mardi 14 mai 2013

Match Point

Film de Woody Allen (2005), avec Jonathan Rhys-Meyers, Scarlett Johansson, Emily Mortimer, Brian Cox, Matthew Goode, etc...




















Les films de Woody Allen, c'est toujours un truc un peu à part. De notre temps (je parle là d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître), Allen, c'était surtout un rigolo, qui signait des œuvres pleines de nonsense et d'absurde particulièrement régalantes. Et puis, avec Annie Hall, changement de cap: on bifurque vers des films plus matures, qui s'apparentent davantage à la comédie dramatique qu'au burlesque pur et simple. Depuis, bon an, mal an, le gars Woody nous envoie régulièrement son petit film annuel, et petit à petit, sa livraison périodique est devenue un genre en soi. Quand on va voir un Woody Allen, on sait ce qu'on va voir, même si les cuvées ne sont pas toujours aussi enthousiasmantes que par le passé, et si la critique a tendance à s'enflammer pour un oui pour un non dès qu'un film sort du moule que le réalisateur a soigneusement mis en place.

Matchpoint, justement, a été en son temps une petite révolution, car il faut bien reconnaître que le réalisateur avait rarement poussé aussi loin la rupture avec son genre de prédilection. Il s'agît d'une comédie noire, très noire, qui moque dans un premier temps les travers des bobos londoniens, en utilisant justement les constantes qu'Allen avait mises en place jusqu'à présent. Il y a des scènes de resto, des scènes dans des galeries d'art, dans lesquelles les personnages discutent inévitablement du sens de leur vie. Sauf qu'au bout d'un moment, tous ces éléments soigneusement mis en place vont petit à petit laisser place à une intrigue beaucoup plus noire.

On pense parfois à Crimes et Délits, ce Woody Allen atypique du début des années 90, mais pour la première fois depuis bien longtemps, le cinéma du réalisateur respire de sensualité. Avec le personnage de Scarlett Johansson, Matchpoint acquiert une dimension charnelle et érotique qui prouve qu'à 70 ans, Allen restait toujours vert. Ensuite, le film assume pleinement la noirceur de son sujet, et Jonathan Rhys-Meyer, dans le rôle principal, est parfait dans un rôle difficile. Son personnage devient prisonnier d'un système qu'il croyait maîtriser, avant d'avoir recours à l'extrême pour se sortir d'une situation dont il est devenu prisonnier.

Il y a du Bergman dans ce Woody Allen-là, tant la description des rapports humains, parfois violents, reste très froide et distante. En même temps, le réalisateur rend hommage à son auteur fétiche,  Dostoïevski, tant Matchpoint ressemble à une variation contemporaine de Crime et Chatiment. Seul bémol, on sent Allen pas très à l'aise avec l'intrigue policière. Malgré ses flics pittoresques, elle peine un peu à convaincre. Mais bon, ce n'est pas là le véritable sujet du film et le reste se tient suffisament bien pour qu'on passe finalement outre.






Cela n'entache pas, et de loin, la force de Matchpoint. Il fallait oser jouer sur les codes de son propre cinéma pour faire ensuite dévier son film vers quelque chose de totalement nouveau. Ce film de Woody Allen ne ressemble effectivement à aucun autre film de Woody Allen. Mais en filigrane, on y retrouve les thèmes chéris du réalisateur, ses obsessions qui, mélangées à une intrigue résolument sensuelle, finissent de faire de ce film l'une de ses œuvres les plus singulières, mais aussi une de ses plus brillantes.


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