jeudi 6 février 2014

Tremblement de Terre

(Earthquake)
Film de Mark Robson (1974), avec Charlton Heston, Ava Gardner, George Kennedy, Lorne Greene, Genevieve Bujold, etc...













 
 
 
Ça parle de quoi en deux mots : les destinées croisées d'un groupe de personnages avant, pendant et après un gigantesque séisme à Los Angeles.

Ah, les films-catastrophes, leur défilé de vieilles stars sur le retour, leur situations téléphonées , leur péripéties ringardes et leurs effets spéciaux pourris ! Toute une époque ! En plein dans les années 70, c’était à celui qui démolirait le plus de trucs : un paquebot, une tour, un avion… Dans Earthquake, Hollywood ramène carrément une ville à l’âge de pierre, et pas n’importe laquelle : Los Angeles !  Retour sur un des fleurons les plus nanaresques du genre.
 
 
Quand la Fox a cartonné avec L’Aventure du Poseidon, ça a donné des idées à beaucoup de monde. En particulier à Universal, qui l’avait un peu mauvaise car elle avait quand même plus ou moins initié le genre avec Airport en 1970. Du coup, la compagnie a commencé par taper dans la catastrophe aérienne, avec 747 en péril, et a sagement mis ses œufs dans le même panier en lançant la production d’Earthquake. Et Jennings Lang, le producteur, n’a pas lésiné sur les moyens, puisqu’il est allé chercher rien moins que Mario Puzo, l’auteur du Parrain. Un choix plutôt zarbi quand on y pense, la mafia n’ayant pas grand’chose à voir avec le film-catastrophe, mais bon. Hélas, cette idée n'ira pas très loin puisque Puzo partira travailler sur la suite du film de Coppola, et le scénario sera retravaillé dans l'urgence.
 
 
Parce qu'en fait, quand le film est mis en chantier, la Fox et la Warner se sont associées pour produire La Tour Infernale. Universal sait donc que la concurrence va être rude avec Irwin Allen, "The Master of Disaster". Pourtant, Earthquake sera produit avec un budget moitié moindre que celui de son concurrent. Assez paradoxal quand on voit l'étendue du projet: entre mettre le feu à un building et raser une ville entière, il y a une différence et pas qu'une petite. Ceci explique en partie pourquoi, à côté d'effets spéciaux qui tiennent encore bien la route aujourd'hui, on se retrouve avec des maquettes approximatives et des effets pas très convaincants.
 
 
Earthquake est le reflet d'un certain esprit des années 70, où le cinéma était contaminé par la télévision. Les personnages, tous très clichés, évoquent les soap operas, ces séries TV qui brodent interminablement sur des situations dramatiques usées. Déjà, suivant le grand principe du film-catastrophe, il y a toute une première partie consacrée à la présentation des personnages. Donc quand ces derniers sont un peu moisis, forcément, comme dirait Bourvil, ça va marcher beaucoup moins bien ! De fait, le contenu humain de cet Earthquake est maigre et archi-convenu, il accumule les pires clichés.
 
Dès lors, les acteurs font ce qu'ils peuvent. Charlton Heston, qui balade ici une fois de plus sa dégaine de sauveur de l'humanité, joue ici les maris volages et se tape une petite jeunette (en l’occurrence une charmante Geneviève Bujold), mais n'ayez crainte, la morale sera sauve !  George Kennedy, abonné aux nanars Universal, joue le bon flic intègre et bougon, et la pauvre Ava Gardner cachetonne sans beaucoup de conviction. Bref, ce n'est pas du côté des acteurs qu'il faut chercher l'innovation. Pas non plus au niveau de la mise en scène hélas. Mark Robson est un bon artisan, mais pas vraiment un auteur. Le traitement de la mise en scène est à l'avenant, puisqu'on est à la limite du téléfilm.
 
 
Du coup, Earthquake dégage un sérieux parfum de nanar, avec sa moisson de dialogues cultes ou de situations ridicules. Outre les frasques sentimentales de Charlton Heston, on a Marjoe Gortner, le gentil épicier harcelé par des blaireaux homophobes, et qui se révèle être un dangereux psychopathe. Il y a aussi le jeune et pétillant séismologue qui prédit la catastrophe et que personne ne veut croire. La liste est longue ! Rayon énormités, c'est pas mal non plus: on entasse les survivants dans des parkings souterrains, juste histoire qu'ils soient bien ensevelis en cas de nouvelle secousse ! On l'aura compris, la finesse n'est pas l'apanage du film. Il y a même un moment assez glauque, où les passagers d'un ascenseur en chute libre sont carrément concassés, avec du sang (animé) qui gicle sur la caméra ! Amis du bon gout, bonjour !
 
 
Alors, ami lecteur, tu es en train de te demander ce que la Strapontin a bien pu trouver à ce nanar pour lui consacrer un tel pavé ! Eh bien ma foi, on va mettre ça sur le compte de la nostalgie seventies, mais aussi un peu sur celui du spectacle, car malgré tout Earthquake assure quand même de ce côté-là. C'est surtout l'occasion de mettre en valeur le formidable travail d'un des techniciens les plus méconnus et les plus doués de sa profession, je veux parler d'Albert Whitlock, dont les remarquables peintures sur verre ajoutent une dimension supplémentaire et une indéniable grandeur au film. L'espace de quelques séquences, hélas trop brèves, Earthquake devient alors la fresque monumentale qu'il aurait du être.
 
 
Donc en clair, si on devait établir un top ten des films-évènements qui ont mal vieilli, nul doute qu'Earthquake y figurerait en bonne place. Pourtant classé parmi les réussites du film-catastrophe, le film est bien loin d'en égaler les classiques. Réalisé à l'économie et sans éclat particulier, il recense au contraire et sans la moindre originalité tous les poncifs et du genre. Que le Strapontin soit donc excusé, au nom d'une bouffée de nostalgie et de l'éloge du navet, d'avoir consacré ces quelques paragraphes à un film qui n'en méritait sans doute pas tant.




Les Effets Spéciaux

Bien avant que Star Wars ne chamboule ce corps de métier, chaque studio possédait son propre département chargé des trucages. Le problème, c'est que les gros films à effets avaient pratiquement disparu dans les années 70, au profit de productions moins couteuses. Du coup, la vague du film-catastrophe a obligé les studios à faire appel à leurs anciens, dont certains étaient à la retraite. Ainsi, pour Earthquake, Universal a fait reprendre du service à Clifford Stine, un spécialiste de la prise de vues de maquettes qui avait en particulier travaillé sur les nombreux films de SF produits par le studio.

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Les miniatures ont été construites par Glen Robinson, et Frank Brendel s'est chargé des effets mécaniques. Une grande partie de l'efficacité des maquettes provient du fait qu'ils ont été tournés en extérieur, et non dans l'environnement artificiel d'un studio. La lumière naturelle et les arrière-plans  réels contribuent à renforcer le réalisme.
 
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Un exemple de maquettes ratées, qui s'effondrent de manière pas du tout réaliste.
 
 
La rupture du barrage, le Mulholland Dam, filmée "en nuit américaine" de manière à dissimuler les détails trop voyants qui auraient pu trahir les effets spéciaux. Assez curieusement, cette séquence sera réutilisée dans plusieurs films, dont Galactica et le nanaresque Damnation Alley.
 
 
La fuite des personnages au premier plan utilise la technique de la perspective forcée, qui donne l'impression que deux éléments d'échelles différentes sont dans le même plan.
 
 
Un des somptueux matte-paintings d'Albert Whitlock, qui clôture le film. Certaines parties de la peinture ont été bloquées pour pouvoir y ajouter des éléments tels que le feu, ou bien même des personnages.


Un autre matte-painting particulièrement surprenant, qui nous montre la faille de San Andreas. Cette dernière existe réellement, mais pas de manière aussi spectaculaire que dans le film. La peinture d’Albert Whitlock joue habilement sur la perspective, qu’il étend à l’infini.
 
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Un exemple de matte-painting indécelable: seul la rue, la maison et la voiture sont réels. Le reste est complètement peint.
 
 
Pas mal de décors ou d'objets réels sont substitués au dernier moment par des miniatures.
 
 
 

Le Sensurround

Disons-le tout net: c'est principalement le truc qui a vendu Earthquake au moment de sa sortie, puisqu'on vous garantissait que vous alliez éprouver les sensations réelles d'un tremblement de terre. La séance était même déconseillée aux personnes cardiaques, c'est dire ! Mais le Sensurround, c'était quoi ? Eh bien, imaginez vous toute une rangée de caissons de basse installée dans la salle, qui vous remuent sévèrement les tripes dès que la terre commence à trembler. A l'époque, les infra-basses c'était nouveau et même si depuis, leur utilisation s'est un peu banalisée, difficile d'atteindre le niveau auquel ils étaient alors utilisés dans le film. On a d'ailleurs rapporté des cas de cinémas dont le plafond s'était fendillé suite à la projection. Le Strapontin a testé, et le fait est que c'était très efficace, et beaucoup plus puissant que le Dolby ou le DTS. On ressentait littéralement l’effet des basses, qui vous prennent à l’estomac, un peu comme les sensations qu’on peut ressentir lors d’un concert. Manque de bol, le procédé a été abandonné après quelques films. Dommage, c'était plutôt fun (et pour le coup, impossible à reconstituer dans le cadre d'un home cinéma).


 

 

 

 

La Musique

Avant de devenir le compositeur attitré de Spielberg et des Star Wars, John Williams était le musicien obligatoire en matière de films-catastrophe. Attaché au producteur Irwin Allen pour L’Aventure du Poseidon et La Tour Infernale, il sera sollicité par Universal pour mettre Earthquake en musique.
 
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pc9Avec le recul, cette partition apparait cependant comme une des plus faibles qu’il signera dans le genre. C’est encore plus évident sur le disque tiré de la BO. Malgré un très beau thème d’ouverture, le compositeur s’égare un peu dans l’easy listening et la musique d’ascenseur, qui font aujourd’hui très daté. Il y a quelques moments intéressants, avec une utilisation du piano sur un mode très rythmique, mais dans l’ensemble, c’est tout de même assez faible. Ceci dit, le disque (et le CD) sont assez peu représentatifs du contenu musical réel, et on attend une hypothétique édition intégrale qui permettrait de vraiment réévaluer la partition. Pour l’anecdote, l’album propose une piste de bruitage en Sensurround, mais faute du matos ad hoc, n’espérez pas obtenir chez vous le même effet qu’en salle !
 

 
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Le logo

Alors que les films-catastrophe d’Irwin Allen semblaient opter pour des titres stylisés, un peu à la manière de Saül Bass, Earthquake revient à une approche plus classique, mais en détournant légèrement le concept : c’est le titre-même du film qui est menacé par le séisme, se craquelle et se fendille ! L’affiche détaille également tout ce qui attend le spectateur : chutes vertigineuses, inondation, écroulements. Elle est signée Joseph Lewis, qui est plus connu pour avoir réalisé celle de Ben-Hur. A noter également que le logo du Sensurround a été conçu sur la même base, mais de façon plus stylisée, avec une fissure qui fendille les caractères.



 

 

dvdbluEn vidéo

Bien qu’il ait cartonné en salles (c’était tout de même la 4ème plus grosse recette l’année de sa sortie), Earthquake n’a pas reçu de traitement de faveur pour sa sortie en vidéo. Pas d’édition spéciale ni de bonus, juste le film et une bande-annonce, point-barre ! Assez curieux, surtout lorsqu’on sait que Midway, une autre production Universal exploitée en Sensurround aura droit, lui,  à des suppléments conséquents. On doit donc se contenter d’un transfert image plutôt moyen et d’un son 5.1 pas franchement au top. Le blu-ray apporte un surcroit de définition, mais rien de bien épatant. Pour la petite histoire, des scènes coupées existent, elles ont même été réintégrées à une version longue diffusée à la TV américaine. 
 

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