Film de Lars Von Trier (2012), avec Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland, John Hurt, Charlotte Rampling, etc…
Tiens, si on parlait de Lars Von Trier, histoire de se mettre un peu sur la gueule ? Entre ceux qui reprochent au réalisateur danois son gout immodéré pour la provoc et ceux qui applaudissent des deux mains un cinéma qui se voudrait polémique et proche du réel, choisis ton camp, camarade ! En ce qui concerne le strapontin, c'est vite vu. Après avoir été enthousiasmé par ses deux premiers films, Element of Crime et surtout Europa, ça a vite été la douche froide. Le metteur en scène a vite abandonné un cinéma aux trouvailles visuelles passionnantes pour un pseudo-style qui, allez comprendre, a fait fureur dans les communautés cinéphiles.
Le bonhomme n’en est plus à une provocation près, à vrai dire. Après avoir fait vœu de chasteté avec la mise en place du Dogme (en clair on fait des films pas attrayants du tout sur le plan visuel parce que c’est pas réaliste), l’ami Von Trier a imposé un cinéma qui laisse perplexe, tellement brut de décoffrage que toute émotion est annihilée par un style à la limite de l’amateurisme, façon film de vacances au caméscope. Comme si ça ne suffisait pas (et que le spectateur moyen risquait de se lasser), le réalisateur a joué la carte du choquant. Et vas-y que je te colle des inserts à la limite du porno ou des trucs bien gore. Ca se voudrait novateur, c’est juste pénible.
Donc, vous allez vous dire que si le Strapontin ne pouvait pas saquer son cinéma, c’était pas très malin d’aller s’infuser Melancholia et ça tenait un peu du masochisme. Fichue curiosité : la fin du monde vue par Von Trier, on se demandait ce que ça allait bien pouvoir donner. Et puis Kirsten Dunst, quand même, qui se taille petit à petit une stature de grande actrice (et qui a d’ailleurs récolté un prix d’interprétation à Cannes, c’était pas rien). Bref, des tas de petits trucs comme ça qui, sans vraiment convaincre, donnaient envie d’aller y voir.
Et honnêtement, au début on est réellement saisi. Des images ésotériques, filmées au ralenti sur le Tristan et Yseut de Wagner. C’est d’une fulgurante beauté et surtout complètement inattendu de la part de Von Trier. On se dit alors que l’heure est peut-être venue de balayer ses a-prioris sous le tapis. Eh bien non. Passé ce prologue magnifique, le réalisateur retombe dans ses habituels travers. On passe un bon quart d’heure à se demander si la limousine des jeunes mariés va pouvoir négocier un virage… Le tout bien évidemment filmé caméra à l’épaule et en DV, pour faire plus réaliste.
S’ensuit une longue et interminable séquence de mariage. Au bout de cinq minutes, on a bien compris que la belle Kirsten n’en n’a rien à cirer de son beau mari et de sa belle-famille. On tombe sur Kiefer Sutherland en rupture de Jack Bauer et sur un John Hurt mal peigné. Charlotte Rampling joue la mère abusive et Charlotte Gainsbourg la sœur compatissante. Au cours de ce long prologue, Melancholia installe la clé de son intrigue, à savoir la dépression de son héroïne. Et il faut reconnaitre que l’idée de base est particulièrement ingénieuse : mettre ainsi en parallèle la fin du monde et l’effondrement d’un univers personnel, cela fournissait matière à des développements passionnants.
Sauf que Von Trier se cantonne au ressenti, à la violence des sentiments, mais sans aller au delà. Il déploie les grandes orgues, mais reste constamment au niveau de l’individu. Du monde extérieur, de la panique qui saisit une humanité en train de vivre ses dernières heures, nous ne saurons rien. Du désarroi de l’héroïne non plus, d’ailleurs. C’est une description tellement clinique qu’il est impossible de rentrer dedans, et ceci malgré les prestations de Kirsten Dunst et de Charlotte Gainsbourg, qui sont vraiment excellentes dans ces rôles difficiles.
Donc quelque part, ce Melancholia reste éminemment plus comestible que les derniers brulots provocateurs de Von Trier. Ses indéniables qualités plastiques et l’implication de ses acteurs en feraient même un film recommandable. L’espace de quelques moments à couper le souffle, il trouve même une dimension extraordinaire. Mais entre ces visions apocalyptiques et le tourment intérieur des personnages, la jonction ne se fait pas réellement. Cela donne un film disparate, traversé d’éclairs magnifiques, mais qui peine à former un véritable tout.
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