jeudi 26 janvier 2012

Munich

Film de Steven Spielberg (2005), avec Eric Bana, Daniel Craig, Matthieu Kassovitz, Ciaran Hinds, Geoffrey Rush, etc…
Pour beaucoup de cinéphiles de la génération du Strapontin, Steven Spielberg a toujours été principalement un entertainer, un réalisateur dont les films les plus réussis étaient toujours un peu teintés de fantastique. Puis le metteur en scène a évolué. Il a voulu raconter des histoires plus adultes, avec plus ou moins de bonheur, et en luttant toujours contre une certaine presse qui ne continuait à voir en lui qu’un artiste grand public. Cette évolution a donné des œuvres fascinantes et un parcours toujours surprenant. Bien qu’on reconnaisse sa patte d’un film à l’autre, Spielberg tente constamment de se réinventer. Il se remet beaucoup plus en question qu’à une certaine période de sa carrière, et c’est particulièrement stimulant à suivre.


Munich intervient dans sa filmographie juste un an après l’enthousiasmant War of the Worlds, une preuve de plus de l’éclectisme de Spielberg, tant les deux films sont quasiment l’antithèse l’un de l’autre. Prenant pour base la prise d’otages intervenue lors des J.O. de Munich en 1972, le film trace les grandes lignes de la tragédie dans son introduction, noyant presque le spectateur sous une incroyable quantité d’informations. Ensuite, Munich devient plus classique lors le personnage principal, Avner (Eric Bana), est choisi par le gouvernement palestinien pour diriger une mission visant à éliminer les commanditaires de la tuerie de Munich.


Comme dans tous les films de Spielberg, le héros est un personnage ordinaire qui est entraîné dans un flux d’évènements extraordinaires, qui finissent par le dépasser. Eric Bana est parfait dans le rôle principal, avec ce mélange de fragilité et de détermination qui sert admirablement le film. Le seul point qu’on pourrait trouver discutable, c’est la facilité avec laquelle ces hommes comme vous et moi se transforment en tueurs impitoyables. Spielberg enfonce un peu trop le clou avec des flashbacks sur la tuerie des jeux Olympiques qui sont censés nous faire comprendre les motivations du groupe. Cela peut paraître un peu léger, mais c’est en définitive assez juste, tant cela nous fait comprendre que la vengeance est au cœur de l’histoire et aveugle finalement le discernement de chacun.

Dans la mise en scène, on retrouve l’efficacité coutumière de Spielberg. Mieux, Munich étonne parfois par un style sec, carré et brutal qui évoque plus d’une fois les thrillers des années 70. Le réalisateur ne prend pas non plus de gants en ce qui concerne la violence. Les scènes de flashbacks sont particulièrement sanglantes et d’un impact redoutable. Les temps forts sont traités avec un style visuel très dépouillé mais également avec une aisance incroyable au niveau de la mise en forme. Images, montage et musique, comme toujours chez le metteur en scène, fusionnent à la perfection pour livrer des moments d’une force dramatique assez bluffante. L'attentat téléphonique à Paris est à cet égard un exemple de mise en place et d’exécution, et chacune des autres séquences d'action est mise en scène avec une aisance tranquille dans la narration.
 
Le film s’octroie aussi quelques parenthèses assez étonnantes, dont une située en France, où Avner rencontre ses informateurs. C’est l’occasion d’une belle scène avec un Michael Lonsdale parfait en gentleman farmer qui manipule avec bonhommie les uns et les autres. Petit à petit, les personnages seront effectivement dépassés par leur mission, manipulés à leur insu, dans un jeu mortel d’où en définitive ils ne sortiront pas indemnes. Au risque de perdre le spectateur sur la durée (le film fait près de 2 h 40), Munich accompagne ses personnages jusqu’au bout, avec des digressions intenses qui tranchent radicalement avec le classicisme habituel de Spielberg (l’exécution de la tueuse Hollandaise).

Le film se clôt par le « retour à la vie » du héros, qui reste toujours hanté par ses démons. Le réalisateur s’avance sur la corde raide avec une séquence très risquée qui met en parallèle une scène d’amour et la tuerie de Munich. Si on comprend le message et le ressenti du héros, il y a quelque chose de limite à utiliser cette reconstitution hyper-violente d’un fait divers réel dans un tel contexte. C’est plutôt maladroit et à la limite de la faute de goût.



