochner
Brad Savage
Julius Harris
Susan Tyrell



La Musique

vlcsnap-2012-11-20-22h16m12s53L’un des éléments essentiels du film, c’est la superbe partition musicale de Jerry Goldsmith, qui se classe aisément parmi ses chefs d’œuvre. Ses collaborations avec Franklin J. Schaffner ont toujours donné lieu à des œuvres hors-pair, sans doute parce que le réalisateur comprenait l’importance de la musique et savait lui donner la place qu’elle méritait. Le compositeur a souvent avoué en interview que la musique d’Islands in the Stream était une de ses préférées.





IITSAu-delà des points faibles du film, Goldsmith insuffle avec brio une profonde émotion et un souffle qui manquent souvent dans la mise en scène. Très variée dans son inspiration, mais très classique dans sa forme, la partition contient des moments forts, tels le sublime morceau The Marlin, qui fait près de 12 minutes. Longtemps restée sur les étagères de la Paramount, la partition avait été réenregistrée par le compositeur lui-même, dans une version qui, si elle était plutôt bonne, n’égalait pas l’original. Le label Film Score Mothly a utilisé les masters originaux pour sortir l’édition définitive il y a deux ans. Bien que s’agissant d’un pressage limité, elle est toujours disponible sur le site du label.

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