lundi 19 octobre 2015

Eyes Wide Shut

Film de Stanley Kubrick (1999), avec Tom Cruise, Nicole Kidman, Sydney Pollack, Marie Richardson, Todd Field, etc…

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On peut dire que l'œuvre de Stanley Kubrick aura décidément dérangé jusqu'au bout ! Non content de surprendre et de diviser le public, Eyes Wide Shut s'offrira en prime une petite polémique à sa sortie. Le contenu explicite du film sera en effet considéré comme un peu trop salé pour la censure américaine, qui ordonnera du même coup que plusieurs séquences soient floutées ou altérées digitalement pour masquer certains détails jugés un peu trop hard. Ce n’était pourtant pas la première fois que le réalisateur jouait la transgression. Le film, distribué après sa mort, fera hélas les frais d’un système trop frileux. Aux USA du moins, car l’Europe pourra heureusement voir le film dans sa version complète.

vlcsnap-2015-10-19-21h04m16s91C'est vrai qu'après avoir signé des œuvres aussi novatrices que 2001 ou Orange Mécanique, Kubrick n'est, une fois de plus, partout sauf là où on l'attendait. Cette radiographie du désir chez un jeune couple donne un film surprenant et provocateur, qui séduit et dérange à la fois. Mettant en scène Tom Cruise et Nicole Kidman, le couple vedette de l'époque, il déjoue les attentes et livre un film à la sensualité glacée, où le sexe se pare d'une dimension clandestine. Là où le public attend de voir des stars de la presse people dans une histoire bien balisée, il fait sauter les repères avec une narration posée et tranquille, qui prend le spectateur par la main et le promène nonchalamment dans un univers à la fois sensuel et glacial. 

 

 

 

 

vlcsnap-2015-10-19-21h15m49s77A la base, un fantasme même pas concrétisé qu’Alice (Nicole Kidman) avoue à son mari Bill (Tom Cruise) et qui provoque chez lui un véritable déclic, à partir duquel il va vouloir se prouver à lui-même qu'il est, lui aussi, désirable. La première partie d'Eyes Wide Shut est ainsi marquée par des tentatives de séduction extérieures auxquelles l'un et l'autre ne donnent pas suite. Puis par le biais d'un ami de longue date, Bill entend ensuite parler d'une soirée privée, à laquelle il finit par se rendre masqué. C'est le début d'un engrenage dans lequel le héros va être pris.

 

 

 


vlcsnap-2015-10-19-21h24m20s25Kubrick nous balade alors dans des cérémonies secrètes aux allures de partouzes mondaines. L'itinéraire de Bill, d'abord une simple défiance vis à vis de son épouse, va bientôt se transformer en véritable descente aux enfers. C'est tout un monde de l'interdit qui prend vie sous nos yeux, mais auquel Kubrick donne toutefois des allures très propres. D'accord, ça fait crac boum dans tous les coins mais pas de plan sado-maso ni de déviances particulières. On pourra arguer sur le fait que le monde du vice vu par le réalisateur donne un peu l'impression de feuilleter un journal de cul, mais bon l'essentiel est ailleurs. 

 

 

 

vlcsnap-2015-10-19-21h21m55s142Comme toujours chez Kubrick, le film ne se construit pas forcément sur une intrigue mais plutôt sur des ambiances. New York, reconstituée en studio, à des allures irréelles et la bande son est, comme toujours chez le réalisateur, pleine de surprises. Outre l'utilisation de la Jazz Suite de Shostakovich, qui a depuis fait les beaux jours de la pub, Kubrick marie les accords de piano glaçants d'un Penderecki à du Chris Isaak, et les séquences d'orgie sont rendues encore plus étranges par la musique obsédante de Jocelyn Pook.

 

 



 

vlcsnap-2015-10-19-21h35m10s114A des lieues de l'image du couple glamour qu'ils donnaient alors à l'écran, Cruise et Kidman jouent la carte du réalisme, ça n'est d'ailleurs pas un hasard si le film a été tourné à un moment où leur mariage battait de l'aile. De fait, Eyes Wide Shut résume les incertitudes qui peuvent exister dans la vie maritale, elle les pousse jusqu'à leurs extrêmes limites pour au final déboucher sur un cul-de-sac. Le film condamne le héros à souffrir des conséquences de ses actes, à payer et même s'il se clôt sur une réconciliation, on peut imaginer que les rapports de confiance qui s'y étaient créés ont été durablement ébranlés.

 

 

 

vlcsnap-2015-10-19-21h07m23s93On est chez Kubrick, donc bien évidemment le film ne se départit jamais d'une certaine froideur vis à vis des personnages. C'est presque à une observation d'entomologiste que nous convie le réalisateur et c'est aussi ce qui donne à Eyes Wide Shut ce ton si particulier. Et c'est assez paradoxal qu'un film qui, au vu de son sujet, devrait être finalement assez charnel et sensuel soit en définitive plutôt froid et clinique. Le sexe, tel que vu par Kubrick, n'est pas vraiment une fête des sens mais plutôt une célébration de l'interdit et de la clandestinité.

 

 

 


Paradoxalement, c'est sur ce film qu'on pourrait juger mineur que le réalisateur nous a quittés et a refermé une œuvre aussi fascinante que diversifiée. Il est vrai que comparé à l'ambition démesurée de ses plus grands films, Eyes Wide Shut pourra sembler plus timide et modeste, et donner l’impression de ne pas avoir véritablement de ligne directrice. Il n'en reste pas moins que le talent de Kubrick est présent à chaque image et imprègne cette longue méditation sur le sexe, cette lente promenade avec l’amour et la mort, d'une ambiance qui en fait un film tout à fait unique.

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