(Psycho II)
Film de Richard Franklin (1983), avec Anthony Perkins, Meg Tilly, Robert Loggia, Vera Miles, Dennis Franz, etc…
Ah, les années 80, c'était quelque chose quand même ! Comme quoi il n'y a pas que maintenant où les scénaristes sont en panne d'inspiration ! Déjà à l'époque, on n'hésitait pas à aller taper dans les chefs d'œuvre certifiés, histoire de faire rentrer un peu d'argent dans les caisses. Donc du coup, toc toc badaboum, pourquoi ne pas remettre le couvert avec Psycho, qui a tout de même été en son temps une affaire très profitable : réalisé pour une bouchée de pain, il avait bénéficié d'un sacré retour sur investissement, en rapportant des millions.
Ni une ni deux, Universal, détentrice des droits, commence donc à plancher sur différents projets. Robert Bloch, l'auteur du livre original, y va même de sa propre suite et règle ses comptes avec Hollywood en imaginant que Norman Bates sème la terreur sur des plateaux de cinéma ! (on comprend mieux le concept en sachant que Bloch a toujours été un peu jaloux du succès du film). Puis en définitive, c'est le scénario d'un dénommé Tom Holland qui l'emporte, et qui sera mis en images par Richard Franklin, un réalisateur australien qui s'était fait remarquer avec un petit thriller pas trop mal ficelé du nom de Patrick.
Bien entendu, on n'imagine même pas une seconde que cette suite puisse parvenir ne serait-ce que l'espace d'un instant au millième du quart du génie de l'original. Et évidemment, bien malin, le film ne cherche même pas à inciter la comparaison, puisqu'il se place d'emblée sur un autre registre, celui du thriller pépère. Psycho II, par sa mise en scène, est un pur produit Universal des années 80, avec un scénario bien calculé pour ménager quelques surprises et multiplier les références et les appels du pied à l'original.
Le parti-pris plutôt intéressant de l'histoire, c'est de présenter Norman Bates comme une victime, et non comme le tueur branque dont tout le monde se souvient. C'est un homme qui tente de se reconstruire après plus de 20 ans passés en prison, et la performance mesurée d'Anthony Perkins est pour beaucoup dans la crédibilité du personnage. Il réussit à donner une nouvelle vie à cet éternel adolescent trahi par lui-même et dont on sent, au détour d'un regard, qu'il pourrait très bien replonger dans cette spirale infernale. C'est grâce à l'acteur que le scénario, un peu trop alambiqué et manipulateur pour être honnête, fonctionne si bien.
En même temps, Psycho II reste tout de même lié à son prestigieux aîné. Il y a donc des scènes de douche, des meurtres au couteau de cuisine et du suspense. Richard Franklin a le bon goût, à une ou deux exceptions près, de ne pas en rajouter dans l'hémoglobine et la violence qui tâche. Il multiplie les clins d'œil malins à Hitchcock, que ce soit au détour d'un cadrage ou par l'utilisation d'effets de mise en scène. C'est fait de manière assez scolaire la plupart du temps, mais quelque part, il y a quelque chose qui parle à notre sensibilité de cinéphile, même si le film est encombré par les fausses pistes et les révélations scolaires.
C'est justement dans ce désir de vouloir trop en faire que tout se casse la gueule dans sa dernière partie. Se sentant presque obligé de rivaliser avec les coups de théâtre vertigineux du premier film, Franklin en rajoute et en fait mille fois trop. Psycho II sombre alors dans le ridicule le plus absolu, au cours d'un épilogue stupide, qui en profite même pour déconstruire l'intrigue de l'original. Le plus étonnant, c'est que non content de nous infliger une telle semoule, le film a tout de même le culot d'enquiller juste après un dénouement particulièrement saugrenu, qui sauve les meubles avec un humour inattendu et boucle la boucle d'une manière assez subtile.
A l'image de son héros, Psycho II est donc un film totalement schizophrène. A la fois téléfilm de luxe (mais sans la conviction qui va avec) et hommage hitchcockien (mais sans la virtuosité qui va bien), c'est une œuvre un peu bâtarde et très maladroite, essentiellement sauvée par l'implication de son acteur principal. Un ratage donc, mais peut-être pas aussi catastrophique qu'il aurait pu l'être.
