mardi 1 avril 2014

Gravity

Film d’Alfonso Cuaron (2013), avec Sandra Bullock et George Clooney.

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Le moins qu’on puisse dire du dernier film d’Alfonso Cuarón, c’est qu’il ne laisse personne indifférent. Là où certains saluent une œuvre forte, qui nous fait physiquement ressentir ce que pourrait être une virée en apesanteur, d’autres dénoncent un cinéma à la limite du film de parc d’attractions. Comme Gravity cartonne au box-office, ça n’arrange pas les choses, loin de là. Quand un film fait l’unanimité, il y a forcément un retour de bâton plus important de la part de ceux qui n’ont pas aimé, et qui sont du coup bien contents et très fiers d’agiter les pieds dans le plat et de crier bien fort qu’ils ne se sont pas laissés avoir.

 

vlcsnap-2014-03-30-21h39m36s171Le mot qui revient tout le temps au sujet de Gravity, c’est qu’il est immersif. Grace à une 3D intelligemment utilisée et un travail de caméra littéralement en apesanteur, il nous met dès le départ à la place de ses personnages, suspendus dans l’espace et entrainés dans un combat pour la survie. C’est ce côté quasiment interactif qui fait toute la force du film. On y brasse la peur du vide, la désorientation, l’angoisse de la mort. C’est une aventure humaine, avec tout ce qu’elle peut avoir d’artificiel et de convenu, mais aussi ses lignes de force. Sandra Bullock, après une enfilade de nanars plus ou moins recommandables, y livre une performance dépouillée et touchante.

 

 

vlcsnap-2014-03-30-21h50m41s191Gravity me fait beaucoup penser à un petit film méconnu des années 70, Les Naufragés de l’Espace, de John Sturges, qui était hélas sabordé par des effets spéciaux un peu miteux. Rien de cela ici. Ici, la technique du film, pourtant assez révolutionnaire, devient transparente et renforce la crédibilité de l’histoire, même si le film cède un petit peu trop souvent au besoin un peu gratuit de faire du spectaculaire. Cet empilement systématique des péripéties saborde un peu la dernière partie, en voulant taper dans le registre du grand spectacle. C’est un peu paradoxal de voir Cuarón déployer des trésors d’habileté technique pour établir la crédibilité du cadre de son intrigue, puis nous balancer des situations tellement extrêmes qu’elles en défient un peu la logique.

 

vlcsnap-2014-03-30-21h44m47s246Le réalisateur continue ici avec brio un parcours cinématographique passionnant. Passer ainsi de la comédie de mœurs décomplexée (Yu Tu Mama Tambien) au film pour enfants (A Little Princess) en signant au passage le meilleur épisode de la saga Harry Potter (Le Prisonnier d’Azkaban) et un des films de SF les plus originaux de ces dernières années (Les Fils de L’Homme), ça égare un peu le critique, même si son œuvre a toujours été profondément marquée par une certaine poésie et un attachement aux personnages. Au fil de son périple spatial, il nous livre des bribes d'information, ne définit pas complètement le passé de ses personnages, laissant le spectateur créer sa propre histoire.

 

vlcsnap-2014-03-30-21h53m09s125Le film devient au fil de son déroulement une véritable aventure humaine. Au-delà de ses aspects spectaculaires, Gravity devient une parabole sur la volonté de survie. Rien ne rattache le personnage de Ryan Stone à la vie, et c’est symboliquement la voix de son collègue astronaute qui la poussera à dépasser ses limites et à trouver ce désir de rester en vie. Dans l’une des séquences les plus touchantes du film, Ryan capte une transmission radio de la Terre à laquelle elle ne comprend rien, mais qui parvient cependant à lui apporter un semblant de cordialité. C’est un moment tout simple qui résume admirablement tout le contenu humain et chaleureux du film.

 

 

vlcsnap-2014-03-30-21h40m13s21Cet aspect est tellement simple et réussi qu’on en voudrait presque à Cuarón de retomber dans le spectaculaire. C’est le mélange entre humanité et grand spectacle qui n’est pas totalement convaincant, tant on a parfois l’impression que le film retombe dans les effets spéciaux quand il patine dans son approche plus personnelle. Il se passe trop de choses un peu trop démesurées pour rester dans le parti-pris de réalisme dont se recommande le film.

 

 

 

Néanmoins, même avec ses défauts, Gravity enterre allègrement toutes les grosses machines décérébrées du moment pour nous proposer une vision de l’espace inédite et prenante. A défaut d’être un film franchement personnel, ou le chef d’œuvre annoncé par certains, le film de Cuarón est une aventure unique, dont les choix esthétiques audacieux impliquent le spectateur comme cela n’avait jamais été fait auparavant. C’est déjà beaucoup.

 

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La Technique

A première vue, on ne saisit pas vraiment ce que les effets spéciaux de Gravity peuvent avoir de révolutionnaire, ce qui en dit long sur la qualité du travail fourni par les équipes qui ont travaillé sur le film. Et pourtant, si je vous dis qu’une bonne partie de ce qui se passe dans le film n’existe en fait que virtuellement, vous aurez sans doute du mal à le croire, vu le niveau assez bluffant de photoréalisme atteint par les effets visuels. Concrètement, lors des scènes spatiales, le seul élément réel est le visage des acteurs.

 

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Pour coller au mieux aux situations rencontrées dans le film, Sandra Bullock et George Clooney ont été filmés sur des supports mobiles, à l’aide de caméras motorisées capables de reproduire les mouvements les plus complexes. Tout le reste, les combinaisons, la visière, mais également tout l’environnement, de la station spatiale à la Terre elle-même, a été entièrement créé par ordinateur. Un challenge particulièrement difficile à relever, d’autant plus que le film comporte des mouvements de caméra assez complexes, mais qui devaient pourtant sembler naturels.

 

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Plus traditionnellement, un système de câbles et de supports assez sophistiqué a été utilisé pour les séquences en apesanteur, puis a été ensuite gommé numériquement. Dans plusieurs plans, certaines parties du corps de Sandra Bullock ont même été reconstituées numériquement.

 

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Enfin, pour recréer au mieux les conditions d’éclairage, l’équipe a construit la Lightbox, un cube tapissé d’écrans LED. En projetant dessus les arrières-plans de l’action, cela permettait de recréer très précisément les conditions d’éclairage sur les acteurs.

 

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