Film de John Schlesinger (1976), avec Dustin Hoffman, Laurence Olivier, Roy Scheider, Marthe Keller, William Devane, etc…
Ça parle de quoi en deux mots : un étudiant est impliqué dans un trafic de diamants avec un ancien criminel Nazi.
Au moment de sa sortie slogan de Marathon Man annonçait la couleur de manière on ne peut plus simple: un peu en dessous du titre, il y avait simplement précisé “Un Thriller” . Pourtant, avec le recul, peu de films du genre sont aussi forts et viscéraux que celui-ci. Non content d'être un des thrillers les plus haletants qui soient, Marathon Man est aussi un film qui ne prend pas de gants avec le spectateur et qui le malmène sans le moindre ménagement. Cocktail explosif à la fois violent, complexe et formidablement intense, il se classe d'entrée de jeu parmi les plus belles réussites du genre.
Avec près de 40 ans au compteur, Marathon Man fait partie de ces films qui vieillissent bien, et dont la mécanique parfaitement huilée pourrait aisément en remontrer à bien des films actuels. C’est un véritable classique du genre, une mécanique d’horlogerie impeccable qui vous laisse le souffre coupé. Énorme.
Arrêts sur Images
(Comme d’habitude, section à ne lire qu’après avoir vu le film)
Le Trombinoscope
Comme on l’a dit, l’une des forces du film, c’est son casting très hétéroclite de pros au sommet de leur art. Dustin Hoffman, même s’il est loin de l’âge du rôle (il avait 40 ans au moment du tournage!), est excellent. Laurence Olivier, qui était atteint d’un cancer à l’époque, a failli ne pas participer au film, aucune compagnie ne souhaitant l’assurer pour la durée des prises de vues. Roy Scheider, tout frais sorti du succès de Jaws, endosse avec beaucoup de talent le rôle de Doc. Enfin, on retrouve William Devane, récemment découvert dans le Family Plot d’Hitchcock, et (cocorico !), notre Marthe Keller nationale fait ici une entrée remarquée sur la scène internationale. Sans oublier notre cher Jacques Marin, qu’on a vu à plusieurs reprises dans des films américains.
Violence et Effets Spéciaux
Un des éléments les plus importants du film, c’est sa violence plutôt cash. Particulièrement viscérale, elle est surtout subtilement dosée pour ne pas tomber dans le too much et s’intégrer au mieux au reste de l’intrigue. Outre les classiques effets d’impact de balles réalisés par Richard E. Johnson et Charles Spurgeon, les producteurs ont au également recours aux services de Dick Smith, un des maquilleurs les plus doués de sa profession qui avait, quelques années plus tôt, créé les effets de L’Exorciste. Sa contribution à Marathon Man en tant que “consultant spécial au maquillage” se limitera à des appliques spéciales pour certaines scènes: la main de Roy Scheider lors de l’attaque dans l’hôtel, ou bien un effet de gorge tranchée vers la fin du film. Smith avait également conçu des prothèses pour Dustin Hoffman destinées à la scène de la roulette, mais elles ne seront pas utilisées.
“C’est sans Danger ?”
C’est la réplique la plus mémorable du film, indéfectiblement liée à la fameuse scène au cours de laquelle Hoffman est torturé par Laurence Olivier. La tension est installée dès le début par le fait que le public sait d’avance de quoi le personnage de Szell est capable, mais elle est renforcée par le fait qu’il soit un ancien médecin nazi, et donc capable de torturer sans la moindre pitié. On établit très vite qu’Hoffman est pieds et poings liés et ne peut se défendre. Toutefois, le public est désarçonné par l’attitude de Szell, sa bonhommie (Olivier dit s’être inspiré d’un jardinier pour le rôle) et sa bienveillance, même si un élément de tension est introduit avec la question “C’est sans danger ?” qui revient comme un leitmotiv et dont on sait très bien que le héros ne connait pas la réponse. Ce sont les plans sur les instruments dentaires qui créent la malaise, et également les cris de Hoffmann lorsqu’Olivier l’examine. Il est à noter que l’acteur avait volontairement exagéré sa réaction de douleur de manière à surprendre son partenaire.
John Schlesinger joue subtilement sur les nerfs du spectateur, puisque la scène est décomposée en deux parties. Le public, qui pense en avoir fini avec la torture, se détend et le réalisateur pousse la situation encore plus loin. Toutefois, la scène de la roulette se déroule totalement hors-champ, c’est juste le bruitage quasiment insupportable qui transmettra au spectateur toute l’horreur de la scène. Il faut avoir vu le film en salles pour mesurer l’effet réellement viscéral qu’elle produisait sur le public.
