mardi 27 mai 2014

Le Trou Noir

(The Black Hole)

Film de Gary Nelson (1979), avec Robert Forster, Anthony Perkins, Yvette Mimieux, Ernest Borgnine, Maximilian Schell, etc…

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Pour une curiosité, c’en est une ! Imaginez plutôt: un film de science-fiction monté par Disney. A priori, on imagine mal, mais il faut se remettre dans le contexte de l’époque, et se souvenir qu’un certain George Lucas avait dégoupillé deux ans plus tôt un film qui était devenu un carton planétaire. Et donc, tous les studios hollywoodiens s’y sont mis, avec plus ou moins de bonheur. Et il faut bien dire que le projet de la firme de tonton Walt avait de quoi exciter la curiosité, puisqu’il était basé sur un phénomène astronomique peu connu et intriguant. Il y avait donc largement de quoi saliver d’avance et imaginer un trip complètement délirant aux confins du cosmos.

 

vlcsnap-2014-05-24-23h54m23s162Peine perdue ! En fait, pour limiter au maximum la prise de risque, Disney s’est simplement contenté de transposer dans l’espace un de ses grands classiques, 20.000 Lieues sous les Mers. Il y a donc un vaisseau abandonné, un capitaine un peu branque (Maximilian Schell), et bien évidemment une équipe de bon gars (plus la charmante Yvette Mimieux et un robot qui ressemble à Mickey) pour le remettre dans le droit chemin. Oui, mais me direz vous, et le trou noir, alors ? Il est où ? Ben en fait, je vous le donne en mille : il sert de décor ! Un joli tourbillon stellaire, dans le fond, ça en jette. Bon, accessoirement, il servira un peu dans la dernière partie, on y reviendra.

 

vlcsnap-2014-05-25-00h12m57s37Donc, l’équipage des gentils, après avoir mis la main sur ce fameux capitaine Reinhardt disparu depuis des lustres, commence à se poser des questions sur ses membres d’équipage tous disparus, (bizarre, non ?) et bien évidemment, ça se corse. Je n’en raconterai pas trop, histoire de ne pas gâcher le peu de surprises que le film réserve, mais une chose est certaine: les scénaristes ne se sont pas foulés. Et pour le coup, ils n’ont pas oublié les ingrédients obligatoires, c’est-à-dire les robots, les lasers qui font pschiout et la pluie de météorites. Il y a tout ce qu’il faut là où il faut.

 

 

vlcsnap-2014-05-24-23h52m11s108Soyons honnêtes, il y a de bonnes choses dans The Black Hole. Le design du Cygnus, le vaisseau spatial, est particulièrement réussi, à l’opposé des formes froides et lisses habituelles de rigueur dans le genre. Son look art-déco louche plutôt du côté de Jules Verne, et c’est une touche d’originalité assez bienvenue. De même, les effets spéciaux “à l’ancienne”, même s’ils n’atteignent pas la sophistication d’un Star Wars, ajoutent une certaine poésie, créant une vision de l’espace qui tient davantage du film d’aventure que de la S.F. Enfin, la splendide partition musicale de John Barry, à la fois mystérieuse et envoutante, est pour beaucoup dans l’ambiance très particulière que dégage le film.

 

vlcsnap-2014-05-27-21h45m23s8En revanche, on ne peut pas vraiment dire que les acteurs fassent des étincelles, c’est le moins qu’on puisse admettre. Le casting, ici, c’est un peu l’auberge espagnole. Comme dans les gros budgets de l’époque, les stars jouent les utilités. Il ne faut donc pas attendre des exploits de la part d’Anthony Perkins ou d’Ernest Borgnine. Au contraire, on leur colle en plus un texte pompeux qui n’arrange pas les choses, loin de là. Quant au dénouement, qui nous emmène dans le fameux trou noir, c’est un mic-mac incompréhensible et fumeux, qui clôt le film sur une note qui se voudrait ésotérique, mais qui s’avère en fait parfaitement ridicule.

 


Sorti en même temps que le premier volet de la saga Star Trek, The Black Hole ne fera pas de grosses étincelles au box-office. Disney ne soutiendra pas non plus le film, auxquelles d’autres productions de S.F. plus ambitieuses comme Alien finiront de donner un sacré coup de vieux dans la foulée. Avec le recul, The Black Hole possède le charme d’un nanar des années 50… sauf qu’il a été produit 20 ans plus tard, à une époque où la distanciation par l’humour donnait une autre dimension à ce genre de cinéma. Avec son approche sérieuse et coincée, il demeure un curieux vestige, un ratage qui séduit malgré tout par son esprit enfantin et son absence de prétention.