Malgré tout, Munich réussit à s’imposer comme une œuvre forte et efficace, qui s’inscrit finalement parmi les films les plus sombres de Spielberg, à des lieues en tout cas de l’humanisme bienveillant dont il s’était fait une spécialité. C’est une facette supplémentaire, surprenante et diablement intéressante dans l’œuvre d’un metteur en scène qui, en définitive, ne cesse de se renouveler.



Le Trombi :
Distribution très cosmopolite pour ce film qui se déroule dans plusieurs pays différents. Les français sont à l’honneur, avec un Kassovitz excellent, mais aussi Amalric, Lonsdale et Attal. Eric Bana, qui m’avait laissé plutôt froid jusqu’à présent, est très convaincant, et Daniel Craig en impose déjà, bien avant sa reconversion en James Bond. Belle révélation également de Ciaran Hinds, un acteur irlandais, jusque là cantonné dans les seconds rôles.

Eric Bana
Daniel Craig
Ciaran Hinds
Matthieu Kassovitz
Mathieu Amalric
Michael Lonsdale
Moritz Bleibtreu et Yvan Attal
Geoffrey Rush
Marie-Josée Croze
Hanns Zischler
Ayelet Zurer



La Photographie :
Comme sur chacun de ses films depuis Schindler’s List, Spielberg travaille exclusivement avec le chef opérateur Janusz Kaminski, dont le travail de caméra sert magnifiquement le film. On retrouve notamment les plans « à la verticale », déjà utilisés dans Catch Me If You Can, et qui semblent hérités de Brian de Palma.


Il y a également beaucoup de plans en caméra portée qui renforcent le côté très nerveux de la mise en scène. Kaminski cadre souvent les personnages en légère contre-plongée, ce qui accentue leur présence. Enfin, l’utilisation des focales courtes permet une restitution du cadre et de la perspective très proche du réel, qui appuie le côté réaliste du film.



L’attentat Parisien:
Comme dans beaucoup de films de Spielberg, une séquence se distingue particulièrement par sa mise en scène et son découpage. C’est l’utilisation des bons vieux principes Hitchcockiens, remis au goût du jour par le metteur en scène. Il faut noter l’importance et la méticulosité de la mise en place de l’action, destinée à impliquer émotionnellement le spectateur dès le début de la séquence. Spielberg démultiplie les points de vue et donne au public une longueur d’avance sur le déroulement des faits. Le groupe d’Avner doit faire exploser une bombe cachée dans un téléphone, mais n’a pas prévu la présence de la petite fille, alors que le spectateur le sait dès le départ. Le moteur du suspense, c’est qu’un des membres du commando s’en rend compte et doit prévenir les autres avant qu’ils ne déclenchent l’explosion. Spielberg entretient la tension par un découpage très morcelé et des gros plans sur des objets (le cadran du téléphone, la télécommande de détonation). La musique de John Williams, avec ses basses répétitives, se cale presque sur la fréquence cardiaque des protagonistes. Notons enfin que la mise en images de l’attentat lui-même est anti-spectaculaire, tout à fait dans la logique de réalisme voulue par le film.




Le DVD Collector :
Tout ce qu’on a eu à la sortie du film, c’est une édition DVD minimale, avec un petit reportage et une intro de Spielberg avant le film (qu’il est d’ailleurs plutôt conseillé de regarder après, car elle en dévoile un petit peu trop), et puis basta ! Il existe pourtant une édition 2 disques qui, pour une raison inconnue, n’a jamais traversé l’Atlantique. Le DVD zone 1 proposait en effet un disque entier de suppléments, qui est d’ailleurs très vite devenu véritablement collector car il était impossible à trouver nulle part ! Pour quelle raison, on l’ignore. Frilosité de l’éditeur devant le sujet un peu trop brulant du film ? On ne le saura jamais. Cela aurait pourtant été l’occasion de lever le voile sur la conception du film, que Spielberg a tourné et finalisé en un temps record. Comme d’habitude, c’est Laurent Bouzereau qui avait mis en boîte les suppléments, on pouvait donc s’attendre à un travail soigné. Pour le reste, le DVD propose un transfert très satisfaisant, que ce soit au niveau de l’image ou du son.

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