mercredi 9 avril 2014

La Traversée de Paris

Film de Claude Autant-Lara (1957), avec Jean Gabin, Bourvil, Louis de Funès, Jeannette Batti, Robert Arnoux, etc…

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D'emblée, Gabin et Bourvil au générique, ça vous donne déjà des allures de classique. Quand en plus vous rajoutez De Funès dans une scène d'anthologie ("monsieur Jambier, 45 rue Poliveau!!"), le film rentre très vite dans la catégorie des œuvres cultes du cinéma français. Et ça n'est que justice. Adapté d'une nouvelle de Marcel Aymé, ce "road movie" à la française est une merveille d'humour goguenard et de bons mots.

 

vlcsnap-2014-04-09-22h17m52s5Les deux personnages, Grandgil et Martin, sont donc chargés de traverser Paris à pied pendant l'occupation avec des valises bourrées de viande destinée au marché noir. Claude Autant-Lara, le réalisateur, brosse un portrait savoureux mais parfois acerbe des comportements pendant cette période trouble, pointant du doigt les combinards, mais aussi ces français éteints par l'ennemi, et ayant abandonné toute velléité de révolte au profit de la lâcheté. L'occasion pour Gabin de se lancer dans un de ses plus célèbres monologues, qui étonne encore aujourd'hui par sa férocité et sa verve.

 

 

 

 


vlcsnap-2014-04-09-22h21m08s156Face à lui, Bourvil tient un rôle mi-figue mi-raisin, pas complètement comique, mais pas non plus ouvertement dramatique. Il abandonne son personnage habituel de benêt pour jouer les faux durs. La réalisation d'Autant-Lara est simple et appliquée, avec parfois quelques belles idées, comme la séquence de l'arrestation, montrée uniquement en ombres chinoises. Le budget modeste du film oblige l’équipe à privilégier le tournage en studio.l Les rues de Paris, ainsi reconstituées, prennent du coup une dimension poétique qui confère un ton très particulier à cette aventure.

 

 

 

 


 

Quand sur la fin, le tragique reprend ses droits, il le fait sans véritable happy end, d'une façon abrupte qui casse l'ambiance de comédie que le film a soigneusement installée. Une conclusion dramatique, puisqu'elle condamne un des personnages à la déportation, mais rachetée au dernier moment par une belle scène de retrouvailles. Point final émouvant d'un petit classique qui, s'il n'est pas exempt de quelques défauts, demeure le prototype même d'un cinéma d'acteurs dans tout ce qu’il peut avoir de délectable et de jubilatoire.

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Le monologue de Grandgil

Scène d’anthologie de La Traversée de Paris, elle se passe dans un bar où les deux héros se réfugient pour échapper à la police. Gabin, poussé à bout par les manières de l’aubergiste et de sa femme, finit par s’énerver et pousser l’une de ses plus mémorables gueulantes. Le texte est millimétré, mais trouve pourtant une incroyable spontanéité dans la bouche de l’acteur. C’est un grand moment, qui surprend par sa crudité et son incroyable énergie.

vlcsnap-2014-04-09-22h04m46s102Grandgil (Jean Gabin) :Non mais regarde moi le mignon, là, avec sa face d'alcoolique et sa viande grise ! Avec du mou partout ! Du mou, du mou, rien qu'du mou ! Mais tu vas pas changer de gueule un jour, toi, non ? Et l'autre, là, la rombière ! La gueule en gélatine et saindoux ! Trois mentons, les nichons qui dévalent sur la brioche ! 50 ans chacun, 100 ans pour le lot, 100 ans de connerie ! 

Martin (Bourvil): Mais où est ce qu'il va chercher tout ça ?

Grandgil : Mais Qu'est ce que vous êtes venus foutre sur terre, nom de Dieu ? Vous n'avez pas honte d'exister, hein ?

L’aubergiste : Mais je ...

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Grandgil :
Tais toi ! Tais toi !
(les clients se lèvent et s’avancent vers Grandgil et Martin)
Et eux, là tiens ! Tu sais où ils vont, Martin ? Ben ils vont prévenir les flics ! Oh mais arrêtez, j’ai beaucoup mieux que ça pour vous, moi ! Vous êtes quatre hommes avec des bras, nous on est que deux. Qu’est-ce que vous attendez pour foutre le camp avec nos valises ? Hein ? Allez, reniflez moi ça, sentez moi ça si ça sent bon, vous qui mangez que du boudin à la sciure et buvez de l’eau du robinet ! Z’avez à bouffer pour trois semaines là dedans ! Eh ben, allez y quoi ! Vous savez bien qu’on n’ira pas se plaindre ! Hé ben, qu’est-ce que vous attendez ? Regarde les, tiens ! Ils bougent même pas ! Et après ça ils iront aboyer contre le marché noir ! Salauds de pauvres ! Et vous, là, affreux ! Je vous ignore, je vous chasse de ma mémoire, je vous balaie !”

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