dimanche 30 octobre 2011

The Matrix


Film de Larry et Andy Wachowski ( 1999), avec Keanu Reeves, Laurence Fishburne, Carrie-Ann Moss, Hugo Weaving, Joe Pantoliano, etc.
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ca fait un peu bizarre de reparler de The Matrix aujourd’hui, maintenant que l’idée géniale du premier épisode a donné lieu à deux suites qui ont allègrement bousillé le concept. Pourtant, à la revoyure, le premier épisode de la trilogie était vraiment remarquable : une mise en scène inspirée, un univers unique, un scénario habile, et un mélange des genres assez brillamment négocié.

 
 
C'est certain, on ne peut pas dire que le film est véritablement original à 100%, car en définitive, les frères Wachowski, réalisateurs du film, ont pioché un peu partout leur inspiration : dans le courant cyberpunk, le manga, la BD… en allant jusqu’aux blockbusters bourrins style Terminator. Raconté comme ça, ça peut paraître parfaitement naze. Or, et c’est la grande force du film, toutes ces sources ont été parfaitement digérées pour créer un univers à la fois surprenant et inédit.

 
 

 
 
La grande force de The Matrix, c’est qu’il ne prend pas de gants avec le spectateur, et ne s’embarrasse pas de lui expliquer quoi que ce soit durant tout le début du film. Le public est dans le même état que Néo, le personnage principal, et ne comprend rien à ce qui lui arrive. C’est un parti-pris assez culotté, d’autant plus que les frères Wachowski ne se soucient à aucun moment de la vraisemblance et alignent tranquillement les séquences d’action les plus ébouriffantes qui soient. Visuellement, le style est clair et précis, sans les effets de caméra parkinsoniens qu’on trouve hélas dans la majorité des films d’action actuels. Bref, d’entrée de jeu, le film place la barre très haut.
 
 
 
 
 
Ensuite vient le temps des explications ou, comme le dit Morpheus, la « descente dans les tréfonds du terrier ». Le film prend alors le temps de détailler son univers et ses règles, avec la description d’une apocalypse qui a rendu les hommes esclaves des machines. Là, encore, The Matrix nous balance des images fortes, sans pour autant tout nous expliquer. La vision des champs de culture où les humains sont asservis est véritablement à glacer le sang. Le film nous détaille ensuite avec minutie l’univers de la Matrice.
 
 
 
 
 
 
Outre le fait de rattacher l’intrigue à un univers à la Philip K. Dick, dans lequel tout est factice, l’idée-clé de The Matrix, c’est d’utiliser ce cadre « virtuel » pour justifier par la suite tout ce que l’action pourra avoir de too much. Et cela devient en définitive la ligne directrice du film : faire référence à des scènes dites « classiques » (combat de kung-fu, fusillade…) et les pousser le plus loin possible, sans le moindre souci de vraisemblance. Les frères Wachowski s’appuient à fond sur les ressorts d’un cinéma à la James Cameron, mais là encore, ils savent rendre la chose visuellement intéressante et stimulante.
 
 
 
 
 
En plus de l’utilisation des câbles durant les scènes de combat (qui s’est généralisée depuis), l’autre gimmick visuel très fort de The Matrix, c’est l’utilisation du bullet-time. A mi-chemin entre la photographie et le cinéma, cet effet spécial fige la scène, pendant que la caméra continue à se déplacer autour des personnages, comme si elle se trouvait dans un environnement 3D. Un effet tellement novateur que bon nombre de films d’action l’ont récupéré à leur compte depuis. Il est, encore une fois, utilisé en totale cohérence avec l’intrigue, puisque le héros apprend peu à peu à maîtriser le temps et la vitesse.
 
 
La réalisation des frères Wachowski est originale et stylée, avec une brillante utilisation du ralenti et de l’espace. Malgré le caractère novateur de leurs effets, ils n’en abusent jamais et gèrent avec une aisance déconcertante les séquences d’action les plus échevelées. Au contraire de ce qui se fait actuellement en matière de spectacle, ils savent les doser correctement et ne pas verser dans l’excès des grosses tranches de castagne qui durent trois plombes.
 
 
cpt-2011-10-30-10h38m55s251Enfin, l’illustration musicale est particulièrement habile. En plus de l’excellente partition musicale de Don Davis, à la tonalité très contemporaine, le film utilise également des morceaux pop particulièrement bien choisis qui collent parfaitement à l’action (il est difficile de ne pas être emballé par le Spybreak du groupe Propellerheads, utilisé lors de la fusillade dans le hall). Le film tord également et allègrement le cou aux scènes « à faire » : ainsi, l’Oracle qui doit renseigner le héros sur sa destinée n’est-il que une ménagère black en train de préparer des cookies.
 
 
 
 
 
cpt-2011-10-30-12h20m20s147De la même manière, le design du film accuse un côté délabré et vieillot, qui permet au film de finalement vieillir plutôt bien. Le téléphone devient une porte d’entrée entre deux mondes, et le parallèle entre le monde réel et la Matrice est une sorte de miroir que l’on traverse telle Alice dans le conte de Lewis Carroll (auquel le film fait d’ailleurs souvent référence). Le film laisse bien entendu de côté toutes les questions philosophiques passionnantes qu’il pose sur la notion de réalité et la perception que nous en avons, mais il a au moins le mérite d’effleurer toutes ces grandes idées pour asseoir davantage tout son univers.
 