La Photographie
Marathon Man a été un des tout premiers films à bénéficier de l’innovation technique de la Steadicam, un système gyroscopique de stabilisation, qui permet de conserver une image stable en cas de caméra portée. Ce procédé, qui a ensuite été banalisé entre autres par Kubrick, est déjà poussé dans ses retranchements lors de plusieurs scènes du film. Lors de l’entrainement de Babe, un travelling latéral suit sa foulée au ras du sol. Pendant de son évasion, la caméra le suit en courant, et le cadre est instable, comme pour mieux nous communiquer ce que ressent le héros. Dans un cas comme dans l’autre, les mouvements d’appareil sont fluides et élégants, ajoutant à la qualité plastique du film.
A d’autres moments, la photo se fait plus simple, comme avec ces vues de New York au petit matin, mais le côté visuel reste présent avec des compositions surprenantes, comme lors de la confrontation de Doc avec Szell.
Construire le suspense
Dans ses premières séquences, Marathon Man s’ingénie à faire naitre le suspense à partir d’éléments totalement inattendus. C’est le cas lors de la première tentative d’assassinat. Le personnage de Doc est mis en parallèle avec un landau qui le suit, et que la musique nous signale comme potentiellement dangereux. Ensuite, c’est le contenu de la poussette qui surprend le spectateur, puisqu’il s’agît d’une poupée. Dans les plans suivants, on montre la position du landau par rapport à la voiture de Doc et on révèle la vraie nature de la poupée, puisque le bruitage nous indique clairement qu’il s’agît d’une bombe. Bruitage qui s’interrompt en même temps que les yeux de la poupée s’ouvrent. Le spectateur est alors sur le qui-vive et préparé à toute éventualité, et le réalisateur retarde volontairement l’arrivée de l’explosion, qui sera elle très stylisée (éclatement du visage de la poupée, utilisation de plusieurs angles de prises de vues).
A l’identique, la scène dans les jardins du Palais-Royal joue sur des objets anodins pour créer la tension. Le public sait par avance que le personnage de Scheider est menacé et que tout peut lui arriver. Le réalisateur utilise donc quelque chose de banal, un ballon de foot. C’est l’esprit du spectateur qui crée de lui-même le suspense, puisqu’il a déjà associé dans son esprit les objets les plus inoffensifs à la notion de danger mortel.
Les Fantômes du Passé
Pour un film autant imprégné de la menace du nazisme, il fallait une scène forte, de manière à la replacer dans un contexte plus humain. C’est le but de la scène chez les diamantaires, au cours de laquelle Szell est reconnu par une de ses anciennes victimes. Le film alterne trois points de vue: Szell, la femme qui l’a reconnu et les passants. D’abord les plans se concentrent sur la foule, sans montrer quelqu’un en particulier, mais plutôt les réactions surprises. Puis la caméra cadre Szell de plus en plus près pour nous montrer son malaise. La scène s’interrompt lorsque la passante est renversée par une voiture. L’angle de prise de vues est tel qu’il accentue la menace représentée par le véhicule, et un plan à la verticale nous la montre chuter sur la chaussée comme si elle était morte. La situation nous parait sur l’instant tellement dramatique et injuste que le réalisateur a cru bon d’insérer un plan supplémentaire pour indiquer que la passante n’était pas morte.
La Musique
Malgré le succès remporté par le film, la BO, qui n’apparait pas comme très commerciale, ne sera pas éditée. Il faudra attendre 2010 et le feu vert de la Paramount pour qu’un CD voie enfin le jour. Ceci dit, il faut tout de même préciser qu’il s’agît d’un album assez difficile d’accès, sa musique très atmosphérique se prêtant parfois assez mal à une écoute en dehors du film. Mais c’est aussi l’un des témoignages les plus éclatants du génie de ce compositeur très doué, hélas disparu trop tôt (CD Import Film Score Monthly FSM vol. 13 n° 5 disponible ici ).
Longtemps indisponible en DVD pour une bête histoire de droits musicaux (à cause de l’opéra montré dans le film), Marathon Man a eu droit à une édition plus que correcte sur ce support. Un transfert tout à fait propre, un son 5.1 de bonne facture qui met bien en avant la piste musicale, bref du tout bon ! Ajoutez à cela une rétrospective très intéressante sur le tournage, Going The Distance : Remembering Marathon Man, avec des interviews des acteurs principaux. Il y a également un reportage d’époque, The Magic of Hollywood… is the Magic of People. C’est un documentaire un peu neuneu à la gloire du producteur Robert Evans, mais qui a tout de même le mérite de montrer pas mal d’images du tournage. Autre supplément intéressant: les répétitions filmées des acteurs.
Pour ce qui est du blu-ray, on a en prime une image un peu mieux définie, même si le contraste n’est pas vraiment au rendez-vous. Par contre, l’édition française est à bannir, puisqu’elle ne contient strictement aucun bonus ! Une attitude éditoriale inexplicable de la part de la Paramount, qui a pris la mauvaise habitude de sabrer tous les suppléments sur ses disques européens. Si vous désirez les retrouver, il faudra vous tourner vers l’édition américaine qui, heureusement, peut être lue sur n’importe quelle platine. On voudrait tuer le format blu-ray dans l’œuf, on ne s’y prendrait pas autrement !
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