Les Clins d'œil Hitchcockiens
Difficile de signer un film comme Psycho II sans manier les références au chef d'œuvre du maître du suspense. Premier aspect de cet hommage, c'est l'utilisation de la couleur. Rappelons qu'Hitchcock avait tourné l'original en noir et blanc pour des raisons budgétaires, mais aussi parce qu'il pensait que la scène de la douche serait trop dure pour le public si elle avait été en couleurs. On a donc l'impression de redécouvrir littéralement un cadre et des décors qui nous sont familiers.
Richard Franklin réutilise également le célèbre plan en plongée dans les escaliers.
… Et on trouve quelques brefs clins d’œil visuels, des citations ponctuelles de plans du premier film.
Richard Franklin a également retenu le principe Hitchcockien de faire participer la caméra à l’action, et il se permet quelques petites touches plus personnelles, comme lors de la dernière séquence, lorsque Lily (Meg Tilly) pense que Norman est redevenu fou. Tout se joue d’abord sur le regard de Perkins. Puis la caméra s’élève brusquement pour filmer l’actrice en plongée et faire ressortir dans le cadre le montant d’une porte, un peu comme si le décor écrasait le personnage.
Une des touches les plus subtiles de cette sequel, c’est d’avoir fait appel au célèbre matte painter Albert Whitlock, qui avait lui-même travaillé à de nombreuses reprises avec Hitchcock sur pratiquement tous ses derniers films. Whitlock était à l’époque un artiste reconnu, c’était une des petites célébrités d’Universal, et il avait même le droit – fait rarissime dans la profession – d’être crédité sur l’affiche du film en tant que responsable des “effets visuels spéciaux”.
Ses contributions au film sont discrètes, comme par exemple l’ajout d’un arrière-plan au décor du motel, ou a surimpression d’un ciel d’orage sur le désormais célèbre panorama de la maison.
Il y a également des effets plus spectaculaires, comme cette plongée à la verticale sur la maison. Le seul élément réel est l’actrice qui court.
La Musique
Élement primordial du film d’Hitchcock, la musique de Bernard Herrmann pour Psycho était elle aussi unique en son genre. Composée pour un orchestre uniquement composé de cordes, c’était une partition novatrice qui est vite devenue un classique de la musique de film. Succéder à un tel chef d’œuvre n’était pas chose aisée, et les producteurs ont eu la bonne idée de faire appel à Jerry Goldsmith. Le compositeur était alors dans une phase de sa carrière où il commençait à expérimenter avec les synthétiseurs, tout en restant fidèle à une approche plus organique des ambiances, en utilisant des percussions. D’emblée, ce qui frappe à l’écoute de la partition, c’est la justesse avec laquelle Goldsmith résume en quelques notes le caractère de Norman Bates. Il le fait par le biais d’un très beau thème, à la fois fragile et émouvant.
C’est la musique qui nous aide à accepter le parti-pris du film, le fait que Norman soit davantage une victime qu’un véritable meurtrier, et on raconte qu’Anthony Perkins a été ému aux larmes lorsqu’il a entendu une démo du thème pour la première fois.
Mais outre cette grande sensibilité, c’est dans ses aspects en clair-obscur que la musique s’impose. Personne ne sait mieux que Goldsmith faire dérailler une mélodie avec de petites touches d’étrangeté, qu’elles soient synthétiques ou orchestrales. La partition regorge de crescendos inquiétants, à l’instar du superbe It’s Not Your Mother, qui commence sur de simples notes de piano pour lentement faire naitre l’angoisse, avant de se clôturer dans une extraordinaire furie orchestrale. Comme bien souvent dans sa filmographie, le compositeur livre une composition à la fois intense et nuancée pour une mise en scène qui reste constamment au ras des pâquerettes.
L’album original de Psycho II était plutôt représentatif du contenu musical du film. Compte tenu des contraintes imposées par le vinyl, Goldsmith avait assemblé un album plutôt cohérent, même s’il était trop court et s’il laissait de côté certains morceaux.
Le CD est par contre devenu une pièce de collection, et fort heureusement, le label Intrada a récemment édité une superbe intégrale de la partition, qui rend enfin justice à toutes ses petites nuances. Le CD est toujours disponible sur le site de l'éditeur.
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