 
 
 
Il est donc d’autant plus dommage que les frères Wachowski n’aient pas su se limiter à un seul coup d’éclat et se soient crus obligés de prolonger leur film de deux suites inutiles. Des années après leur sortie, on ne garde pas grand-chose en mémoire des épisodes 2 et 3, alors que le premier tient encore magnifiquement la route. The Matrix, en dépit de ses emprunts divers et variés, possède le mérite de dépeindre un univers cohérent et original. Il est donc d’autant plus dommage que les réalisateurs, qui nous avaient déjà séduits avec Bound, n’aient pas su retrouver par la suite une telle aisance dans la mise en scène. A la fois film de S.F., fable d’anticipation, film d’action (et quelle action !), il mélange les genres avec brio et brave les étiquettes pour s’imposer malgré tout comme l’une des plus belles réussites récentes du genre et comme l’un des films les plus marquants de la décennie 2000.
 
 
 
 
 
 
 
Arrêts sur Images
 
Le Trombinoscope
The Matrix réussit aussi l’exploit de rendre Keanu Reeves à peu près crédible. Le casting du film en impose : Larry Fishburne, qu’on avait trop rarement vu depuis Apocalypse Now, est excellent en Morpheus, et la personnalité androgyne de Carrie-Ann Moss fait des merveilles dans le rôle de Trinity. On reconnaît également un fidèle des frères Wachowski, Joe Pantoliano, qui jouait déjà dans Bound, et qui assume plutôt bien le rôle du salaud de service. Enfin, dans le rôle de l’agent Smith, sorte de menace protéiforme et indestructible, Hugo Weaving parvient à camper un méchant aussi impressionnant que pouvait l’être le T-1000 dans Terminator 2.
 
 
 
Keanu Reeves
Carrie-Ann Moss
Laurence Fishburne
Hugo Weaving
Joe Pantoliano
Gloria Foster
Marcus Chong
Matt Doran
 

 
La Photographie
 
Elle est signée Bill Pope, qui a été le chef opérateur de Sam Raimi sur des films visuellement très riches, en particulier Darkman. On retrouve ici son style parfois excessif: les cadrages sont très inventifs, et résolument dans l’esprit BD du film. Toutes les scènes situées dans la Matrice ont été traitées en post-production pour afficher une dominante verte. Enfin, les séquences de ralenti sont particulièrement bien composées.
 
 
 
 
 
 
 
Bullet Time
 
Utilisé pour la première fois par le cinéaste Michel Gondry dans des clips pour Bjork ou les Stones, cet effet spécial repose sur l’utilisation d’une batterie d’appareils photo, disposée autour des acteurs et  réglée pour enregistrer en rafale et séquentiellement l’action.
 
 
 
 
 
 
La scène est alors décomposée en une suite d’images fixes, et l’informatique est utilisée pour « relier » ces images les unes aux autres en créant des transitions entre elles. La scène est enregistrée sur fond vert, et l’arrière-plan, généré par ordinateur, est ajouté ensuite. Au final, cela donne un mouvement fluide autour des personnages.
 
 
 
 
 
 
La Citation du film que personne ne connaît
(avec celle-là, vous pourrez frimer en discutant avec vos copains geeks!)
 
Sur un écran de télé en arrière-plan, on peut voir un extrait de Night of the Lepus (en français Les Rongeurs de l’Apocalypse), un nanar majuscule avec des lapins géants, que le Strapontin vous recommande tout particulièrement, et auquel les frères Wachowski semblent vouer un culte tout particulier !
 
 
 
 

4 commentaires :

  1. Je suis bien d'accord avec le Strapontin.

    Le premier film, avec son personnage messianique, est très bien fait, innovant et équilibré (même si ça se gâte sur les dernières images, avec Néo qui se prend pour Superman...

    Les suites sont parfaitement navrantes, avec des délires pseudo philosophiques qui durent des plombes, et une histoire qui part en sucette. Dommage en effet que les réalisateurs ne se soient pas arrêtés à la fin du premier film

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  2. C'est pour moi en effet un film charnière dans la SF.
    Beau post !

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  3. Merci de vos commentaires! Les encouragements font toujours plaisir!
    Effectivement, la toute dernière image du 1, c'est un peu l'annonce de la débacle.
    Nous l'avons revu en blu-ray et le film tient encore bien la route, alors qu'il est plutôt rare que les films ayant pour sujet l'informatique vieillissent bien.

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  4. Excellente critique encore.
    J'avais bien vu les références à P.K.Dick et ses univers factices.
    Et aux films de chanbara aussi.
    Par contre toutes les autres références cinématographique je ne les avais pas.
    C'est un des très rares films commenté sur USEE que j'ai vu.
    Faudrait que je vois les autres afin de me faire une culture :)

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