mardi 3 mars 2015

Birdman

Film d’Alejandro González Iñárritu (2014), avec Michael Keaton, Edward Norton, Emma Stone, Naomi Watts, Zach Galifianakis, etc…

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Le moins qu'on puisse dire, c'est que Birdman est loin d'être un film facile, loin de là. C’est même un film tellement déconcertant et difficile à appréhender qu’il vous file constamment entre les doigts, vous prend à rebrousse-poil et défie les étiquettes. Une œuvre difficile, donc, et très particulière, qui ne parlera pas à tout le monde, et qui prouve que le réalisateur de 21 Grammes sait se renouveler, au risque de déplaire. 

 

vlcsnap-2015-03-02-21h29m40s232Au Strapontin, Alejandro Iñárritu, on est plutôt client. Il fait partie de ces metteurs en scène qui ont su imposer en quelques films un style très personnel, basé sur un tripatouillage savant de la narration, qui chamboule savamment et avec beaucoup d'adresse l'ordre de plusieurs histoires a priori très simples, mais dont l'interaction va se révéler à la fois évidente et vertigineuse. Pour preuves, Amours Chiennes, Babel ou (on en parlait) l'excellent 21 Grammes. Des films a priori arides, mais qui vont se révéler passionnants par  les méandres de leur narration. 

 

 

 

vlcsnap-2015-03-02-22h11m37s192Pourtant, Iñárritu abandonne complètement cette approche dans son nouveau film. On pourrait même dire qu'il en est l'exact opposé. A des films morcelés à l'extrême, le réalisateur oppose une œuvre conçue comme un long mouvement unique, avec d'interminables plans-séquences qui se perdent dans les dédales d'un décor, celui d'un théâtre new-yorkais. Car Iñárritu n'a pas choisi la facilité en racontant les errances d'un acteur un peu has-been qui tente désespérément de se renouveler en montant une pièce de théâtre. Raccroché au souvenir d’une époque où il triomphait dans le rôle de Birdman, un super-héros, Riggan Thompson (Michael Keaton), perd petit à petit contact avec la réalité.

 

 

vlcsnap-2015-03-02-21h30m16s206Le film est tout à la fois le portrait intérieur d’un schizophrène et une méditation sur la frontière entre illusion et réalité. Les personnages s’y déchirent et nous surprennent à tout bout de champ, en brisant cette barrière entre leur vécu et ce qu’ils mettent en scène. Birdman est ainsi plein à craquer de ces petits moments incroyables où les acteurs nous éblouissent l’espace d’un instant. Une performance rendue encore plus fantastique par une mise en scène qui ne joue pas la facilité : on imagine le degré d’implication phénoménal qu’il a fallu aux acteurs pour donner le meilleur d’eux-mêmes dans un dispositif aussi lourd que le plan-séquence. Tous sont éblouissants, d’Edward Norton à Naomi Watts, en passant par un Zach Galifianakis surprenant et sobre. Sans oublier Michael Keaton, qui trouve ici son meilleur rôle, injustement boudé aux derniers Oscars.

 


vlcsnap-2015-03-02-22h52m46s60C’est justement cette approche que ses détracteurs reprochent au film, ce qui peut laisser un peu songeur. On critique une virtuosité un peu gratuite, or semblerait qu’une démarche guidée par la facilité ne se serait pas encombrée de tels défis techniques si elle n’était pas au service d’un concept bien particulier. Ce mouvement incessant et continu, c’est un peu l’œil du Birdman, le double de Riggan, qui traque les personnages dans un univers clos, le théâtre, qui va finir par devenir étouffant dans ses ramifications.

 

 


 

vlcsnap-2015-03-02-22h16m22s240Birdman nous laisse également dans le flou quant aux pouvoirs du personnage principal. Cela apporte une touche incongrue et grinçante, mettant en parallèle un super-héros capable de sauver le monde et un acteur tellement paumé et démuni face au réel qu’il finit par se retrouver en caleçon sur Times Square. Ces moments sont délibérément excessifs, apportant comme une respiration au film et au spectateur, hors de l’univers confiné dans lequel il a été maintenu. C’est comme un intermède délirant, qui donne vie aux obsessions de Riggan.

 

 

 

Alors bien sûr, tout n’est pas forcément réussi dans Birdman. La musique, à base d’impros free jazz à la batterie, est très crispante, même si elle enracine elle aussi le film dans un certain réalisme. De même, l’absence de véritable structure dramatique, si elle dégage une grande liberté de ton, ne milite pas non plus en faveur de l’identification du spectateur, qui aura plus d’une fois l’impression d’être laissé en rade. Une vraie et authentique bizarrerie, donc, qui a défaut d’être totalement convaincante, ne laissera personne indifférent.


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