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Arrêts sur Images

Le Générique

Bien des années avant la révolution des images de synthèse, The Black Hole créait discrètement l’évènement en proposant une séquence entièrement générée par ordinateur. L’idée de base est une grille informatique, autour de laquelle se déplace la caméra, et sur laquelle se matérialise un tourbillon – le fameux trou noir du titre. Le concept est simple, original, brillamment exécuté et admirablement soutenu par le thème musical entêtant et répétitif composé par John Barry.

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Les Effets Spéciaux

Star Wars a révolutionné les monde des effets spéciaux, tout le monde le sait. Par contre, il a également changé la manière dont ces derniers étaient réalisés. Avant, chaque studio possédait son propre département d’effets spéciaux, qui assurait vaillamment chacune de ses productions, quelles qu’elles soient. Depuis, les effets visuels sont gérés par des sociétés extérieures. Industrial Light & Magic (ILM) fût la première, et par la suite, des centaines de boites vont éclore, chacune se spécialisant dans un domaine particulier. The Black Hole est l’un des derniers films à bénéficier d’une confection “maison”. Il a été réalisé avec les techniciens de l’équipe Disney, mobilisés pour l’occasion pendant plus d’un an.

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Toutefois, ils se sont heurtés à plusieurs handicaps. Désireux d’utiliser la même technologie que Star Wars, à savoir la Dystraflex (une caméra asservie à un ordinateur), Disney cherchera à la louer auprès d’ILM, mais les couts prohibitifs les décourageront très vite. Du coup, les techniciens de chez Disney mettront au point leur propre modèle, l’ACES (Automated Camera Effects System) qui sera finalement plus perfectionné, et permettra d’utiliser le système avec des peintures sur verre, les matte paintings.

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Le problème, c’est qu’à côté de cette innovation technique, il y a quand même pas mal d’effets visuels limite. Disney n’était pas très doué à l’époque pour les trucages utilisant l’écran bleu. Il y a donc beaucoup de détourages très approximatifs autour des personnages et des décors.

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A côté de cela, le travail sur les miniatures est tout de même assez impressionnant. La séquence avec la météorite a été réalisée avec le corridor reconstitué en miniature et les acteurs incrustés sur fond bleu.

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Le trou noir, quant à lui, a été réalisé en injectant des colorants dans un bassin spécialement aménagé pour créer un tourbillon, qui a été ensuite filmé à haute vitesse pour apparaitre au ralenti à la projection.

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La destruction du Cygnus, par contre, apparaît comme un peu baclée, avec des images solarisées, teintées en rouge et mal détourées.

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Quant au final très approximatif, il mélange des images ésotériques avec des scènes se déroulant dans la navette. Elles ont été réalisées sur un plateau mobile. Toute cette dernière séquence a été entourée d’un grand secret lors du tournage, mais il est clair que Disney ne savait pas vraiment comment l’aborder, et a donc opté pour un symbolisme fumeux à la 2001. Une conclusion un peu simpliste pour un film qui promettait beaucoup.

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La Musique

vlcsnap-2014-05-24-23h45m57s194Surprise ! On n’attendait pas vraiment John Barry, le musicien attitré des James Bond, signer pour un film de science-fiction. Et pourtant, à une ou deux reprises, le compositeur avait déjà illustré l’espace avec bonheur, comme par exemple avec la sublime Space March d’On Ne Vit que Deux Fois (sans compter le fameux nanar italien Star Crash, composé un an plus tôt). Les flutes, soutenues par les cordes, y tressaient des mélodies hypnotiques, qu’on retrouve ici.

 

 

blackhole_600aLe motif central, celui du tourbillon qui symbolise musicalement le trou noir, est un thème obsédant qui se répète en boucle. Le compositeur saura également sacrifier à la mode Star Wars avec un thème héroïque un peu pompeux, qui est sans doute l’aspect le moins intéressant d’une partition qui mélange avec beaucoup de subtilité et de classe (comme toujours chez Barry) le suspense et la grandeur, comme dans le fantastique Into the Hole. Le tout avec une coloration mélancolique, typique du compositeur, qui apporte une tonalité un peu triste et nostalgique, ce qui distingue la musique des partitions habituelles du genre et en fait l’une des plus singulières de son auteur.

Le 33 tours publié lors de la sortie du film présentait la particularité d’être le premier enregistrement numérique d’une musique de film. Longtemps indisponible, elle a été récemment rééditée sur le label Intrada, qui a d’ailleurs eu toutes les peines du monde à trouver un équipement capable d’exploiter les fichiers digitaux d’époque. D’abord présenté dans sa version vinyle d’environ 30 minutes, il a été réédité récemment dans une version intégrale avec 20 minutes supplémentaires, et peut donc se trouver très facilement sur le net (Disney/Intrada D001383402 disponible ici).

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