mardi 15 novembre 2011

Peter Gabriel 4

Au Strapontin, on a toujours été client de Peter Gabriel. Enfin, du moins le Peter Gabriel première période, celui de l’expérimentation sonore, un des premiers bidouilleurs de l’histoire de la pop. Déjà, pour abandonner son groupe en pleine gloire, il fallait en avoir. Puis pour imposer son style avec autant de brio, petit à petit, avec des albums inhabituels (tous titrés simplement « Peter Gabriel », juste histoire de faire un petit peu plus dans l’originalité.

Ma rencontre avec Gabriel date du lycée, à une époque où mes camarades – merci à eux ! – ont considérablement élargi mon horizon musical en me faisant découvrir des bonnes choses dont, entre autres, Genesis. De là date une véritable passion pour ce groupe, que j’ai inlassablement suivi depuis, au gré de ses fortunes diverses et variées. On en reparlera sur le Strapontin. Et donc qui dit Genesis dit forcément, quelque part, Gabriel. J’avais été fortement impressionné par son 3ème album, et je me souviens encore de l’attente fébrile pour le 4, de notre première écoute à la fois surprise et enthousiasmée. Souvenirs, souvenirs! Ca nous rajeunit pas, tout ça!

Il faut dire que Peter Gabriel 4 ou plutôt Security, comme il a été baptisé outre-Atlantique est un album audacieux et culotté. Gabriel y fait ses premiers pas vers la world music, mais réinvente aussi le son. Tout l’album est bourré de trouvailles sonores incongrues, grâce à l’utilisation du Fairlight, qui permettait de synthétiser et de déformer des bruitages. Je me souviens encore d’un doc où on le voyait en train de fracasser des postes de télé pour se créer une bibliothèque d’effets sonores. Résultat, PG4 est un album étourdissant, d’une richesse sonore incroyable, et dans lequel les épopées planantes voisinent avec la pop la plus élaborée. Début des hostilités avec The Rhythm of the Heat, un morceau très atmosphérique, qui relate l'expérience d'un voyageur qui est littéralement possédé par le rythme pendant un cérémonial tribal autour d'un feu. Ca commence par des percussions en boucle, auxquelles viennent s'ajouter des accords sourds et profonds (assez curieusement, ce motif sera repris par le compositeur Jerry Goldsmith dans la partition du film Criminal Law). Puis la batterie entre en scène sur un rythme très appuyé, et petit à petit la tension monte jusqu'à ce que Gabriel hurle un "The rhythm has my soul" déchirant, suivi par un déchaînement de percussion et de batterie.

Une entrée en matière énorme, que prolonge le morceau suivant San Jacinto, qui nous transporte pendant un rituel indien, avec des orchestrations planantes. On se croit parti pour un trip initiatique, mais Gabriel nous ramène bien vite sur Terre avec I Have The Touch, une chanson sur l'incommunicabilité. Un morceau aux tonalités plus modernes, soutenu par une rythmique implacable et des synthés décalés, mais qui sait pourtant devenir émouvant vers la fin, avec ce "I need contact" qui conclut la chanson. L'autre grand moment du disque, c'est Shock the Monkey, le seul et unique tube qui sera extrait de l'album. A fond dans son trip moderniste, Gabriel signe une chanson maligne, bâtie sur un motif de cinq notes particulièrement entêtant. Il ne faut pas vraiment chercher à décrypter les paroles (le chanteur indiquera qu'il s'agit d'une chanson sur la jalousie), qui ne sont le plus souvent que prétextes à des jeux sur les mots. Le clip, par contre, est une formidable réussite. Réalisé par David Mallet, il développe une atmosphère angoissante et oppressante et regorge d’idées visuelles toutes plus folles les unes que les autres. En 1982, le chanteur avait déjà compris que la vidéo musicale n’était pas qu’un outil de marketing, mais également un moyen d’expression à part entière.

Les autres morceaux peuvent paraître plus sages et moins aventureux (en particulier Kiss of Life, une conclusion mi-figue mi-raisin). On retiendra essentiellement Lay Your Hands on Me, à la batterie cinglante (en concert, le chanteur choisissait cette chanson pour faire du crowd surfing en se jetant dans la foule) et le joli mais anecdotique Wallflower, qui annonce ses chansons plus engagées.








Security nous montre un Peter Gabriel au mieux de sa forme. Il prolonge les expérimentations du troisième album, leur ajoute un soupçon d’exotisme qui deviendra, comme le montrera la suite de sa carrière, une des sources d’inspiration essentielles du chanteur. Un album foisonnant et unique, parfois difficile d’accès, mais constamment inventif.



En bonus, la vidéo de Shock the Monkey (merci YouTube!), mais également un lien vers des photos prises pendant les sessions d'enregistrement par Larry Fast, qui jouait des claviers sur l'album.


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