mercredi 3 avril 2013

Cheval de Guerre

(War Horse)

Film de Steven Spielberg (2011), avec Jeremy Irvine, Emily Watson, Peter Mullan, David Thewlis, Niels Arestrup, etc...
















 
 
 
 
 
 
 
S’il y a quelque chose d’assez épatant dans l’œuvre de Steven Spielberg, c’est la dextérité et la rapidité avec laquelle il enchaîne des films qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. A peine a-t’on savouré son magique Tintin que voici qu’il nous offre une épopée située pendant la guerre de 14-18. Après un divertissement de haute volée, Spielberg propose avec War Horse un film plein de grands sentiments et d’émotion.
 
 
 
 
War Horse s’est un peu ramassé au box-office, ça ne surprendra personne. Déjà, même au Strapontin où on est plutôt des fans hardcore de Spielberg, la bande-annonce ne nous avait pas franchement remués. Il y a des films comme ça qui sont mal vendus, que le marketing ne sait pas comment aborder et qui ne font pas envie au premier abord. Pourtant, mince… Spielberg, quoi !
 
 
 




En même temps, ça se comprend un peu, car en définitive, War Horse est un film en-dehors des modes, un retour flamboyant au classicisme, un mélange de conte et de réalisme. Pas étonnant, donc, qu’il ait peiné à trouver son public tant ce savoir-faire à l’ancienne a aussi peu droit de cité dans les productions actuelles. Et c’est d’ailleurs un sacré paradoxe de voir Spielberg aussi bien produire des âneries à la Transformers que signer cet hommage à un certain cinéma, tel que pouvaient le pratiquer John Ford ou David Lean.
 
 
 
 

Alors oui, il y a des clichés dans War Horse, c’est sûr. Il y en a plein, même, mais ce n’est pas l’un des moindres mérites de Spielberg que d’arriver à jouer avec pour transformer son récit et en faire quelque chose de plus grand que nature. Le film ne prétend pas être réaliste, et une bonne partie du plaisir de spectateur qu’on en retire, c’est que le réalisateur utilise ces poncifs sans aucune condescendance.
 
 
 



Il y a quelque chose de vrai et d’authentique dans le cinéma de Spielberg et la manière dont il implique émotionnellement le spectateur, et c’est particulièrement évident dans ce film. Même s’il s’agit d’un cinéma très fabriqué, il l’est toujours avec un sens de la mise en scène absolument imparable et un véritable talent de conteur. Regarder War Horse, c’est un peu comme écouter une belle histoire au coin du feu, et tant pis s’il y aura toujours une frange du public pour trouver ça plan-plan.
 
 
 
 

En même temps, cette histoire sait s’enrichir de développements inattendus, en laissant brusquement tomber les personnages qu’elle a campés dans sa première partie. Le cheval du film devient alors le fil conducteur de l’histoire au travers des hasards de la guerre. Une telle approche déstabilise et frustre le spectateur, qui se retrouve quelque part dans la même situation que l’animal, contraint de se familiariser avec de nouveaux protagonistes.
 
 
 
 


Le sens visuel de Spielberg est toujours intact, même si son style se fait plus classique. Aidé par une magnifique photographie de Janusz Kaminski, le réalisateur se fend même parfois de belles idées visuelles (l’exécution des déserteurs). La musique de John Williams, malgré son omniprésence, sait renforcer intelligemment l’émotion. Et puis il y a la séquence imparable, cette cavalcade dans les tranchées qui est assurément le plus beau moment du film et qui résume à elle seule toute son intensité.
 


 
 
Spielberg ne joue pas la redite, et n’essaie pas de donner aux séquences guerrières des faux airs de Soldat Ryan. Il sait, par contre, synthétiser toute l’horreur de la guerre en une idée forte (les barbelés), puis se servir de ce symbole pour résumer toute l’absurdité du conflit. L’espace d’une émouvante séquence, toute notion d’ennemi s’efface. C’est fait avec simplicité, naturel et générosité, dans un ton qui n’est pas sans rappeler celui de Frank Capra.





Le profond classicisme du film pourra en agacer certains. Il n’a d’ailleurs pas manqué de diviser la critique. Mais à une époque où le cinéma se résume souvent à des recettes et des exploits techniques, il est émouvant de constater qu’un réalisateur comme Spielberg sait encore faire parler sa sensibilité pour raconter simplement une belle histoire. Les cyniques ou les faux fans ne manqueront pas de lui reprocher son conformisme et son côté prévisible, alors que ce sont justement tous ces ingrédients qui en font toute la valeur. War Horse, s’il ne joue pas dans la même cour que les chefs d’œuvre du réalisateur, est en tout cas un très beau film, et c’est déjà beaucoup.


 

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire