Mémoires de Nos Pères

(Flags of our Fathers)

Film de Clint Eastwood (2007), avec Ryan Philippe, Jesse Bradford, Adam Beach, John Benjamin Hickey, Barry Pepper, etc… 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ça parle de quoi en deux mots: une évocation de la bataille d'Iwo Jima et de ses héros.

Mémoires de nos Pères, c'est un peu le Soldat Ryan de Clint Eastwood. On y trouve la même image délavée et désaturée, la même approche quasi-documentaire des combats, la même violence impitoyable. Rien d'étonnant à cela, puisque Spielberg est co-producteur du film. Cependant, en adaptant un roman de James Bradley, le réalisateur a choisi d'illustrer une page peu connue de l'histoire militaire américaine (du moins pour nous autres occidentaux) : la bataille d'Iwo Jima.

 

Cette île, un des avant-postes japonais, fut le théâtre d'une étape sanglante de la 2ème Guerre Mondiale, puisque des jeunes d'à peine 20 ans se retrouvaient face à des hommes prêts à tout - et jusqu'au sacrifice - pour se défendre contre l'ennemi. Pas d'étonnement donc que Mémoires de nos Pères soit aussi impitoyable et violent dans sa mise en images, recréant non seulement l'ampleur de l'attaque, sa barbarie mais aussi son incroyable confusion. Comme l'a souvent dit l'auteur du livre dont le film est tiré : "les véritables héros d'Iwo Jima sont ceux qui y sont morts".

 

Plus qu’un véritable film de guerre, Mémoires de nos Pères est donc davantage une subtile réflexion sur la notion d'héroïsme. Le film met en parallèle la bataille elle-même avec l'itinéraire de trois survivants de retour en Amérique, qui vont malgré eux endosser le statut de héros car ils ont figuré sur une photo qui a été élevée au rang de symbole. Eastwood questionne sans arrêt les notions de courage et de bravoure, mettant le doigt sur une bataille meurtrière qui aurait ainsi généré comme par accident son propre mythe. Il montre les Etats-Unis pris au piège de leur propre système, et prêts à tout pour fabriquer une histoire qui incite le peuple à participer à l’effort de guerre.

 

Le film nous attache à ces jeunes gens qui, en plus de leur compagnons, ont perdu leurs illusions au cours de cette bataille. Par de savants raccourcis visuels, il mélange présent et passé, renforçant le côté artificiel de célébrations qui apparaissent bien vaines car elles ne s’attachent pas aux vrais vainqueurs. Le casting est du même ordre, très neutre et finalement assez bien choisi, car les acteurs frappent par leur côté ordinaire et des performances très mesurées. Ce sont des hommes comme vous et moi, mais rongés par l’idée qu’ils ne doivent leur survie qu’à la chance.

 

Sur le plan visuel, Mémoires de nos Pères a bénéficié de toutes les avancées en matière d’effets de synthèse, et la reconstitution de la bataille est réellement spectaculaire. Le numérique permet au réalisateur de décrire l’ampleur des forces engagées, et les plans sur la flotte et ses innombrables navires sont vraiment très impressionnants. Digital Domain, la compagnie qui avait signé les effets visuels de Titanic, a ici fait un travail phénoménal, en créant des arrières-plans totalement numériques et en les incrustant dans des prises de vues réelles. Les effets spéciaux s’intègrent à la perfection à un style de photographie très réaliste, à la limite du reportage.

 

Si on ne remet pas en cause la sincérité de son message, il manque un petit quelque chose à Mémoires de nos Pères pour être un chef d’œuvre. Son message et son point de vue sont néanmoins uniques et suffisamment originaux pour emporter l’adhésion. Le réalisateur, dans une démarche plutôt inhabituelle, proposera un second film, Lettres d’Iwo Jima, qui montrera la bataille du point de vue des Japonais. Un autre point de vue cette fois, celui du sacrifice et de l’honneur, juxtaposé dans un dyptique unique en son genre dans l’histoire du cinéma.